Netflix pris au piège de l'exception culturelle à la française. Le 13 avril dernier, Thierry Frémaux, directeur général délégué du Festival de Cannes, levait le voile sur la liste des 49 films retenus en sélection officielle. Parmi les 18 films en lice pour décrocher la Palme d'or très convoitée de cette 70e édition, se cachent deux films distribués par Netflix. Il s'agit de "Okja", un long-métrage très attendu sur la Croisette réalisé par Bong Joon-ho et de "The Meyerowitz Stories" de Noah Baumbach, avec Ben Stiller, Adam Sandler et Dustin Hoffman.
L'annonce d'une potentielle "Palme d'or Netflix" n'a évidemment pas manqué de faire réagir. Dès le lendemain de l'annonce de la sélection, la FNCF - Fédération nationale des cinémas français - s'était alarmée dans un communiqué, s'inquiétant que, pour la première fois dans l'histoire du festival, des films en sélection puissent ne pas être proposés aux spectateurs en salles, remettant ainsi en cause "leur nature d'oeuvre cinématographique", et réclamant à ce que Netflix s'inscrive pleinement dans le cadre réglementaire français, "fondement de l'exception culturelle".
Dans le même temps, comme le révélaient nos confrères du "Film Français", le BLIC - Bureau de liaison des industries du cinéma - s'était fendu d'un courrier adressé à Pierre Lescure, président du Festival. Dans sa lettre, celui-ci rappelait notamment que Netflix n'a jamais fait part de son intention de respecter la chronologie des médias. En France, concrètement, cette dite chronologie implique qu'un film sorti en salle ne peut pas être mis en ligne sur une plateforme de vidéo à la demande par abonnement avant un délai... de trois ans.
Ravi de se retrouver en sélection officielle de l'une des plus prestigieuses manifestations cinématographiques au monde, Netflix s'est donc retrouvé face à un casse-tête. Car, en vertu de la chronologie des médias, si les deux films pré-cités viennent à sortir en salle, ils ne pourront pas être mis en ligne à disposition des abonnés français avant 2020. La plateforme s'est donc mise en recherche d'une parade, qu'elle a semble-t-il fini par trouver !
Dans un communiqué envoyé hier, Netflix annonce "réfléchir à la possibilité de distribuer les deux oeuvres dans des salles de cinéma françaises pour une durée limitée, en même temps que leur sortie, sur (son) service, tout en respectant la chronologie des médias". La plateforme va donc devoir faire une demande de visa temporaire au CNC, pour que celui-ci lui permette de distribuer son film sur une période ne pouvant excéder une semaine et dans un nombre de salles restreint. Si l'un des deux films distribués par Netflix venait à obtenir la Palme d'or, quelques happy few pourraient donc avoir la chance de le voir en salle.