
Une controverse qui prend de l’ampleur. Alors que la saison des récompenses bat son plein aux États-Unis, le parcours jusqu’ici sans faute d’"Emilia Pérez" de Jacques Audiard est désormais semé d’embûches. En cause, des propos tenus par Karla Sofía Gascón, l’héroïne transgenre du film, sur les réseaux sociaux il y a plusieurs années. Des tweets racistes et islamophobes ont refait surface la semaine dernière dans les médias américains. La comédienne espagnole de 52 ans y qualifiait l'islam de "foyer d'infection pour l'humanité" et critiquait le mouvement antiraciste ayant émergé après la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par la police en 2020. Si l’actrice n’a pas tardé à présenter ses excuses, "en tant que membre d’une communauté marginalisée", dans un communiqué transmis par Netflix, le distributeur a depuis évincé la star de toutes les campagnes de promotion d’"Emilia Pérez".
Jusqu’alors silencieux, le cinéaste français a à son tour réagi ce mercredi 5 février 2025 en donnant une longue interview exclusive au site spécialisé "Deadline". Il a tout d’abord regretté que cette affaire prenne "toute la place". Avant de confier qu’elle l’avait beaucoup affecté : "Cela me rend très triste. Il m’est très difficile de repenser au travail que j’ai fait avec Karla Sofía. La confiance que nous partagions, l’atmosphère exceptionnelle que nous avions sur le plateau, qui reposait justement sur cette confiance. Et quand on a ce genre de relation et que, soudainement, on lit quelque chose que cette personne a dit, des propos absolument haineux et qui méritent d’être condamnés, bien sûr que cette relation en est affectée. C’est comme si l’on tombait dans un gouffre. Parce que ce que Karla Sofía a dit est inexcusable", a-t-il expliqué.
Jacques Audiard a ensuite admis qu’il n’avait plus de contact avec son actrice : "Je ne lui ai pas parlé, et je ne le veux pas. Elle est dans une démarche autodestructrice dans laquelle je ne peux pas intervenir, et je ne comprends vraiment pas pourquoi elle continue. Pourquoi se fait-elle du mal ? Pourquoi ? Cela m’échappe totalement, et ce que je ne comprends pas non plus, c’est pourquoi elle blesse des personnes qui lui étaient très proches. Je pense à la souffrance qu’elle inflige aux autres, à l’équipe, à toutes ces personnes qui ont travaillé si dur sur ce film." Et de conclure : "Elle a besoin d’espace pour réfléchir et assumer la responsabilité de ses actes."

Tout avait pourtant si bien commencé. Le 25 mai 2024, "Emilia Pérez" marquait le Festival de Cannes de son empreinte en obtenant deux prix, celui du jury et un autre récompensant l’interprétation de ses quatre comédiennes principales, Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Adriana Paz et Selena Gómez. Le début d’un conte de fées pour toute l’équipe. Près de huit mois plus tard, le 5 janvier, le thriller musical brillait de nouveau à Hollywood en remportant quatre Golden Globes. Dix-huit jours après, le long-métrage marquait encore les esprits en devenant le film non anglophone le plus nommé de tous les temps aux Oscars, avec treize citations.
Parti de ce fait favori pour cette prestigieuse cérémonie prévue le 2 mars à Los Angeles, ses chances de réussite sont désormais plus que compromises en raison de cette polémique. Mais Jacques Audiard ne baisse pas les bras : "Je ne suis pas seul. Il y a Zoe. Je veux et je vais la défendre et la soutenir jusqu’au bout. Je ne la laisserai pas tomber. Il y a aussi mon équipe extraordinaire qui a travaillé sur ce film, avec foi et enthousiasme. Il n'est pas question que je les abandonne.", a-t-il affirmé à "Deadline". Affaire à suivre.