C'était la réforme la plus importante de la présidence de Patrick de Carolis : la transformation de France Télévisions en une entreprise unique. Lancée en 2009, ce lourd projet visait à rationaliser la gestion du groupe audiovisuel public en réunissant la quarantaine de sociétés qui le composaient à l'époque en une seule. Le but affiché : faire des économies et gagner en efficacité en mutualisant les moyens, financiers comme humains, et en uniformisant les règles de gestion. La réforme a finalement abouti quatre ans après son lancement, en mai 2013, sous la présidence de Rémy Pflimlin.
Mais Le Canard Enchaîné vient aujourd'hui jeter un voile sombre sur cette transformation. Le journal satirique affirme ainsi s'être procuré une document interne présentant l'intégralité des dépenses engendrées à cette occasion. Et la facture est salée : 101,2 millions d'euros ! Une somme importante captée en grande partie par les nombreux cabinets de conseil intervenus lors des quatre années de mise en oeuvre de la réforme. Le Canard Enchaîné révèle ainsi que le cabinet américain Bain&Compagny a perçu pas moins de 11,3 millions pour ses "missions de conseil stratégique" et d'"accompagnement à la conduite du changement". Pour la même tâche, le cabinet français, Ineum Consulting, a pour sa part touché 3,06 millions d'euros entre 2009 et 2010.
Le volet social du projet de passage à une entreprise unique a lui aussi coûté cher au service public. Selon nos confrères, le cabinet Secafi-Alpha, proche de la CGT, a ainsi perçu 660.000 euros pour "le suivi de la réforme". Pour ses conseils en matière de "négociations sociales", Altedia a pour sa part été rétribué 275.000 euros. Par précaution, France Télévisions s'est aussi attaché les services de deux spécialistes en risques psychosociaux des cabinets Socotec et JLO Conseil. Facture : 536.000 euros selon le journal satirique ! "L'accompagnement au changement culturel dans les directions fusionnées" aura quant à lui coûté 200.000 euros à France Télévisions contre 96.000 pour l'analyse de la "perception du changement".
Enfin, près de la moitié des 101,2 millions d'euros dépensés au total l'ont été pour couvrir les dépenses immobilières générées par la réforme (15,7 millions d'euros) et financer un plan de départ volontaire mis en oeuvre par la direction. Ce dernier a permis de supprimer 700 postes et a coûté 35,6 millions d'euros à France Télévisions.
Dans son article, Le Canard Enchaîné pointe également du doigt les faibles économies apportées par la réforme de l'entreprise unique. Elle devait pourtant permettre, selon ses créateurs, d'économiser 66 millions d'euros dès 2012, et près de quatre fois plus les années suivantes. Mais dans un récent rapport d'information de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, les députés ont relevé qu'à ce stade, la passage à l'entreprise unique "semble générer plus de 'surcoûts' que d'économies". "L'entreprise unique, qui aurait dû permettre des économies d'effectifs, se traduit au contraire par une augmentation de ceux-ci" ont aussi noté avec inquiétude les parlementaires.
Malgré son plan de départ de 700 personnes à 35,6 millions d'euros, France Télévisions n'est en effet toujours pas parvenu à réduire ses effectifs. En 2010, le groupe public comptait ainsi près de 10.206 équivalents temps plein. En 2013, ce chiffre devrait atteindre 10.200. Une stabilité qui a obligé France Télévisions à présenter mardi un nouveau plan de départ volontaire, forcément coûteux.