Gilles Pélisson (TV Notes 2016) : "TF1 est en mouvement et à l'offensive"
Publié le 30 juin 2016 à 10:51
Par Benoit Daragon
Pour la quatrième année consécutive, TF1 est désignée chaîne de la saison lors des TV Notes 2016. Rencontre avec Gilles Pélisson le tout nouveau patron du groupe.
Gilles Pélisson Gilles Pélisson
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Un peu plus de 100 jours après son arrivée à la tête du groupe TF1, Gilles Pélisson aura accumulé les surprises depuis son arrivée : en embauchant Ara Aprikian, ancien homme fort de D8, en recrutant Yann Barthès pour la rentrée de TF1 et de TMC, ou en signant un deal avec Netflix sur la série "Marseille". Alors que TF1 a remporté hier le prix de la meilleure chaîne historique lors des TV Notes 2016, notre grande opération dont TF1 repart avec sept autres trophées, Gilles Pélisson, le PDG de TF1, a reçu l'équipe de puremedias.com.

Propos recueillis par Benoît Daragon.

puremedias.com : TF1 est désignée meilleure chaîne lors des TV Notes 2016 pour la quatrième année consécutive. Une première pour vous. Votre mandat commence bien !
Gilles Pélisson : Je crois que c'est la réussite des équipes de TF1 d'avoir su bâtir des grilles de programmes qui rassemblent les Français. C'est ce que rappelle notre signature "partageons des ondes positives". Nous proposons des programmes de qualité dans tous les domaines, ainsi que des grands événements rassembleurs qui rythment la vie du pays comme les grands matchs de football, "The Voice", "Les Enfoirés", et toutes nos soirées. Vous avez aussi primé Jean­-Pierre Pernaut, comme présentateur de JT de l'année, les séries "Clem", "Grey's Anatomy", "Koh­Lanta" et "Vendredi tout est permis". Ca montre bien la diversité et la richesse de nos grilles.

"Arthur est indiscutablement un des grands présentateurs de télévision du pays"

TF1 gagne ce prix de chaîne préférée, malgré une fin de saison particulièrement difficile...
Oui, mais il ne faut pas confondre les moyennes d'audience nationale qui mélangent les premières parties de soirée, mais aussi l'access et les programmes de journée, avec la popularité des chaînes que les gens regardent quotidiennement. Ces derniers jours, on a parlé beaucoup de l'access d'Arthur mais les Français l'adorent en deuxième partie de soirée, ou en prime. C'est indiscutablement un grand présentateur de télévision. Regardez aussi Jean­-Pierre Pernaut. Au delà de sa longévité, il symbolise un rendez-­vous. Un journal sur lequel il a imprimé sa marque. Chapeau pour une telle réussite !
"Clem'", ça c'est la bonne nouvelle. C'est un des paris qui a été faits par Nonce Paolini et par l'équipe des fictions qui symbolise le renouveau de la fiction française. Depuis, on a eu "Sam", des mini­-séries comme "Le Secret d'Elise", etc. C'est jubilatoire de voir qu'au-­delà des grandes séries américaines, pour lesquelles TF1 a toujours été assez connue et reconnue, on a su révéler des talents sur la fiction française.
Et je note que Yann Barthès a eu un prix pour son "Petit Journal ", ce qui est formidable !

Puisque vous en parlez, pourquoi avez­-vous recruté Yann Barthès ? Pour relancer éditorialement TMC et apporter du pep's à TF1 ?
Comme vous le savez, j'ai passé pas mal d'années dans le groupe Accor où je gérais un portefeuille de marques qui allait de Sofitel à Ibis Budget. On doit apprendre à gérer nos marques de la même façon, avec une marque emblématique (TF1) et d'autres qui sont complémentaires. Il y a eu un énorme travail fait sur TF1. On est aujourd'hui en train de le faire sur TMC, NT1, LCI, et HD1, qui reste différente vu son cahier des charges. Ce qui est difficile pour une chaîne c'est d'émerger, d'avoir une personnalité et d'être incarnée et de rassembler des téléspectateurs de manière régulière. La relance de TMC doit passer par un rajeunissement et par un effet de surprise. Yann Barthès fait l'unanimité en France. Il est très connu. La dernière du "Petit Journal" a été suivie par 1,6 million de personnes, ce qui est quand même extraordinaire.

"Sur TF1, Yann Barthès va décoiffer"

Il va avoir une liberté de parole totale ?
Non, 1/8e de liberté seulement. Je plaisante évidemment ! Vous connaissez le garçon, vous voyez ce qu'il fait, ce n'est pas vraiment le genre de personne qui veut faire de l'eau tiède ! Son arrivée sur TF1 va aussi surprendre car il aura un late night show détonnant qui va décoiffer.

Vous l'avez recruté par ce qu'il était sur le marché ou vous vouliez de l'impertinence sur TMC ?
Il n'y a pas énormément de gens de ce calibre en France pour s'imposer dans un moment aussi clé que l'access. Ce qui est intéressant pour lui ­car il a envie de se renouveler c'est d'inventer quelque chose de différent du "Petit Journal". C'est aussi intéressant pour nous qui voulons relancer TMC pour donner à cette chaîne plus d'aspérités pour un public, plus jeune, plus dynamique et plus masculin aussi. Et ce sera accentué par des blockbusters, qui est déjà la force de TMC, mais aussi par du sport puisque, comme vous l'avez vu, on a diffusé le match de l'Euro Angleterre/Slovaquie sur TMC. En plus d'un engouement, Yann Barthès va amener des déclinaisons sur le web auxquelles on accorde beaucoup d'importance. Surtout que Yann Barthès a une communauté importante séduite par sa personnalité.

Pour son émission, le titre de "Temps de cerveau disponible", fameuse petite phrase de Patrick Le Lay pour définir le métier de PDG de TF1, a été évoqué par la presse. Un tel nom est envisageable ?
(Il sourit) On verra... Ce n'est pas encore décidé...

Si vous faites ce choix, ça va faire rire beaucoup de monde...
(Il sourit)

En plus de Yann Barthes, vous avez embauché également Grégoire Margotton, mais aussi Yves Calvi et François­-Xavier Ménage. Pour tout ce mercato, on dit merci Vincent Bolloré d'avoir viré de nombreux talents de Canal+ ?
On dit merci à TF1 d'avoir tout fait pour rendre ce groupe attractif. Si tous ces talents­-là ont envie de nous rejoindre, ce n'est pas pour nos beaux yeux, c'est pour la solidité et la stratégie du groupe. On est ravi d'accueillir tous ces talents, qui viennent s'ajouter à nos nombreux animateurs de grande qualité. Ces nouveaux venus n'ont pas changé de maison juste pour changer d'air. Ils viennent ici pour porter leurs talents et car ils vont avoir, sous la grande bannière TF1, la possibilité de s'exprimer, de bâtir des choses dans de bonnes conditions. C'est l'engagement qu'on a pris avec eux.

"On va continuer à étonner le public"

Vous avez enchaîné les coups pendant vos 100 premiers jours. Une façon de montrer que TF1 était back in business ?
On a surtout voulu dire que TF1 était en mouvement et à l'offensive pour préparer l'avenir dans ce PAF qui est en très grand changement. TF1 n'est pas immobile.

Avec la nouvelle fragmentation due à l'essor de la TNT 2, il faut arrêter de privilégier TF1 et développer toutes vos chaînes en même temps ?
On choisit nos terrains de bataille. Notre modèle, ce n'est plus TF1, leader à tout prix. On veut être leader avec un fort écart sur le deuxième. La force du groupe, c'est de pouvoir faire circuler nos contenus et de pouvoir réincarner nos programmes phare quand ils ont un potentiel. C'est ce qu'on a fait en resignant "Secret Story" sur NT1 et en la confiant à Christophe Beaugrand . Ca a bien marché notamment sur son coeur de cible : les jeunes téléspectatrices. Et sur internet aussi. Je suis content qu'ont ait acté le retour du programme.
On capitalise sur nos marques, nos animateurs de talents et nos programmes phare (deux "Koh Lanta" par an, "The Voice", "The Voice Kids", "DALS", etc...) et une petite dose de nouveautés, comme "Ninja Warrior" par exemple. On va continuer à étonner le public avec des rendez-­vous et de belles nouveautés et des surprises à venir.

Vous avez noté la forte présence de D8 dans le palmarès des TV Notes 2016. L'objectif, c'est que TMC décroche l'année prochaine le prix de "meilleure chaîne de la TNT" ?
Oui, on peut en rêver. On va se donner un peu de temps. On s'inscrit clairement dans la durée. On verra bien comment le public réagit aux nouveaux programmes, comment tout va s'installer.

L'idée, c'est que TMC soit leader de la TNT ?
L'idée, c'est que le groupe soit leader sur la TNT avec TMC et NT1, HD1 et LCI pour pouvoir proposer des choses intéressantes aux annonceurs. Et qu'on propose de bonnes déclinaisons sur le web. C'est le sens de l'Histoire, c'est ainsi que l'on raisonne.

"On prend beaucoup de risques"

Vous avez beaucoup secoué la fiction française ces derniers mois avec des mini­-séries dotées d'un cast prestigieux et diffusées d'abord sur TF1 puis rediffusées sur HD1. Est-­ce que c'est ça, votre stratégie désormais ?
Je n'ai pas forcément encore le recul nécessaire mais je pense que tout cela est une question d'équilibre entre les fictions américaines comme "Esprits criminels" ou "Blind Spot" à la rentrée et les fictions françaises. C'est vrai qu'on a un renouveau de la fiction française aujourd'hui qui fait que les acteurs et les actrices françaises retrouvent un intérêt à jouer dans des séries ou des mini-séries. Ca, c'est extraordinaire pour nous. On peut aussi faire des unitaires qui ont de l'allant comme "L'Emprise". Le succès aidant, on a maintenant l'embarras du choix dans les projets et les scénarios.

Vous dites à vos équipes en charge de la fiction de prendre des risques ?
Oui, on prend beaucoup de risques. La preuve avec ce qu'on a à l'écran qui montre qu'ils ont pris des risques dans le passé. Nous les encourageons à continuer et à amener TF1 sur des sujets où on ne nous attend pas forcément. Dans les 12 prochains mois, vous allez voir que plusieurs sujets assez décoiffants vont être traités.

Il n'y a plus de sujets tabous en fiction télé ?
Il y a de moins en moins sujets tabous mais dès lors qu'on est à des heures de grande écoute, on aura toujours des limitations. On aborde tous les sujets de société mais on essaye d'être accessible à des publics de tous âges. C'est aussi le rôle social et sociétal de TF1 ; en tant que leader on se doit de refléter notre société sous toutes ces aspérités.

"Il faut pouvoir surprendre de temps en temps"

Cette prise de risques, on la retrouve dans la mise à l'antenne de la nouvelle émission d'Arthur mais aussi celle de Nikos bientôt. Faire ces tests permet de préparer l'avenir ?
Oui, on a des piliers comme "Money Drop" ou les "Bienvenue" sur lesquels on peut s'appuyer. Mais notre public est aussi en quête de nouveautés. Le côté rendez­-vous est important mais il faut aussi pouvoir surprendre de temps en temps.

Et quand ça ne marche pas, ce n'est pas un drame ?
Dans le monde de la télévision d'aujourd'hui, c'est plutôt vertueux je pense de dire qu'on peut tester des choses. Si ça ne marche pas, ce n'est pas la fin du monde. On a cette souplesse, cette agilité pour se réinventer.

Vous avez fait venir Ara Aprikian pour réinventer la chaîne ?
Oui, c'est un homme qui vient de TF1 où il a passé 10 ans. Son passage à Canal+ et D8 lui a appris beaucoup de choses, notamment dans le domaine de la TNT et du web. Et après, c'est aussi une alchimie entre les hommes. Je cherchais à avoir une équipe avec laquelle je puisse travailler de manière extrêmement proche. J'ai trouvé en lui quelqu'un à l'écoute, ouvert sur les autres, pas arrogant, qui saurait travailler très bien avec Régis Ravanas, qui dirige la régie.. Je savais qu'on travaillerait main dans la main tous les trois et cela était essentiel pour le futur. C'est très important d'avoir un bon fonctionnement entre contenus et régie. On n'a pas hésité à se remettre en cause et on commence à bien prendre nos marques.

"Nous sommes très contents des audiences de cet Euro"

Est-­ce que TF1 est content des premières semaines de l'Euro 2016 ?
Oui, nous sommes très contents des audiences de cet Euro qui entraîne la ferveur populaire que l'on connaît. Cela rappelle la Coupe du monde 1998. On ne peut que s'en féliciter. Que soit nos duos commentateurs, Grégoire Margotton/Bixente Lizarazu et Christian Jeanpierre/Rudy Garcia, ou "Le Mag" derrière fonctionne très bien aussi. Pour le moment, ce n'est que du bonheur ! Tout ça est une mayonnaise qui a bien pris, également sur LCI d'ailleurs.

Il faut que les Bleus gagnent les quarts car c'est vous qui diffuserez les demi-
finales...
C'est le deal ! (Rires) On sera de tout coeur avec eux en tout cas !

Etes­-vous content des premiers pas de LCI en gratuit ?
Oui. Après, ce sont les débuts. C'est difficile de juger les audiences puisque la grille est en pleine construction en nous appuyant sur les équipes existantes, renforcées par Yves Calvi et François-Xavier Ménage notamment. Nous sommes assez optimistes. On a ce format d'une chaîne d'info enrichie d'une prise de recul et d'analyse. Je crois que ça peut être un pari gagnant.

"On s'inspire beaucoup de ce qui peut se faire en Angleterre ou en Allemagne"

Vous croyez à un paysage avec durablement quatre chaînes d'info gratuite ?
Nul n'est prophète en son pays. Nous verrons. Nous, nous allons faire en tout cas tous nos efforts pour être à notre meilleur niveau d'audience. Ce qui est toujours difficile à comprendre c'est quand on voit la course d'obstacles qu'a été le passage en gratuit de LCI, de voir l'absence d'obstacles pour créer une chaîne d'info publique. C'est assez... étonnant !

Les tensions avec France Télévisions autour de Newen sont-­elles terminées ?
Oui, les équipes se sont remises au travail. On a prolongé les contrats pour "Plus belle la vie ". Newen vit sa vie. On travaille ardemment pour les aider à se développer. On regarde les acquisitions en France ou à l'international. A partir du moment où les producteurs se sentent bien chez Newen et que les programmes produits surperforment par rapport à la moyenne des audiences des chaînes, c'est difficile de se passer de producteurs qui ont fait un tel travail pour la construction de l'image de ces chaînes.

On reproche souvent au groupe TF1 d'être trop français. Est-­ce une de vos missions de le développer à l'international ?
Une "mission", je ne sais pas. C'est certainement l'un des regards que l'on a en tout cas. TF1 a toujours beaucoup travaillé avec les Américains pour les films ou les séries notamment. Mais il se passe plein de choses ailleurs dans le monde. On regarde beaucoup ce qu'il se passe en Europe, y compris dans le domaine de l'innovation. On s'inspire beaucoup de ce qui peut se faire en Angleterre, en Israël ou en Allemagne par exemple. L'idée, c'est plutôt d'être ouvert sur ces univers-là, de ratisser large avec nos radars. Nous avons ce regard que je porte en moi, ayant passé une grande partie de ma vie à l'étranger.

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