Est-ce parce qu'il a toujours appartenu à des groupes de presse d'origine étrangère (d'abord au britannique Emap et, depuis 2006, à la filiale française de Mondadori) ? Depuis sa création, en 2005, Closer s'est démarqué de ses concurrents en ne rechignant jamais à investir le terrain politique. Au fil des années, c'est même devenu un fonds de commerce, voire un des axes importants de sa ligne éditoriale.
François Hollande, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, Carla Bruni ou Valérie Trierweiler : le magazine people n'hésite pas à publier régulièrement des photos des dirigeants politiques de premier plan ou de leurs proches en maillot de bain. En 2008, Closer ose même un comparatif, un rien désobligeant, entre Cécilia Sarkozy et Carla Bruni en tenue de plage, comme il le fait pour Rihanna ou Katy Perry. Car Closer traite les politiques comme n'importe quel autre people, sans faire de distinction. L'année dernière, le magazine a déclenché une polémique internationale en publiant des photos de Kate Middleton top-less.
Le couronne britannique s'est déclarée "choquée" par cette paparazzade sans précédent. "Il est impensable que quiconque puisse prendre de telles photos, et encore plus les publier", s'était alors insurgé un porte-parole du couple qui avait estimé qu'une "ligne rouge (avait) été franchie", rappelant les "excès de la presse et des paparazzi durant la vie de Diana". A l'époque, la justice française interdit au magazine de rééditer les photographies et exige que les clichés de l'épouse du Prince William soient remis à la famille royale.
En publiant hier des photos des visites nocturnes de François Hollande chez la comédienne Julie Gayet, Closer franchit un nouveau cap. Elle enterre l'exception de vie privée pour les élus. Elle traite désormais leur vie conjugale comme elle le ferait pour Johnny Hallyday ou Jean Dujardin. Jusqu'à présent, les secrets des alcôves élyséennes ne sortaient jamais dans la presse. Paris Match avait révélé la double vie secrète de François Mitterrand ainsi que la première séparation entre Nicolas et Cécilia Sarkozy. Là, l'information est d'une autre ampleur car, hier soir, Closer n'a pas dévoilé la séparation du couple présidentiel mais bien une aventure extra-conjugale. Closer a donc changé la jurisprudence. Au "président normal", elle applique une médiatisation "normale".
Si Closer a franchi le Rubicon, c'est aussi parce que ses ventes (342.000 exemplaires en moyenne selon l'OJD) se sont effondrées depuis 5 ans. Le magazine espère 20 à 30% de ventes supplémentaires et imagine que, de par son statut de chef d'Etat, François Hollande n'attaquera pas l'hebdomadaire pour "atteinte à la vie privée" et ne demandera pas de versement de dommages et intérêts. L'hebdomadaire surfe aussi sur une époque où tout est public, comme le dit le slogan d'un magazine concurrent et s'engouffre dans une brèche déjà bien débroussaillée lors du feuilleton des aventures conjugales de Nicolas Sarkozy.