Canal+ diffuse actuellement la fin de la troisième saison, M6 entamera prochainement la diffusion de la première : on va parler de "Scandal" en France pendant encore quelques temps ! La série américaine, imaginée par Shonda Rhimes ("Grey's Anatomy", "Private Practice") est sur une trajectoire ascendante outre-Atlantique avec des audiences en hausse après trois saisons, même si les critiques sont un peu moins enthousiastes face au rythme très soutenu, qui pousse les scénaristes à voir parfois trop grand.
A l'occasion du Festival de Télévision de Monte-Carlo, qui se tient du 7 au 11 juin, Bellamy Young et Jeff Perry, qui campent respectivement la Première dame et le chef de cabinet du Président, ont évoqué au cours d'une table ronde avec quelques journalistes le succès de la série, le rythme, les intrigues, et le bonheur de jouer des personnages complexes. L'interview ne contient pas de spoilers.
Propos recueillis par Charles Decant.
Quand vous avez lu le premier script, saviez-vous déjà que la série deviendrait un tel phénomène ?
Bellamy Young : Il n'y a aucun script qui ressemble à un script de Shonda. Et ce premier script était bien meilleur que tout ce que j'avais lu. Je dis ça alors que je ne passais l'audition que pour un second rôle, j'avais deux répliques à peine. Mais la qualité du matériel, et sachant tout ce que les scénaristes mettaient en place, je savais que la série serait unique. On ne sait jamais à quoi le public va se montrer réceptif, ni ce que les chaînes aiment, mais j'avais ce sentiment.
Même Barack Obama aime la série...
Bellamy Young : Oui ! Je suis allé au Diner des correspondants à la Maison Blanche cette année avec Tony Goldwyn, qui joue mon mari et le président des Etats-Unis. C'était un honneur, et au moment de m'approcher de la Première dame, je me suis rendue compte à quel point c'était un moment incroyable. Donc je m'approche d'elle, et la première chose qu'elle fait, c'est me parler de la mort d'un personnage de la série ! (Rires) Je ne savais pas quoi répondre, alors je l'ai prise dans mes bras. Et quand Barack Obama a vu Tony, il lui a dit "Bonjour monsieur le président", et Tony lui a répondu la même chose !
La série a un rythme très soutenu, les rebondissements sont constants et toujours massifs. Vous n'avez jamais peur que ça devienne invraisemblable ?
Bellamy Young : C'est une question que je me pose, parce que je suis de nature inquiète, mais les scénaristes font un travail fabuleux : il y a des fondements émotionnels forts à tout ce qu'ils font faire aux personnages. Quand Mellie est en crise et qu'elle se lance dans une grande tirade, c'est toujours motivé par la peur, qui est elle-même motivée par l'amour. Et nous, en tant qu'acteur, on fait de notre mieux pour que tout soit le plus crédible et réel possible.
Jeff Perry : En fait, la série est née avec une commande de sept épisodes. Et Shonda a dit aux scénaristes d'y aller à fond, de faire comme s'ils travaillaient sur une mini-série européenne et qu'il n'y aurait jamais plus de sept épisodes et qu'il ne fallait pas s'inquiéter de la suite. Du coup, ils ont mis la barre très haut. Du coup, c'est difficile de garder le même rythme, mais si vous avez vu plusieurs saisons, vous savez qu'elles sont construitres par bloc d'une dizaine d'épisodes. La plupart des crises sont résolues, des nouvelles sont créées. C'est une structure qui permet de durer !
Quand vous découvrez les scripts de chaque épisode, avec ces rebondissements énormes, vous réagissez comment ?
Bellamy Young : On lance des chaises ! On les reçoit lors de la table read, où on les lit tous ensemble la veille du tournage. On s'amuse tellement ! On est comme des enfants ! Josh Malina lit toujours la dernière page pour voir si on a tué son personnage, et un jour on l'a piégé. A la fin de l'année dernière, Shonda a écrit une scène uniquement dans son script à lui, où il mourait. Quand il l'a lue, on a vu son visage se décomposer. Mais il a ouvert mon script et il a vu que cette scène n'existait pas... (Rires)
Jeff Perry : On tweete en direct pendant la diffusion américaine, et on voit la réaction des gens, partout dans le monde d'ailleurs. Et leurs réactions, ce sont à peu près les mêmes que les nôtres. On n'est rien de plus que les premiers spectateurs de la série.
Donc vous découvrez ce qui arrive juste avant de tourner chaque épisode. Ca ne rend pas plus difficile de jouer votre rôle, du coup ?
Jeff Perry : En fait, c'est là qu'on se dit justement que c'est comme la vraie vie. On ne sait pas où on va. En tant qu'acteur, dès qu'on a accepté ça - et on n'a pas le choix -, c'est un vrai cadeau.
Vous êtes un peu dans le même cas que votre personnage, Cyrus, qui est constamment en train d'essayer de gérer une nouvelle crise...
Jeff Perry : Oui, tout à fait ! On reste vraiment dans le présent, et c'est toujours ce qu'on essaie de faire en tant qu'acteur.
Bellamy Young : Et puis on se sent toujours capable si on sait à l'avance vers quoi on se dirige et qu'on se met à jouer en fonction du résultat... Honnêtement, c'est un vrai cadeau de ne pas trop en savoir.
Cyrus sombre de plus en plus, on se demande où il va s'arrêter... !
Jeff Perry : Je sais ! Y a-t-il un fond ? Il continue à creuser ! A quelle profondeur des enfers va-t-il arriver ?
Parfois, il y a un personnage dans une série qui est le centre moral, mais vous êtes un peu son opposé...
Jeff Perry : Au troisième ou quatrième épisode, Cyrus dit quelque chose de fort. Il dit "Certains hommes sont faits pour être heureux, d'autres sont faits pour être grands". Quand j'ai lu ça, je me suis dit "Peut-être que je suis le centre moral de cette série !". Et puis finalement, non. (Rires)
Jouer un personnage qui ne recule devant rien, c'est jouissif ?
Bellamy Young : On adore ça ! On adore les scènes où on se saute à la gorge. C'est le paradis des acteurs ! Il n'y a rien de plus fun que de jouer un personnage moralement ambigü. je n'ai jamais connu une aventure aussi longue, au cours de laquelle on apprend sans cesse de nouvelles choses sur son personnage, on évolue avec lui. Continuer à découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité, de nouvelles bribes de son passé, lui ajouter de la profondeur, découvrir ce à quoi elle est prête... C'est un bonheur incroyable !
On a aussi l'impression que ce genre de rôles est moins fréquent pour les femmes...
Bellamy Young : Absolument, et encore plus pour une femme dans la quarantaine. On nous donne rarement la capacité et la latitude d'être aussi compliquée que les femmes des séries de Shonda. Et plus on vieillit, moins il y en a. Mais dans le monde de Shonda, on est aussi compliquées, on a un potentiel aussi important, on a autant de défauts et de grâce que les vraies femmes.