Interview
Karine Le Marchand (P1) : "J'espère vraiment changer le regard des gens sur les personnes obèses"
Publié le 11 janvier 2021 à 11:00
Par Florian Guadalupe | Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
L'animatrice de M6 est l'invitée spéciale de puremedias.com aujourd'hui.
Karine Le Marchand est l'invitée spéciale de puremedias.com. © Benjamin Decoin/M6
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Après Thierry Ardisson fin octobre et Denis Brogniart en décembre, Karine Le Marchand est la troisième invitée spéciale de la saison et la première de l'année 2021 de puremedias.com ! L'animatrice de M6 prend la parole à l'occasion du lancement ce soir en prime time de "Opération Renaissance", un nouveau programme qu'elle incarne et produit. Ce docu-réalité a suivi pendant plus de trois ans des personnes atteintes d'obésité morbide ayant décidé de maigrir via notamment une opération de l'estomac. Karine Le Marchand raconte à puremedias.com les coulisses du tournage inédit de ce programme au long cours et l'origine de sa création*.

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Propos recueillis par Florian Guadalupe.

D'où vous est venue l'idée de ce programme ?
Karine Le Marchand :
Depuis plusieurs années, je demandais à M6 de faire une émission sur l'obésité. Il n'y avait rien là-dessus à la télévision, à part quelques documentaires de temps en temps. Selon moi, cette thématique ne peut pas être abordée de manière rapide. J'avais vu "The Biggest Loser" (une émission de télé-réalité américaine sur la perte de poids, ndlr). A l'époque, nous avions réfléchi avec Nicolas de Tavernost et Thomas Valentin à racheter le format. Nous en avions discuté avec Shine, qui en avait les droits, avant de renoncer. Affamer quelqu'un, le faire souffrir et le mettre en compétition pour qu'il perde massivement du poids étaient selon nous trop humiliants. Il fallait un autre format.

A cette même époque, j'ai fait de l'hypnose avec Joëlle Cadoret, qui est aujourd'hui dans le programme. J'étais alors addict au chocolat et au coca zéro. En une séance, j'ai arrêté le coca alors que je ne pouvais pas m'en passer jusque-là. Pour le chocolat, dont j'étais encore plus friande, il m'a fallu cinq séances pour parvenir à arrêter. C'est à cette occasion que j'ai découvert le pouvoir incroyable de l'inconscient. Au cours d'une séance, Joëlle Cadoret m'avait expliqué qu'elle était spécialisée dans l'addiction au sucre. Elle m'a fait lire des lettres de gens obèses ou en surpoids qui la remerciaient de les avoir aidés. Je lui ai dit que si un jour, je faisais une émission sur l'obésité ou la perte de poids, je l'appellerai. Ce que j'ai fait pour "Opération renaissance".

"Ce que j'aime dans mon travail, c'est le moment où la vie bascule." Karine Le Marchand

Comment vous êtes-vous familiarisée à la thématique de l'obésité ?
J'ai rencontré d'abord les patients de Joëlle Cadoret. Tout le monde me parlait du mot "renaissance". Je pensais au travail incroyable des chirurgiens. Je m'étais dis : "Il y a quelque chose à faire". Pendant plus d'un an et demi, je suis allée voir des spécialistes. J'ai échangé avec Michel Cymès, un ami de longue date. Je lui ai demandé les contacts de ses meilleurs confrères. J'avais besoin de comprendre et ils m'ont tout expliqué. Je suis allée au bloc opératoire, à l'hôpital de Montpellier. J'ai rencontré le professeur Nocca, fondateur de la Ligue contre l'obésité, qui a été nommé ambassadeur mondial de la chirurgie bariatrique. Dans son service, il a créé une prise en charge multifactorielle. Il m'a expliqué que l'opération n'était pas une baguette magique.

Pour tourner cette émission, il vous fallait des autorisations des pouvoirs publics ?
Je suis allée voir le ministère de la Santé et le Conseil supérieur de l'audiovisuel. J'ai demandé au conseil de l'Ordre des médecins ce que nous avions le droit de faire ou de ne pas faire. De fil en aiguille, j'ai ajouté à mon équipe divers métiers qui ne travaillaient pas ensemble jusque-là. C'était mon idée par exemple d'associer l'hypnose à la chirurgie. C'est à partir de ce moment, en 2015, que j'ai commencé à écrire mon émission. En 2016, j'avais déjà des témoins qui étaient d'accord pour rejoindre l'aventure. J'ai dû centraliser les équipes afin d'être réactive avec les patients. Je voulais aussi absolument travailler avec des professionnels qui ne faisaient pas cette activité pour s'enrichir, des personnes passionnées par leur métier.

"Il y a beaucoup moins de demandes en chirurgie bariatrique et en post-opératoire chez les hommes que chez les femmes". Karine Le Marchand

Qu'a ajouté l'émission au protocole médical existant ?
Nous avons créé des outils pédagogiques supplémentaires pour accompagner les patients. Au cours de mes recherches, j'ai appris par exemple que 30 à 40% des femmes atteintes d'obésité morbide ont subi des attouchements sexuels... Le corps est parfois une carapace, une protection contre certaines agressions, et enlever cette carapace oblige à faire face à ses angoisses. Le psychologique est donc fondamental dans le processus, en amont, comme en aval de l'opération.

Combien de personnes se sont proposées lors de l'appel à témoins pour l'émission ?
Je ne sais pas exactement. Deux casteuses ont travaillé pendant six mois pour trouver les bons témoins. Je voulais que mes dix cas soient représentatifs de tout ce qu'on peut trouver sur les sources d'obésité et les maladies associées, qu'il s'agisse d'hypertension, de problèmes cardiaques, de problèmes d'essoufflement, de problèmes articulaires, de problèmes hormonaux, de problèmes de diabète ou de problèmes d'apnée du sommeil. C'était important à la fois d'avoir des pathologies différentes et des histoires de vie différentes.

Était-ce votre choix d'avoir plus de femmes dans vos témoins ? Il n'y a qu'un seul homme...
Statistiquement, il y a beaucoup moins de demandes en chirurgie bariatrique et réparatrice chez les hommes que chez les femmes. La pression sociale n'est pas la même. Ensuite, le but n'était pas d'être représentatif de toute la société avec nos dix cas. J'avais besoin d'avoir des témoins de différents âges et de différentes régions. Le choix a ensuite été libre et ouvert. Nous n'avons pas fait nos choix par rapport au sexe. Nous avions surtout envie de tomber amoureux de ces personnes. Il y a eu aussi beaucoup de gens que nous avons commencé à suivre avec les caméras avant d'arrêter le tournage car ils n'étaient finalement pas opérables. De notre côté, nous avons suivi strictement le protocole médical. Je tiens à préciser que nos témoins étaient tous déjà engagés dans le processus avant de débuter l'émission. En aucun cas, la télévision ne peut être prescriptrice d'opérations, surtout d'opérations chirurgicales potentiellement dangereuses.

"Aucune autre chaîne n'aurait été capable de signer pour cette émission" Karine Le Marchand

Vous avez parlé de "The Biggest Loser" tout à l'heure. Vous êtes-vous inspirée de ce programme ?
On a regardé les statistiques de "The Biggest Loser". Ca a été le déclencheur. Une étude a montré qu'après 10 ans, 95% des personnes qui avaient été suivies avaient repris tout leur poids, voire en avaient pris plus. Ca prouvait aussi que sans changement du contexte social, familial et psychologique, cette perte de poids massive ne durait pas. Nous ne voulions surtout pas faire la même chose. Et puis, un an, ce n'est pas assez long. En un an, nos témoins ont perdu du poids mécaniquement. Les problèmes sont arrivés généralement après, quand ils se sont retrouvés face à leurs peurs et leurs angoisses. Le travail le plus important était à faire là ! Ensuite, le challenge était surtout de convaincre la chaîne de faire un programme qui ne sortirait que dans trois ans. Aucune autre chaîne n'aurait été capable de signer ça. Il y a eu une telle stabilité au niveau des directeurs de l'antenne pour dire : "Je t'achète un programme en 2017 qui sera diffusé en 2020 ou en 2021". Depuis le départ, la chaîne savait que ça allait être long. C'est en ça que ça va être vraiment révolutionnaire. Je suis hyper fière d'avoir réussi à faire une émission sur trois ans, sans savoir où on va, sans savoir combien on aura de jours de tournage, sans savoir si on allait entrer dans les clous, sans savoir si j'allais mettre la clé sous la porte. Et on a eu aussi plus d'un an de montage !

L'opération bariatrique est risquée pour les personnes atteintes d'obésité. Avez-vous eu peur pour vos témoins lors du tournage ?
J'étais très stressée oui ! Il y a par exemple eu une témoin qui a eu des complications avant même l'opération suite à une réaction allergique à un produit. Elle a failli mourir et n'a en conséquence pas pu être opérée. Elle s'était pourtant longuement préparée à une telle opération et a été très déçue qu'elle soit annulée. Plus largement, des accidents peuvent arriver dans le cadre de telles opérations et il faut qu'on le dise aussi. Nous montrons vraiment tous les enjeux.

Vous avez sorti un livret autour de l'émission. Vous voulez plus largement sensibiliser la population ?
Oui. Je précise que ce livret n'est pas fait que pour les obèses mais pour tout le monde. Nous essayons d'être un programme éducatif qui interroge notre rapport à l'alimentation et à nos frustrations. Sans avoir de problèmes de poids, tout le monde s'est déjà retrouvé, au téléphone, le frigo ouvert, prêt à grignoter avant de se dire : "Mais qu'est-ce que je fais là ?". Il y a un lien fondamental entre les émotions et l'alimentation. Ensuite, c'est important de montrer que l'obésité n'est pas qu'un enjeu de santé ou d'esthétique. Aujourd'hui, c'est aussi un vrai enjeu social ! Tous nos témoins se sont déjà fait insulter parce qu'ils étaient obèses. Je trouve ça fou ! A l'heure où plein gens s'insurgent à juste titre de l'homophobie, du racisme ou du harcèlement sur internet, nous avons des millions de personnes qui se font insulter dans la rue parce qu'elles sont grosses, sans que jamais personne ne soit condamné. J'espère vraiment changer le regard des gens sur les obèses car nous nous sommes aperçus que le regard des autres était un facteur aggravant de l'obésité. Parmi nos témoins, on a des gens qui ne sortent plus de chez eux parce qu'ils ont une phobie sociale. Dès qu'ils ont une réflexion, ils pensent que c'est à cause de leur poids. C'est un cercle vicieux qui mène au pire !

"Vous savez, je ne suis pas à un scandale près" Karine Le Marchand

Lors de l'annonce de l'émission en 2017, l'association Gras Politique est monté au créneau pour critiquer le programme, vous reprochant de "banaliser" les opérations bariatriques. Comment avez-vous pris ces critiques ?
Ecoutez, ça les a fait connaître... Je crois qu'ils ont fait une page dans "Libé" après. C'était super pour eux. Je les ai invités à nous rencontrer pour parler de l'émission, ils ne m'ont jamais répondu. Ce n'était pas ça qu'ils cherchaient. Ils n'ont eu aucune résonance, ni au niveau du ministère de la Santé, ni au niveau de la chaîne. Ceci dit, c'est normal que des personnes s'alertent du fait qu'aujourd'hui notre société mette beaucoup en avant la minceur et les gens normés physiquement. Je les rejoins tout à fait là-dessus, et je pense aussi qu'on peut être très heureux avec des rondeurs. Maintenant, ce n'est pas de ça dont il s'agit dans cette émission ! Il s'agit de personnes obèses morbides. Il s'agit de personnes dont la durée de vie et la qualité de vie sont réduites par rapport aux autres. Ce sont des gens libres qui ont envie de perdre du poids, pour des raisons de santé avant tout. Ils veulent jouer avec leurs enfants, faire leurs lacets, rentrer dans leur voiture, etc. C'est leur demande ! L'OMS a considéré que l'obésité était une épidémie mondiale. La Ligue contre l'obésité essaye de faire passer l'obésité comme une maladie, comme c'est déjà le cas dans plusieurs pays. Pour l'instant, la France refuse. Tous les témoins que nous avons rencontrés sentent bien que leur corps a lâché. Qu'il y ait une association qui s'insurge contre une émission qu'elle n'a pas vue, ça glisse ! Vous savez, je ne suis pas à un scandale près.

Aimeriez-vous que M6 commande une deuxième saison d'"Opération Renaissance" ?
Je ne sais pas. J'ai surtout envie que ce soit diffusé. Je ne me projette pas du tout dans une nouvelle aventure de quatre ans pour le moment. Puis, je ne sais pas ce que je vais devenir dans quatre ans. En tout cas, j'espère que ça va marquer les gens. Pourquoi pas une suite ? Il ne faut pas fermer la porte. Mais déjà, nous allons le diffuser. Nous allons voir si cela fonctionne. Ca a été beaucoup d'années de ma vie. Un an et demi de montage. Je suis fatiguée quand même. Je suis contente d'accoucher de mon bébé. C'est un grand moment de ma vie. Ces dix personnes sont devenues mes amies.

* L'entretien a eu lieu à la fin du mois de décembre.

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