France Inter au sommet. Selon la dernière vague d'audiences radio de Médiamétrie portant sur la période janvier-mars 2019, la station publique dirigée par Laurence Bloch est la radio la plus écoutée de France, en étant suivie en moyenne chaque jour par 6,3 millions d'auditeurs. Jamais jusqu'à présent France Inter n'était parvenue à se hisser sur la première marche du podium, devant RTL. puremedias.com a interrogé Laurence Bloch au sujet de ces excellents résultats.
Propos recueillis par Christophe Gazzano.France Inter se réveille ce matin en étant pour la première fois de son histoire première radio de France. Vous devez être une patronne heureuse ?
Comblée ! France Inter, première radio de France, c'est du jamais vu, donc je suis hyper contente et hyper fière de mes équipes. Je pense que c'est vraiment un succès collectif.
Sur quoi repose ce succès selon vous ?
C'est le résultat d'une politique qu'on mène depuis cinq ans, qui est la même, dont on n'a pas dévié, qui a été celle de faire une radio exigeante dans laquelle on n'a pas peur de parler de littérature, de sciences, d'Histoire... C'est une radio qui est aussi audacieuse : on a fait une nuit autour de "Game of Thrones" et en même temps on va faire samedi une lecture autour de Notre-Dame de Paris en direct. L'exigence et l'audace, au fond, c'est de faire confiance à nos auditeurs, c'est de se dire qu'ils sont intelligents, curieux, malicieux et qu'ils rencontreront ces propositions qui font la différence.
"On va travailler à faire évoluer les choses à la rentrée"
Comme vous le souligniez, la grille actuelle date de 2014. Ne pensez-vous pas être arrivée au bout d'un cycle ?
Je ne dirais pas ça comme ça. Ce serait ridicule de détruire quelque chose qui marche. En revanche, je pense qu'il faut toujours faire évoluer les choses parce que la vie, c'est le mouvement et que si vous ne faites pas évoluer les choses, à un moment donné, ça s'effrite et après l'effritement, c'est l'écroulement. Donc, oui, on va travailler à faire évoluer les choses à la rentrée. Ca ne sera pas la révolution, parce que les auditeurs n'attendent pas la révolution, mais il y aura des évolutions, de nouvelles propositions, de nouvelles voix, mais toujours dans le même sens. La radio, c'est comme une maison de couture, c'est une signature. Il faut s'appuyer sur cette signature, il faut continuer de la décliner en la renouvelant toutes les saisons.
Confirmez-vous que le duo gagnant de la matinale de France Inter Léa Salamé/Nicolas Demorand sera de retour à la rentrée prochaine ?
Il sera reconduit. Je pense que c'est un couple heureux. Il n'y a pas de raison pour qu'il y ait divorce.
Rien n'est encore signé ?
C'est "toppé", ça n'est pas signé puisque ce sont des contrats en CDI.
"'Boomerang', c'est l'affiche de France Inter"
Même chose pour Nagui ?
Absolument. Nagui a fait une performance formidable : il a pris le lead sur sa tranche pour la première fois (avec "La bande originale", ndlr). C'est absolument génial ! Et Augustin Trapenard a enregistré un record absolu avec "Boomerang". Il n'a jamais eu autant d'auditeurs, il a, à 9h en cumulé, 1,9 million d'auditeurs, ce qui est exceptionnel parce que pour moi, "Boomerang", c'est l'affiche de France Inter. On peut recevoir Pierre Guyotat, qui est un auteur extrêmement important - mais extrêmement confidentiel, tout comme on peut recevoir Angèle.
Le "13 Heures" enregistre aussi un record absolu ; "L'Instant M" passe au-dessus du million pour la première fois et pour une émission médias qui démarre à un horaire un peu baroque - à 9h40 - c'est une vraie performance. Le "18/20" prend le lead sur RTL dès 18h pour la première fois. Ce sont des marqueurs extrêmement puissants. Le dernier marqueur, pour moi le plus puissant, c'est que le "7/9" de Nicolas Demorand et Léa Salamé creuse l'écart avec le "7/9" de RTL. Il y a 800.000 auditeurs d'écart (audience cumulée, ndlr). C'est quand même considérable.
Sur un an, on constate que l'audience globale des radios généralistes accuse une baisse de 955.000 auditeurs. Cela vous inquiète-t-il ?
C'est un motif de réflexion. Mais je pense qu'il faut qu'on se renouvelle. Le coeur de la radio aujourd'hui, c'est le linéaire mais il faut absolument que le linéaire réussisse à se démultiplier sur le digital. Si on ne multiplie pas les podcasts natifs et si on ne réfléchit pas à ce qui rassemble les jeunes - l'humour, la musique et le digital - on ne s'en sortira pas. L'information est aussi au coeur de notre mission : on a confiance dans l'information que délivre France Inter, c'est quelque chose qu'il faut disséminer sur l'espace digital. La dissémination de nos contenus est absolument majeure.
"Nous sommes assez loin de la parité"
Dans cette grille en excellente forme, y a-t-il des points que vous souhaitez améliorer ?
Il y a toujours des points à améliorer dans une grille. Il faut qu'on travaille sur le "5/7" afin d'avoir plus d'unité sur les chroniqueurs. Je pense également qu'il faut installer un rendez-vous très fort et très puissant sur l'environnement. Je dirais que ce sont plus des thématiques qu'il faut installer. La question de l'environnement est traitée aujourd'hui par quelqu'un qui a vraiment été précurseur, à qui je rends hommage et qui est Denis Cheissoux, qui fait depuis 20 ans une émission où il cherche à nous concerner tous avec "CO2 mon amour".
Aujourd'hui, il faut donner plus de puissance à ces problématiques, qui sont des problématiques intégrales qui concernent l'intégralité de l'existence humaine. On réfléchit donc à la manière dont on peut installer une émission régulière. J'aimerais également beaucoup installer une émission sur la place des femmes dans le monde. Je pense que la question du genre est aussi une question importante et puis je veux absolument continuer ce qui m'habite depuis le début, c'est la question de la parité. Je pense que nous n'y sommes pas encore, nous en sommes même assez loin. On a réussi sur le "7/9", mais il faut continuer sur la grille et c'est aussi l'un des mes objectifs.
Ce qui signifie plus de voix féminines à l'antenne en prévision ?
Oui. Et puis nous allons continuer à travailler sur une autre force d'Inter, le public jeune. Aujourd'hui, 1/6e de nos auditeurs a moins de 35 ans et ça, pour le service public, c'est fondamental. C'est le digital, l'humour et la musique qui ont permis cela. Quand je vous dis que notre réussite repose sur l'exigence et sur l'audace, cette audace se retrouve dans la musique diffusée, avec Bernard Lavilliers, Angèle mais aussi PNL.
Toujours sur le digital, nous avons fait une opération géniale sur "Game of Thrones", avec une nuit spéciale et un podcast. On a été partenaires d'OCS. Je pense qu'un événement comme celui-ci, qui est un événement à 360°, a pris la communauté "GOT" mais a également rajeuni notre antenne. On a fait "GOT" dans la nuit de dimanche à lundi et ce samedi après-midi, on va faire une grande lecture en direct, en public, avec Guillaume Gallienne et les plus grands textes littéraires autour de Notre-Dame : Chateaubriand, Péguy, Claudel, Victor Hugo... Il faut qu'on ait cet arc de cercle de programmes à 360° pour rassembler les enfants, les ados, les parents et les grands-parents. Mon unique souci, c'est de fédérer.
"On a beaucoup discuté avec Léa Salamé de son retrait"
Il y a quelques semaines, Léa Salamé a pris la décision de se retirer provoisoirement de l'antenne en raison de la candidature de son compagnon Raphaël Glucksmann aux prochaines élections européennes. Si elle ne l'avait pas fait d'elle-même, lui auriez-vous demandé de se mettre en retrait ?
On en a beaucoup discuté et je pense que pour préserver Léa Salamé, pour préserver le métier de journaliste et pour préserver la confiance en France Inter, oui, je lui aurais demandé de se retirer. Mais comme Léa est une grande journaliste et qu'elle aime ce métier, elle a su d'elle-même qu'il y a des grandes interviews qui seraient difficiles, sinon impossibles à faire et je n'ai donc pas eu besoin de la convaincre.
De nouvelles soirées communes sont-elles prévues avec France 2 comme cela a été le cas dernièrement avec le grand débat réunissant les têtes de listes aux européennes ?
A ce stade, non. Mais la semaine prochaine, nous lançons une grande semaine consacrée à l'Europe sur France Inter avec une série d'émissions. Je voudrais en citer deux. D'abord "Boomerang", qui s'est rendu aux quatre coins de l'Europe pour rencontrer des écrivains et des intellectuels. Augustin Trapenard rentre de Rome où il a fait une longue interview d'Erri de Luca. Il aura aussi une femme écrivain portugaise, Lidia Jorge. Et on aura un "18/20" XXL dans lequel on va installer les problématiques de l'Europe sur les questions institutionnelles, mais aussi économiques ou les questions de protection, avec l'intervention des auditeurs. Il y aura aussi toute une série de Laure Adler autour de Simone Veil. L'Europe, quoi qu'il arrive, c'est notre affaire.
"Un nouveau rendez-vous autour de 'Game of Thrones'"
Avez-vous prévu un nouvel événement autour de la diffusion de l'épisode final de "Game of Thrones", qui aura lieu dans la nuit du 19 mai ?
En principe, nous allons ajouter un ou deux épisodes supplémentaires à notre podcast ("Inter is coming", ndlr) et nous verrons si nous ferons une nuit ou un moment, mais nous referons quelque chose pour clore définitivement ce rendez-vous avec "Game of Thrones".
D'autre part, nous avons de nombreux projets en podcast natif. Nous avons "Oli", qui est un succès formidable pour les jeunes parents et les petits enfants (avec des histoires audio pour endormir les 5-7 ans, ndlr). Nous avons le projet de faire une seconde série, un peu différente, pour les 7-12 ans, qu'on espère lancer avant l'été autour du "gai savoir". On pense aux parents en voiture avec les enfants.
Quel est votre prochain objectif pour France Inter ?
Celui de continuer de monter dans les audiences et donner un petit signal d'affection à tous les services publics en leur disant : "Yes, we can !".
Pensez-vous pouvoir conserver cette place de leader sur la durée ?
Je suis très prudente. La place de première radio de France, c'est fragile. Mais ce que je constate, c'est que nous avons une progression constante, solide, pas à pas, depuis septembre 2014. On est partis de 9 points d'audience, on est aujourd'hui à 11,7%, même si nous étions à 11,9% sur la précédente vague. J'ai toujours dit que mon souci est que France Inter reste au-dessus de 11 points parce que c'est vraiment un étiage qu'elle n'avait jamais eu auparavant. Pour moi, c'est le seuil d'inquiétude, 11 points. Après, on donnera le meilleur pour rester les premiers. Donc pas de triomphalisme, mais de l'engagement.
Serez-vous dans "Quotidien" ce soir sur TMC pour commenter ces bons résultats, comme vous le faites rituellement ?
Oui, on y sera : Laurence Bloch et sa bande.