Le pré-rapport du CSA sur France Télévisions dévoilé par BFM Business n'est pas tendre avec l'équipe dirigeante du groupe public. Si bon nombre des critiques adressées sont justifiées, d'autres apparaissent contradictoires, au regard des objectifs multiples assignés au groupe public depuis de nombreuses années.
A France Télévisions, la colère est encore palpable. Après le courrier envoyé par Rémy Pflimlin aux salariés de France Télévisions pour dézinguer les conclusions du pré-rapport, Thierry Thuillier, patron de France 2 et de l'information du groupe public, a réuni sa rédaction la semaine dernière pour les rassurer sur la qualité de leur travail.
Ce matin, Le Canard Enchaîné en remet une couche, assurant que "l'omniprésident du CSA", Olivier Schrameck, "agace" l'Elysée. On tire désormais à balles réelles sur cet ex-directeur du cabinet de Lionel Jospin, accusé par une source du palmipède d'avoir au CSA un train de vie ministériel, avec deux chauffeurs et de multiples collaborateurs. C'est dans ce lourd contexte que le gendarme du PAF devrait sortir son rapport définitif dans les prochains jours. En attendant de savoir s'il sera édulcoré, puremedias.com pointe quelques unes de ses contradictions.
France Télévisions doit être "un véritable média de masse", capable de fédérer un large public. Les auteurs du texte se disent logiquement inquiets "du phénomène de baisse des audiences qui affecte l'ensemble des chaînes". Quelques pages plus loin, ce pré-bilan de la mandature Pflimlin regrette pourtant que la suppression de la publicité après 20h en 2009 n'ait pas permis à France Télévisions de se libérer... de la contrainte de l'audience !
Pour les programmes culturels par exemple, le pré-bilan regrette une exposition "trop confidentielle". Des formats existent pourtant sur les antennes du service public : "La Grande Librairie" (France 5), "Ce soir (ou jamais !)" ou encore "Grand Public" (France 2). Sans compter les émissions patrimoniales de France 3 ou les grandes collections documentaires comme "Apocalypse". Les auteurs évoquent notamment le cas de la "culture classique (art et lettres)", dont 75% de l'offre "se retrouve reléguée entre minuit et 6 heures du matin". Vrai. Mais une programmation en prime plomberait les objectifs d'audiences assignés au service public.
Le document reproche aussi au service public de garder sur son antenne en journée de vieux formats comme "Les Z'amours" ou "Motus" (France 2). Le texte souligne leur "usure" et regrette le manque d'innovation du service public sur cette tranche horaire. Des programmes qui fédèrent pourtant un large public. Vieillissant mais fidèle. Quand l'innovation en journée se paye au prix d'échecs retentissants, comme ce fut le cas pour France 2 en avant-soirée avec "Jusqu'ici tout va bien" et "L'émission pour tous", les auteurs du pré-bilan déplorent... une "forte instabilité préoccupante".
Le CSA se plaint aussi des problèmes d'identité de certaines chaînes et des incertitudes sur le périmètre des différentes antennes de France Télévisions. Seule antenne épargnée par cette critique, France 5. Le CSA salue une offre d'émissions "très lisible" pour le téléspectateur et une "proposition de programmes (...) d'une bonne complémentarité au sein du bouquet de France Télévisions". Mais dans le même temps, il propose d'ouvrir l'antenne de France 5 à des programmes diffusés sur d'autres chaînes publiques (France 2 et France 3 notamment) comme les films et les séries historiques. Avec le risque, justement, de diluer la spécificité de son antenne.
A France Télévisions, on rappelle que le CSA a plaidé il y a peu pour un élargissement du marché de la télévision gratuite. "Si la justification de la création de 6Ter, Chérie HD ou Numéro 23 est l'enrichissement de l'offre gratuite à destination de tous les Français, n'est-il pas alors contradictoire de vouloir supprimer d'autres chaînes peu de temps après ?", s'interroge un cadre de France Télévisions.
Même contradiction en matière de production. Si des critiques peuvent être adressées à France Télévisions dans ce domaine, notamment sur l'opacité de certains appels d'offres, on peut s'interroger sur l'inquiétude du CSA concernant "l'émiettement des commandes de France Télévisions".
Le groupe public ferait appel aux services d'un trop grand nombre de petits producteurs. Le texte souligne ainsi que quasiment "la moitié des producteurs dépend exclusivement du groupe public pour vivre". C'est pourtant le cahier des charges de France Télévisions qui lui impose de veiller "à la diversité de l'accueil des projets" et de s'assurer de "la diversité des investissements dans la création".
France Télévisions est d'ailleurs souvent appelé par sa tutelle et par les parlementaires à soutenir le milieu de la création et notamment le tissu français de petits producteurs indépendants. Quel est le seuil entre diversité et émiettement ? Vaste question.
Autre reproche fait à France Télévisions, la ressemblance de sa programmation avec les chaînes privées. Si certains programmes ont été effectivement inspirés des chaînes commerciales ("Qui sera le prochain grand pâtissier ?", les séries étrangères), la plupart n'auraient sans doute pas eu leur place sur TF1 ou M6.
A contrario, la série "Joséphine ange gardien" par exemple ou des émissions comme "Cauchemar en cuisine" ou "Maison à vendre" pourraient-elle se retrouver un jour en prime sur France 2 ? Rien n'est moins sûr. A France Télévisions, on rappelle que "15 des 20 prime time préférés des Français étaient issus des chaînes publiques" selon l'enquête Qualimat.