Epilogue. Dans cette troisième et dernière partie de notre entretien avec Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de BFMTV se confie sur sa passion toujours intacte pour la radio et livre sa version dans le procès pour diffamation qui l'a intenté début décembre à Samuel Gontier, et à l'issue duquel le journaliste de "Télérama" a été relaxé.
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Propos recueillis par Ludovic Galtier
Avant d'être nommé directeur général de BFMTV, vous présentiez "RTL soir" entre 2012 et 2019. Rue Bayard d'abord, à Neuilly-sur-Seine ensuite, vous étiez réputé pour décrocher des interviews exclusives, notamment de célébrités. Mettez-vous toujours autant les mains dans le cambouis aujourd'hui ?
C'est une grosse partie de mon activité. Je passe beaucoup de temps à décrocher des choses et à faire en sorte, par exemple, que l'on puisse être dans l'avion avec Emmanuel Macron quand il revient de l'ONU ou qu'il nous annonce chez nous au lendemain du premier tour, que 65 ans n'est pas forcément l'âge sur lequel il restera pour la réforme des retraites. BFM est la chaîne de l'événement et nous devons continuer dans cette voie. Mais heureusement, je ne suis pas le seul à convaincre les uns et les autres de venir chez nous.
"La radio me manque"
L'antenne ne vous manque-t-elle pas ? Si je vous dis "Bonsoir à tous, c'est parti pour deux heures d'info. Et à la une..." (gimmick de Marc-Olivier Fogiel en ouverture de "RTL soir")... Qu'est-ce que vous répondez ?
Que cela a été sept années formidables à RTL. Non, mais autant la télé ne me manque pas du tout, autant la radio me manque. Je n'ai hélas pas du tout de temps à y consacrer aujourd'hui. Mais si j'ai un truc qui me plaît toujours, c'est le micro, plus que la caméra.
Dans un portrait surprise qu'avait dressé de vous Jean-Alphonse Richard lors de votre dernière en juin 2019, l'actuel présentateur de "L'heure du crime" terminait en supposant que vous reviendrez un jour à la radio. Vous confirmez ?
Je n'ai jamais vraiment eu de plan de carrière. Quand on est venu me chercher pour diriger BFMTV, je pensais refaire une année à RTL. Je n'en sais rien mais mes trois années de matinale à Europe 1 et mes sept années à RTL, ce sont des années que j'ai adorées. Je ne m'interdis donc pas d'y revenir. Et je retournerai volontiers dans une rédaction, sans la diriger, pour un projet qui me plaît. Mais pour le moment, la question ne se pose pas. Je n'ai pas le temps de me poser la question.
"Je me reconnais dans les interviews sans concession d'Apolline de Malherbe"
Parmi toutes les émissions que vous avez pu présenter, laquelle a été la plus excitante ?
Je dois dire que d'avoir réussi à installer "On ne peut pas plaire à tout le monde" en prime time sur France 3 tous les dimanches soir (2004-2006, ndlr) reste un moment fort pour moi. Cela s'est fait non sans mal. Je remplaçais "Derrick", on m'avait expliqué que c''était impossible de changer les habitudes des téléspectateurs le dimanche... Après, l'une de mes fiertés est d'avoir pu faire "On ne peut pas plaire à tout le monde" le vendredi soir sur France 3 (2000-2003, ndlr) avec la caricature du mec qui n'écoutait pas... Et puis de lancer vingt ans après, dans la même case et sur la même chaîne, "Le divan" (2015-2018, ndlr) et être exactement l'inverse, c'est-à-dire le mec qui recueillait la parole, qui écoutait. Ces deux façons opposées d'aller chercher la vérité me résument assez bien.
Vous avez souvent usé d'un ton incisif dans vos interviews. Avez-vous un successeur dans la nouvelle génération ?
Quand je vois les interviews sans concession d'Apolline de Malherbe, je me reconnais bien.
Vous avez enfin été observateur de la vie des médias dans "Télés dimanche" et "TV+" sur Canal+. Vous avez interviewé des directeurs de chaîne, quelle question poseriez-vous a Marc-Olivier Fogiel, directeur de BFMTV ?
Est-ce que c'est difficile de se renouveler ? Sur une chaine info, ce n'est pas aussi simple que cela et c'est l'enjeu du quotidien. Ma grande fierté c'est de me dire que BFMTV n'a plus rien à voir avec ce que c'était mais qu'en même temps, c'est totalement la même chose.
"Le fait que BFMTV soit critiquée, et même de façon véhémente, cela fait partie de la vie démocratique et il n'y a pas de sujet"
Le mois de novembre à été marqué par six jours de grève sur BFMTV, l'antenne a été plusieurs fois impactée. Les grévistes demandent des augmentations de salaire et l'amélioration de leurs conditions de travail. A quoi les négociations ont-elles abouti ?
A un dialogue social de meilleure qualité. A la suite du mouvement, le dialogue a repris, les négociations annuelles obligatoires ont été avancées et un accord historique a été conclu. Jamais de telles augmentations annuelles n'avaient eu lieu. Elles concernent 70% du personnel avec certaines tranches allant jusqu'à 5,5% d'augmentation.
Regrettez vous le procès pour diffamation contre Samuel Gontier ?
Tous les commentaires sont possibles. J'ai été commenté, cela a même fait ma réputation. "Les guignols" m'ont associé à une hyène, ça m'a fait rire... Le fait que BFMTV soit critiquée, et même de façon véhémente, cela fait partie de la vie démocratique et il n'y a pas de sujet. Toutefois, j'estime qu'il y a des bornes qui ne doivent pas être dépassées. Quand bien même, il s'agit d'un journaliste qui traite BFMTV de xénophobe, d'islamophobe. Pour moi, j'aurais manqué à mon devoir de ne pas défendre la chaine et moi-même. Il prétendait, en effet, que c'était depuis mon arrivée. Je ne regrette pas du tout d'avoir porté plainte. Ce n'est pas parce que la première instance lui a donné raison que je m'en satisfais. Je me réserve le droit de faire appel. Je ne suis pas dans une logique de bâillonnement de la presse. Les mots ont un sens et quand on les emploie n'importe comment, mon rôle est de défendre une rédaction. La critique est possible évidemment, même souhaitable, l'insulte non.
Plus largement, on est dans un contexte où les pressions exercées sur les médias d'investigation indépendants sont fortes. Que le site "Reflets" ait été empêché par la justice de publier des infos sur Patrick Drahi et Altice n'est-ce pas une entrave à la liberté d'informer ?
Sincèrement, je ne connais pas suffisamment bien le dossier. Les journalistes qui enquêtent, par définition, c'est leur métier. Ici, il y a des journalistes d'investigation. Je n'ai pas lu sur quelle base, la justice a rendu sa décision.