
Disposer d'un budget faramineux n'est pas forcément gage de qualité et de succès sur Netflix. Plus gros projet porté sur la plateforme, "The Electric State" avec son casting prestigieux (Chris Pratt, Millie Bobby Brown) n'a pas emballé la presse critique. Tout le contraire de la mini-série "Adolescence", disponible également depuis le 13 mars, et qui s'est vu octroyer 100 % d’avis positifs sur la plateforme américaine Rotten Tomatoes le jour de son lancement. Ce carton plein semble avoir encouragé les abonnés à se ruer sur les quatre épisodes haletants qui composent la fiction britannique, puisque le show s'est installé au sommet du top mondial des séries les plus visionnées. Il se place en tête dans 67 pays, dont la France, les Etats-Unis ou encore la Belgique, et réussit la performance de laisser des miettes à la concurrence, le thriller "Zero Day" porté par Robert de Niro en premier lieu.
Conçu comme un drame policier porté par une tension permanente, cette oeuvre virtuose immerge le spectateur dans une enquête criminelle visant un garçon de 13 ans. Ce dernier est en effet accusé du meurtre d'une adolescente de son collège, et sa famille voit sa vie basculer lorsqu'il est embarqué par la police pour un interrogatoire. Une trame déjà explorée dans d'autres productions mises en ligne sur Netflix mais qui prend une toute autre ampleur grâce aux effets de réalisation. Car, chacun des quatre épisodes a été tourné en un seul plan séquence en temps réel : la caméra s’allume au générique de début, elle s’éteint au générique de fin ! Ce qui plonge le public au cœur du récit, comme au théâtre, avec des mouvements de caméras qui exacerbent la tension dramatique.

Ce procédé technique a cloué sur son siège ceux qui ont déjà pu voir l'entièreté de la fiction. "Un tour de force visuel et existentiel passionnant", "Une série magistrale qui sonde en temps réel les racines du mal", "Une claque aussi visuelle qu’émotionnelle", notent respectivement "Ecran Large", "Télérama" et "Le Parisien", éblouis par le parti pris ultra réaliste choisi par Philip Barantini. Le metteur en scène collabore de nouveau dans cette série avec Stephen Graham, qui incarne le père rongé par la culpabilité du présumé coupable. L’un et l’autre avaient déjà tourné ensemble dans le film "The Chef" en 2021, lui aussi composé d'un plan-séquence unique de 90 minutes.
Outre son approche immersive, "Adolescence" vaut également pour son casting solide donc, mais aussi pour les thématiques abordées durant l'intrigue. La série âpre et cruelle explore les détresses qui accablent les adolescents d’aujourd’hui (harcèlement sur les réseaux sociaux, héritage de masculinités toxiques, complexité du rapport au corps) et dépeint le chagrin d’adultes paumés qui n’ont plus les codes de compréhension de leur progéniture. Ou quand la technique se met au service d'une histoire captivante.