Les excellents chiffres de vente ne suffisent plus. Au quotidien Libération, un an après son arrivée, le directeur Nicolas Demorand est toujours aussi contesté. Une assemblée générale convoquée ce lundi par la Société Civile des Personnels de Libération (SCPL) fait un constat sans appel : "La greffe Nicolas Demorand n'a n'a pas pris". Elle parle de "malaise" et d'un sentiment pour les salariés "d'être dépossédés de (leur) journal."
"Bien souvent, nous ne nous y reconnaissons plus. La direction semble ne pas avoir de politique relative à chaque domaine du journal, du sport à l'économie, de la politique à la société, du web à la culture (...) De là, le sentiment général d'être l'objet d'un mépris, encore accentué par l'attitude autoritaire et arrogante de la direction" écrit la SCPL dans un communiqué. Tout est pointé du doigt, du contenu éditorial au management.
Les salariés dénoncent pêle-mêle "des Unes racoleuses qui tantôt défigurent Libération", "un traitement éditorial partisan en matière politique, qui semble inféoder le journal au PS" ou encore "la mise à l'écart de continents entiers du journal, comme le social, l'environnement, l'immigration." La gestion des équipes est aussi en cause, avec "des embauches de cadres répondant à une logique discrétionnaire" ou encore la "précarisation" des journalistes pigistes.
Ce n'est pas la première fois que l'ex-anchorman de la matinale de France Inter est contesté au sein du journal. Il y a à peine dix mois, quelques semaines après son arrivée, les personnels de Libé avaient voté une motion de défiance à son encontre pour protester contre le réaménagement d'une rubrique et la non-transformation d'un CDD en CDI. Une "alerte" avait commenté Nicolas Demorand à l'époque.
Son remplacement de Laurent Joffrin en mars 2011 avait été approuvé sans grand enthousiasme à 56,7% soit 118 voix pour et 90 voix contre. Face au scepticisme de certains, il avait tenté de marquer sa détermination lors de son grand oral face aux journaliste du quotidien : "Je viens devant vous avec mes désirs et la force de travail qui est la mienne (...) Je suis un sédentaire, je veux m'installer pour longtemps." Aujourd'hui, la SCPL le met en garde : "Libération ne se fera pas sans son équipe (qui) demande à entendre la direction sur l'ensemble de ces points, et se déterminera en conséquence". Nicolas Demorand n'a peut-être par ses équipes avec lui mais ses actionnaires, probablement. Car les ventes du journal autrefois en grandes difficultés ont bondi de plus de 10% en 2011, soit la plus forte hausse des ventes de la presse quotidienne.