Le ton est toujours aussi inamical entre le patron de Gameloft, Michel Guillemot, et le numéro un de Vivendi, Vincent Bolloré. Le second a lancé une OPA sur l'éditeur de jeux sur mobiles. "Je dis aux actionnaires d'opter pour le plan d'affaires que nous avons présenté le 22 mars (...) L'OPA les priverait de plus-value que Gameloft va créer", prévient Guillemot dans un entretien au journal Le Monde. Avec cette OPA, Vivendi veut signer son grand retour dans les jeux vidéo. Après avoir cédé récemment ses parts dans l'éditeur Activision Blizzard pour se désendetter, le groupe de Vincent Bolloré a bien l'intention de réinvestir ce marché porteur.
"Vivendi explique qu'il va nous aider à nous développer à l'international, c'est déjà 96 % de notre chiffre d'affaires ! Ils veulent nous donner du cash, nous en avons déjà, tacle Guillemot. Regardez ce qui s'est passé chez Canal+ (...) Que reste-t-il du management ? Depuis vingt ans, la méthode de Vincent Bolloré n'a pas changé (...) Virer le fondateur d'une société de technologies, qui nécessite un haut niveau de confiance entre ses salariés et son management, est un bon moyen de la tuer".
Fondé en 2000 par Michel Guillemot, Gameloft est spécialisé dans le jeu vidéo sur smartphones. L'entreprise emploie près de 6.700 personnes pour un chiffre d'affaires de 233 millions en 2013 et revendiquait 700 millions de jeux téléchargés en 2014. Vivendi a commencé à monter à son capital à partir de l'automne dernier, annonçant notamment le 22 octobre dernier avoir acquis une participation de 10%. Grâce à des achats d'actions multiples, le groupe de Vincent Bolloré possède désormais plus de 30 % du capital de Gameloft, sans compter les résultats de son OPA à venir.
Les synergies demandées par Vivendi à toutes ses filiales effraient les salariés de Gameloft. "Instrumentaliser Gameloft au service d'un groupe de médias n'a aucun sens (...) Faire des extensions de films, nous reviendrions vingt ans en arrière. Plus personne ne fait de jeux pour les films, à part pour des univers permanents comme 'Star Wars' ou 'Les Minions'. Les idées de Vivendi ne font pas rêver".
Ce raid de Vivendi ne pourrait être qu'une première étape. Parallèlement à son investissement dans Gameloft, Vivendi lorgne aussi sur son grand frère, Ubisoft. Dirigé par Yves Guillemot, le frère de Michel, ce géant français des jeux vidéo édite notamment "Les Lapins Crétins" et la saga "Assassin's Creed" et affichait 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2014. A coup d'achats successifs d'actions, Vivendi s'est déjà adjugé 14,9% de son capital et pourrait être tenté d'en prendre prochainement le contrôle. Au plus grand dam d'Yves Guillemot, son PDG, qui cherche lui aussi de nouveaux partenaires pour résister aux assauts de Vincent Bolloré.
JB/MF