Conformément au dispositif prévu par "l'amendement LCI", TF1 a demandé le passage sur la TNT gratuite de sa chaîne d'info en continu. Une demande qui fait l'objet d'un fort lobbying. Tant de la part de TF1, dont le PDG Nonce Paolini a déjà menacé de fermer la chaîne s'il n'obtenait pas gain de cause, que de la part de BFM TV, première chaîne info de France, qui ne cesse d'alerter des conséquences économiques que cette arrivée provoquerait.
Aujourd'hui à 15 heures, la direction du groupe TF1 a donc défendu pendant 45 minutes la cause de LCI devant les membres du CSA. Nonce Paolini était accompagné d'Eric Revel, le directeur général de LCI, Catherine Nayl, la directrice de l'information du groupe, et de Eric Jaouën, le secrétaire général de l'information du groupe. Ils étaient entourés d'une partie des présentateurs actuels de la chaîne. A noter que les concurrents de LCI, ainsi que les nombreux acteurs de la télévision gratuite et payante, seront reçus par le CSA mardi prochain.
Cette audition, dont puremedias.com vous propose un compte-rendu détaillé, a été marquée par des attaques claires de Nonce Paolini contre Alain Weill, le propriétaire de BFMTV et par quelques passe d'armes entre le PDG de la Une et les membres du CSA.
15h03 : Laïus introductif d'Olivier Schrameck, le président du CSA, qui laisse 45 minutes aux dirigeants de LCI avant une séance de questions/réponses.
15h05 : Nonce Paolini prend la parole. Il rappelle que la chaîne va avoir 20 ans le 24 juin prochain. "Il fallait être visionnaire et audacieux pour créer une chaîne d'info continue", dit-il, rappelant avoir désormais 200 salariés. Il présente la chaîne comme une "pionnière". "Faut-il redire la place de l'information dans l'offre du groupe TF1 ?", poursuit Nonce Paolini.
15h08 : Catherine Nayl détaille les évolutions des modes de consommation de l'info depuis la naissance d'internet. "Il me semble que nos médias du XXIe siècle doivent proposer une offre globale d'info", explique-t-elle avec la stratégie d'avoir de l'info sur TF1, une chaîne continue LCI et sur Internet. "Chaque média apporte son éclairage", ajoute-elle en défendant
15h10 : "Nous ne sommes pas un nouvel entrant. Nous sommes là depuis 20 ans. Nous ne créons pas une chaîne info. Nous émettons depuis 20 ans", lance-t-elle en lançant quelques images des grandes personnalités qui ont officié sur LCI (Anne-Sophie Lapix, Thierry Gilardi, Mélissa Theuriau, Laurent Delahousse ou Gilles Bouleau). "Qui peut dire aujourd'hui que le journal de TF1 est semblable à celui de France 2 ou d'Arte ?", dit-elle en assurant que LCI en gratuit proposerait "encore un peu plus d'options, de débats, d'ouvertures sans rien ôter à personne".
15h17 : Eric Revel présente le projet de la chaîne si elle passe en gratuit. Celui-ci est surnommé le projet "LCI 2015" et sera une "chaîne digitale". "Sur LCI, plutôt qu'une info sensationnaliste, nous avons toujours préféré une info sereine", dit-il en insistant sur le fait que sa chaîne propose des émissions comme celles de Michel Field, de Vincent Hervouët ou de Valérie Expert qui resteront dans la grille de la chaîne en 2015, tout comme "Le Club LCI".
15h20 : Eric Revel annonce une nouvelle émission en début de soirée : "Place Publique", une bande d'experts viendront expliquer et décortiquer l'information de façon pédagogique, puis la culture et la science. Il promet une émission sur les banlieues "pour montrer les initiatives fortes".
15h25 : Eric Revel détaille le volet numérique. "Chaque journaliste de LCI aura un compte Twitter professionnel pour alimenter le débat", promet-il. Il annonce que LCI diffuserait le débat entre Martin Schulz et Jean-Claude Juncker, les deux candidats à la présidence de Commission européenne. "Libérez LCI du carcan du payant ! Permettez à ceux qui n'ont pas accès à nos contenus de nous accompagner", clame Eric Revel.
15h30 : Voici le volet économique présenté par Eric Jaouën. Recettes espérées en 2019 : 52 millions d'euros pour atteindre l'équilibre cette année-là, contre 4 millions en 2013. LCI atteindrait 105.000 téléspectateurs par jour en 2019 contre 13.000 cette année. Le groupe TF1 propose une "étude d'impact" sur l'arrivée de LCI pour les autres chaînes d'info. Celle-ci conclut l'impact nul de ce passage tant sur les audiences que sur le marché publicitaire. Pour étayer son propos, Eric Jaouën montre de nombreux graphiques.
15h35 : "Le développement d'une chaîne d'information ne se fait pas au détriment des autres chaîne d'information", insiste-il. Il rappelle également que les journaux télévisés sont largement concurrencés par des programmes de divertissements. "Il est faux de croire qu'il existe un marche fermé des chaînes d'info. Plus l'offre augmente plus la consommation croit", insiste-il en indiquant que les chaînes d'info n'ont pas fini de gagner du public.
15h40 : Eric Jaouën insiste beaucoup sur l'impact publicitaire du passage en gratuit de LCI, preuve que le CSA devrait faire son choix sur ce critère. "Il n'existe pas un profil type des téléspectateurs des chaînes d'informations", explique-t-il, ajoutant qu'il y a autant de différences entre les téléspectateurs de BFMTV et i-TELE qu'entre ceux de France 2 et TF1. Le profil des téléspectateurs de LCI serait proche de celui de France 2. BFMTV est plus proche des téléspectateurs de D8. i-TELE est proche de M6. "La croissance des revenus publicitaires de LCI viendra des autres chaînes et non de BFMTV et i-TELE. Il est faux de croire qu'il y a un marché publicitaire propre aux chaînes info", conclut-il.
15h44 : Nonce Paolini se charge de conclure. "Au nom de quoi pourrait on priver l'ensemble des téléspectateurs au nom du bénéfice d'une chaîne info supplémentaire qui, de plus, est la doyenne ? Comment défendre que LCI n'ait pas sa place sur le clair ? Pour préserver la belle prospérité de BFMTV et i-TELE, il faudrait que LCI disparaisse ?", dit le PDG de la Une qui dénonce un "duopole". "La croissance des revenus est du côté de Nextradio et Canal+. Le risque économique est du côté de TF1. LCI est challenger, inconnue sur 3 téléspectateurs sur 4 mais nous sommes prêts à relever le défi", dit Paolini. "Qui peut imaginer que le CSA veut protéger les deux groupes télé les plus rentables du secteur ?", lance-t-il.
15h48 : Il tacle très sévèrement Alain Weill, le propriétaire de NextRadioTV ainsi que les journalistes de BFMTV, qui auraient selon lui défendu à l'antenne les intérêts de leur groupe. Nonce Paolini donne une leçon d'indépendance. "L'arrivée tardive de LCI ne saurait déstabiliser la très profitable et auto-proclamée première chaîne de France qui reçoit désormais premier Ministre et Président de la République", lance-t-il.
15h50 : "Je suis confiant dans votre sagesse. LCI va avoir 20 ans et ce n'est pas un âge pour mourir", conclut Nonce Paolini, qui a fini cette présentation de façon très virulente.
15h58 : Françoise Laborde, membre du CSA, demande à Nonce Paolini pourquoi LCI n'a pas demandé à venir sur la TNT gratuite en 2005. Le PDG de TF1 rappelle qu'il avait fait le choix de la TNT payante et qu'il ne pouvait pas basculer. "Un malheureux concours de circonstance", explique-t-il, rappelant que cette impossibilité avait permis à NextRadio TV d'obtenir une fréquence et de lancer BFM TV. "A cause de la réglementation cette chaîne qui avait 10 ans d'avance a désormais 10 ans de retard", reconnaît-il. "Nous considérons que nous avons acquis le droit d'aller sur le clair", dit-il.
16h05 : Nonce Paolini dit qu'il y a 4 chaînes d'info d'informations en Allemagne. Il re-dénonce le "quasi-monopole" de NextRadioTV (et sa croissance "proche de 20%", "à faire pâlir tout l'audiovisuel français") et de Canal+, le "groupe médias français le plus puissant". Selon lui, LCI va seulement limiter la hausse de la profitabilité de ces deux acteurs. "Nous demandons simplement de pouvoir tenter notre chance", assène-t-il.
16h09 : Nonce Paolini décrypte les audiences de l'interview présidentielle d'hier sur RMC/BFM TV. Selon lui, BFMTV a surtout recruté des téléspectateurs sur les chaînes historiques qui ne proposaient pas d'info.
16h10 : Nicolas About, membre du CSA, re-demande à Nonce Paolini pourquoi le groupe TF1 n'a pas pris le risque de fermer LCI, en 2005, quand elle n'a pas tenté sa chance sur le clair. Nonce Paolini rappelle ses engagements contractuels avec CanalSat et rappelle qu'il a cru en la TNT avec HD1. Le ton monte quand Nicolas About rappelle la genèse douloureuse de l'amendement LCI et le lobbying exercé par TF1 pour le faire adopter. Les échanges sont tendus.
16h15 : Sylvie Pierre-Brossolette, autre membre du CSA, demande si les rédactions de TF1 et de LCI doivent être séparées ou être fusionnées. Catherine Nayl ne répond pas vraiment mais détaille ses effectifs qu'elle juge pas aussi nombreux qu'on le pense : 373 cartes de presse pour l'ensemble du groupe TF1, 211 CDI pour LCI dont 111 journalistes.
16h30 : Françoise Laborde relance sur les passerelles entre les rédactions de TF1 et LCI. "Les rédactions sont autonomes", assure Catherine Nayl. "Un journaliste ne peut pas tout faire sur de multiples supports. LCI a besoin d'une rédaction à part entière", dit-elle en expliquant qu'à part des images ou des signatures de façon occasionnelle, il n'y a pas de "porosité".
16h35 : Olivier Schrameck demande à Nonce Paolini ce qu'il pense de l'arrivée de France 24 sur la TNT gratuite. "Cette chaîne n'est pas faite pour le marché français", estime Nonce Paolini qui rappelle avoir été actionnaire de la chaîne lors de son lancement.
17h20 : Plus que dix minutes. Depuis plus d'une heure, Nonce Paolini est sommé de préciser ou de justifier des points déjà évoqué. Il ne se montre pas toujours patient et est parfois cassant.
17h21 : Première intervention de Christine Kelly. "Allez-vous fermer LCI si on ne vous donne pas d'autorisation ?", demande l'ancienne star de LCI. Nonce Paolini confirme sa décision et nie tout "chantage à l'emploi". "La chaîne n'a plus de modèle économique en payant", répète en substance le patron.
17h38 : "Donnez nous cette chance et, si ça n'était pas le cas, je prendrais mes responsabilités d'entrepreneur", conclut Nonce Paolini après une dernière pique à Alain Weill.