Reporters sans frontières a été entendu. La Commission européenne a annoncé, ce mardi 25 juillet 2023, l'ouverture d'une enquête formelle au sujet d'une éventuelle prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi en infraction aux règles de l'UE.
L'ONG, pour qui la concentration des médias est un sujet d'alerte, était monté au créneau au mois de juin 2023 afin d'encourager la Commission européenne à poursuivre "une enquête approfondie" sur le "gun jumping". En clair, la question est de savoir si Vivendi est intervenu en amont du feu vert officiel sur la stratégie des entités du groupe Lagardère.
RSF de relever dans son argumentaire "les changements importants intervenus notamment dans les rédactions du 'Journal du dimanche' ('JDD') et de manière plus prégnante encore à 'Paris Match'", où les départs se sont multipliés. "Plus d'une vingtaine de journalistes sur soixante ont quitté la rédaction du magazine de gré ou de force ces derniers mois", avait recensé RSF, parmi lesquels Hervé Gattegno, alors directeur des rédactions du "JDD" et de "Paris Match" mais aussi Bruno Jeudy, lorsqu'il était chef du service politique.
Parmi les autres faits marquants, corroborant une intervention de Vivendi sur la ligne éditoriale au cours de l'année écoulée, la rédaction s'était émue de la Une consacrée au controversé cardinal Robert Salah à l'été 2022. Une ancienne journaliste a par ailleurs publiquement dénoncé l'ingérence de Vincent Bolloré sur la ligne éditoriale de "Paris Match" en février.
Conjointement à cette demande formulée par RSF, la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la concurrence, Margrethe Vestager, avait assuré, avoir "commencé une enquête" sur ce volet, qui pourrait prendre plusieurs mois. Mais jusqu'ici rien n'était encore inscrit dans le marbre. C'est désormais chose faite.
Le vendredi 9 juin 2023, la Commission a autorisé Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, à absorber son ancien rival Lagardère, à condition de céder sa filiale édition et le magazine "Gala". S'il s'avère que l'opération a été mise en oeuvre avant ce feu vert, Bruxelles pourrait infliger à Vivendi une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d'affaires total. L'opération publique d'achat, elle, ne saurait être remise en question.