La nuit, meilleure alliée de certaines chaînes info pour la maîtrise des temps de parole ? Déjà pointée du doigt par le passé, notamment par "Arrêt sur images", la pratique consistant à rééquilibrer artificiellement les temps de parole des responsables politiques par des rediffusions nocturnes semble ne pas avoir totalement disparu. En octobre, CNews et LCI l'ont ainsi mise en oeuvre avec pour principaux "bénéficiaires" les représentants de la France insoumise et du gouvernement.
Pour les téléspectateurs ayant loupé le meeting à Reims de Jean-Luc Mélenchon dimanche dernier, CNews a par exemple offert une longue séance de rattrapage dans la nuit de dimanche à lundi. La chaîne du groupe Canal+ a ainsi proposé à deux reprises cette prise de parole en quasi-intégralité, soit plus de 2h15 d'antenne dédiée au leader de LFI. L'exécutif a aussi ces derniers jours eu les honneurs nocturnes de la chaîne d'opinion du groupe Canal+, mise en demeure en juin par le CSA pour non-respect du pluralisme lors des régionales. Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, CNews a par exemple rediffusé à quatre reprises - soit 1h20 d'antenne - une partie de l'audition d'Olivier Véran le 15 octobre devant la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Notons que ces rediffusions "politiques" de CNews se concentrent sur le dernier week-end, le reste des nuits du mois d'octobre étant occupées par des boucles de rediffusions plus classiques des programmes de la chaîne. Contactée par puremedias.com, CNews n'a pas souhaité faire de commentaires.
CNews n'est pas la seule chaîne à procéder nuitamment à de tels ajustements. En octobre, LCI a ainsi eu tendance à tendre fréquemment le micro à l'exécutif entre 2h et 4h du matin. L'interview de Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports, par Elisabeth Martichoux le 5 octobre dernier, a ainsi été rediffusée pas moins de quatre fois la nuit suivante, entre 2h et 4h15. Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, aura pour sa part squatté l'antenne nocturne de LCI le week-end des 9 et 10 octobre avec six rediffusions en deux nuits de son interview accordée à Darius Rochebin. Au total, cela représente près de 3h00 d'antenne. Dans la nuit de dimanche à lundi et comme CNews, LCI a aussi rediffusé à deux reprises une version XXL du meeting de Reims de La France insoumise durant près de 3h. Contactée par puremedias.com, LCI n'a pas souhaité faire de commentaires.
Mise à jour 20 octobre 2021 à 10h46 : Fabien Namias, directeur de LCI a tenu à préciser à puremedias.com : "LCI est la chaîne qui diffuse le plus de prises de parole politiques en journée, que ce soit sous la forme d'interviews ou de meetings. LCI a par exemple été la seule chaîne d'information à diffuser en journée le meeting de Jean-Luc Mélenchon à Reims dimanche. La nuit est aussi un espace de diffusion et d'équilibre de la parole politique, et non pas de rattrapage, dans le strict respect du pluralisme et des règles du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui l'encadrent". Fin de la mise à jour.
En octobre, la période auscultée par puremedias.com, BFMTV et franceinfo: n'ont pas adopté la même stratégie de programmation, la première proposant une boucle de rediffusion classique de ses programmes, tandis que la deuxième a misé sur les programmes de son partenaire, France 24, la chaîne d'information internationale française.
Cette pratique de rééquilibrage nocturne des temps de parole agace depuis plusieurs mois certains leaders politiques. En 2021, après la protestation du patron d'EELV, Julien Bayou, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait déjà rappelé à l'ordre LCI. En cause : la multi-rediffusion en pleine nuit en novembre 2020 d'une interview de l'écologiste Yannick Jadot.
Lors d'une audition devant l'Assemblée nationale de Roch-Olivier Maistre, le président du CSA, le 12 octobre dernier, le député LFI, Michel Larive, a de nouveau posé le sujet sur la table. "Certaines chaînes d'information en continu ont des méthodes bien à elles pour respecter les règles du CSA. Elles passent en boucle les interviews de dirigeants politiques la nuit", a-t-il dénoncé. "Cela s'explique, notamment par le règlement du CSA qui ne prône qu'une 'approche quantitative' de l'équilibrage, sans précisions sur les horaires de diffusion", rappelait le parlementaire.
"L'esprit de ce dispositif n'est pas de traiter de façon inéquitable une formation politique en utilisant des horaires singulièrement décalées pour satisfaire les obligations du pluralisme", a abondé Roch-Olivier Maistre. Révélant avoir été interpellé récemment par Jean-Luc Mélenchon sur ce sujet, il a rappelé avoir déjà fait "des rappels" à plusieurs médias. Le président du CSA a par ailleurs promis de réaliser un bilan précis de la situation d'ici fin novembre. "Si nous sommes amenés à re-constater ce que vous évoquez, nous interviendrons auprès des chaînes en question", a promis le haut-fonctionnaire.
Dès le 1er janvier prochain, le début de la "période électorale" devrait de toute façon changer la donne. A partir de cette date et contrairement à la période actuelle, les chaînes seront en effet tenues de donner la parole aux intervenants politiques "dans des conditions de programmation comparables". Pour ce faire, quatre tranches horaires ont été définies par le gendarme de l'audiovisuel : le matin (6h/9h30), la journée (9h30/18h), la soirée (18h/minuit) et... la nuit (minuit/6h).