Déjà aux commandes de Salut les Terriens ! chaque samedi soir sur Canal+, Thierry Ardisson débarque mardi prochain en prime time sur Jimmy pour une nouvelle émission, Tout le monde en a parlé. Dans ce nouveau magazine, l'animateur est installé dans un parking pour recevoir des personnalités qui ont fait l'actualité il y a plusieurs années. Pour Ozap, Thierry Ardisson évoque cette nouvelle émission mais aussi sa carrière, ses projets et ce qu'il pense de la télé d'aujourd'hui.
Ozap : Comment est née cette émission ?
Thierry Ardisson : Il y a toujours dans la presse une rubrique « Que sont-ils devenus ? » et l'idée est de faire une émission de télé avec ça. A chaque invité, il y aura une archive de la gloire diffusée brut de décoffrage puis un reportage sur sa vie d'aujourd'hui et enfin une interview bio sur leur destin, de leur date de naissance à aujourd'hui qui se termine par la question, « Et si c'était à refaire ? ». Le tout est fait sans méchanceté, avec beaucoup de bienveillance, sans être acerbe.
Vous avez dit que les invités sont venus facilement. L'enseignement de cette émission, c'est que les gens crèvent pour revenir dans la lumière ?
On peut dire ça. Effectivement, ils sont peut-être venus parce que c'est leur dernière chance de faire de la télé, vous avez raison. Et aussi parce qu'on leur a dit que c'était bienveillant et qu'ils n'allaient pas se faire fusiller. D'abord, il n'y a pas de quoi les fusiller. Et, ensuite, moi ayant été trois ans au bord de la route, je suis compatissant avec les gens qui ne sont plus dans la lumière.
D'ailleurs, avez-vous peur de vous retrouver un jour invité de ce genre d'émission ?
Non, plus maintenant. Moi, ça y est, ce qui vient de se passer pour moi est extraordinaire : survivre à Tout le monde en parle, aller sur Canal à 19 heures, qui est un horaire de merde ! Ramer pendant deux ans et me retrouver aujourd'hui, après avoir fait de la culture avec Rive droite, rive gauche et des célébrités avec Tout le monde en parle, en train de faire de l'actualité politique. Je ne pensais pas que je ferai ça donc c'est un vrai bonus pour moi. Je ne pensais pas un jour me retrouver en train de parler des retraites et de l'euro sur un ton très sérieux, comme si j'étais concerné (rires).
Et ça vous plait ?
Oui, ça me plait. Tout le monde adore parler politique, c'est comme au bistrot. Même si c'est chic, il y a un côté café du commerce dans Salut les Terriens !. On parle de l'actualité de la semaine avec des gens, donc chacun donne son avis en essayant d'être brillant. Et il y a cette troisième partie que je trouve bien parce qu'elle est provocante. On me demande toujours si je suis encore un provocateur. La provocation, aujourd'hui, ce n'est pas de dire « enculé » à la télé parce que ça, on l'a déjà beaucoup dit avec Baffie. La vraie provocation, c'est de montrer ces gens en troisième partie, des vrais gens avec de vrais problèmes et qui racontent la vraie France. Et je trouve ça très provoquant de laisser un paysan parler un quart d'heure. D'abord, ça marche à mort parce que les gens voient ce paysan ou autre et ils écoutent ça en se disant que c'est incroyable. Et, d'un seul coup, c'est provoquant.
Vous faites quand même moins peur qu'avant.
Ah oui. Je balance des vannes mais c'est toujours gentil. Samedi, j'ai quand même demandé à Dupont-Aignan s'il avait découvert De Gaulle en baisant à l'arrière d'une DS 19. Je fais tout le temps des vannes, d'abord parce que j'ai de bons auteurs, et ensuite parce que je pense que tout le monde essaie de faire David Letterman mais qu'en fait, c'est très compliqué. Il faut avoir les bons auteurs donc j'essaie d'allier le côté sérieux de l'interview politique avec les vannes, etc. Mais je ne fais pas peur dans le sens où les gens ne se disent pas qu'il va me demander telle question...
Mais vous ne faites plus peur. Vous vous êtes calmé ou vous pensez parvenir à faire dire plus de choses aujourd'hui à vos invités ?
Oui, je ne fais plus peur mais je suis comme ça aujourd'hui. Vous savez, quand j'étais agressif, c'est parce que je n'étais pas bien. J'avais le trac, je transpirais, j'étais terrorisé à l'idée d'être dans la lumière des caméras. Et je me disais qu'il n'y avait pas de raison que le mec en face de moi ne soit pas aussi malheureux que moi. C'est vrai. Aujourd'hui, je suis beaucoup mieux sur un plateau mais ça ne fait pas longtemps, ça date de Rive droite, rive gauche. Etant mieux, j'ai envie que ça se passe bien. Ceci étant, je leur fais dire ce que j'ai envie de leur faire dire. Quand je fais une interview, je connais souvent les réponses, le tout est qu'ils me les disent eux.
Cette nouvelle émission s'appelle donc Tout le monde en a parlé, clin d'œil à votre ancienne émission sur France 2. Vous sortez aussi des DVD. Là, vous recevez des gens qui étaient dans la lumière il y a quinze ans. Vous êtes en fait un peu nostalgique ?
Je ne suis pas quelqu'un de nostalgique au sens où je ne me dis pas que c'était mieux avant. J'ai évidemment connu des moments formidables dans Tout le monde en parle avec Baffie, il y a des moments de rêve mais, la dernière année, on avait déjà l'impression de jouer un peu les prolongations et je ne pense pas que ça aurait duré aussi longtemps que ça en vérité. Je pense qu'il faut savoir mourir jeune. Grâce à Carolis, Tout le monde en parle à une carrière un peu à la James Dean, mort en pleine gloire. C'est toujours mieux de mourir en pleine gloire. Si l'émission s'était étiolée, personne n'en garderait le souvenir qu'il en garde. Il faut savoir s'arrêter. Avant, je faisais des émissions qui duraient trois mois donc ce n'était pas assez mais Tout le monde en parle a quand même duré huit ans donc ça va.
Mais pourquoi vous surfez autant là-dessus avec les coffrets DVD d'archives, sur le partenariat avec l'INA...
D'abord, par peur de la mort j'imagine.
Mais vous avez envie qu'on vous dise "Ce que vous avez fait, c'était vraiment bien" ?
Non, je le sais, je n'ai pas besoin qu'on me le dise (rires). Mais c'est un métier éphémère et on est contents d'avoir une trace de ce qu'on a fait. C'est un boulot de merde. La télé, une fois que c'est diffusé, ça n'existe plus.
Mais justement, ce n'est que de la télé.
Je ne raisonne pas en me disant ça. Je pense qu'à force de dire que "ce n'est que de la télé", on a la télé qu'on a aujourd'hui. Le gros problème justement, c'est que la télé est considérée comme un truc mineur où c'est de la radio, du théâtre ou des variétés filmés. Et je pense qu'à force de dire ça, on a une télé qui n'a pas vraiment de sens, on a très peu de critiques télé. En fait, la presse télé se contente souvent de dire ce qui marche ou pas en termes d'audience, il n'y a plus d'avis sur ce qu'on fait. Tout ça participe à l'affaissement du genre.
Que regardez-vous à la télé ?
J'aime regarder Ferry/Julliard sur LCI, Frédéric Taddéi, Le grand journal de Canal+, voilà. Giesbert de temps en temps. Et après, ce sont des choses où j'apprends quelque chose, des documentaires par exemple. Bizarrement, je ne supporte pas trop la télé si ça ne m'apporte rien. C'est pour ça que j'essaie toujours de passer des infos, du contenu, dans mes émissions. Quand je vois une émission qui ne m'apporte rien, j'ai l'impression de perdre mon temps. Hier soir, j'ai vu Un village français que j'ai trouvé formidable parce que j'ai appris comment se passait l'aryanisation des biens juifs en 1942. Voilà, ça m'intéresse.
Ce n'est pas Laurie Cholewa...
Putain, Laurie Cholewa... Le pire, et je l'ai dit, c'est Nicolas Perkinoff qui me dit "T'en fais pas, on a une super émission avec Elodie Gossuin". Et là, je l'ai regardé. Mais, à force de dire que ce n'est que de la télé, on finit par en arriver là. La télé peut être un truc génial. Moi, ça m'a appris des tas de trucs quand j'avais 16-17 ans, c'était vachement enrichissant. La culture, c'est une valeur.
Tout ce qu'a lancé France Télévisions en cette rentrée s'est planté. Comment l'expliquez-vous ?
Parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire. Ce qu'ils doivent faire, ce n'est pas compliqué, c'est d'arriver à mêler le spectacle et la culture. Il faut arriver à faire des émissions de spectacle qui soient culturelles, et des émissions de culture qui soient spectaculaires. Tant qu'il y aura d'un côté Patrick Sébastien et de l'autre côté Franz-Olivier Giesbert, ce ne sera pas le service public.
Ce que fait Laurent Ruquier le samedi soir, c'est un petit peu ça ?
Oui, Ruquier, c'est très bien, il a hérité de Tout le monde en parle et en a gardé les fondamentaux, il a raison.
Et pourquoi vous ne lancez pas plus de concepts ?
Parce que personne ne les achète. Sans être nostalgique parce que je ne le suis pas, je me souviens qu'à l'époque de Marie-France Brière par exemple, quand elle était à TF1, France 2 ou La Cinq, je rentre dans son bureau et elle me dit "Thierry, on a des concerts dont on va perdre les droits, trouve-moi une idée". C'était l'époque où on me disait "Trouve-moi une idée".
Et on vous dit quoi aujourd'hui ?
On me dit "Oui, c'est pas mal, c'est bien, il faut que j'en parle à machin". Il y a une frilosité absolument terrible alors qu'on pourrait faire beaucoup plus de pilotes. Ça coûte moins cher de faire un pilote que de mettre une émission à l'antenne et de l'arrêter au bout de six numéros.
Et du coup, on fait La télé est à vous (qu'il a co-produit) qui n'était pas extraordinaire.
La télé est à vous, c'est le soir du réveillon et la seule ambition qu'on doit avoir est de faire une émission qui rassemble tout la famille. Et je vous avertis, cette année, c'est encore pire que l'année dernière, je préfère le dire (rires) ! Dans cette émission, ce sont les Français qui feuillettent ensemble leur album de famille.
Oui mais elle a aussi eu une version quotidienne.
Alors ça, c'est une horreur, je suis d'accord. Je parlais du prime qui avait bien marché l'année dernière et je pense qu'il marchera bien le 24 décembre. C'est vrai que les émissions doivent être adaptées au jour et l'horaire à lesquels elles passent. le jour de Noël, on est obligés de faire un truc comme ça. La quotidienne, c'est une catastrophe.
Et Audrey Chauveau ?
(silence) Euh... Audrey Chauveau, elle va progresser encore.
Pourquoi, parmi les nouveaux talents, on n'a qu'Audrey Chauveau, Laurie Cholewa... ?
Oui, c'est ce que je dis.
Mais vous n'avez pas envie de trouver de nouveaux talents ?
Il faudrait encore que je les trouve. Quand j'ai trouvé Baffie, j'en ai fait une vedette. Quand j'ai trouvé Boyer, je lui ai fait faire Graines de Star. Quand j'ai trouvé Bravo, je lui ai fait faire Frou-Frou. Quand j'ai trouvé Ruquier, je lui ai fait faire On a tout essayé. J'ai aussi produit Solo et Le Bolloch'.
Et là, vous ne trouvez personne ?
Il n'y a pas de gens qui viennent me voir dont je me dis... Ah si, il y en a un qui est venu me voir et avec qui je vais peut-être bosser, c'est Yassine Bellatar. On se voit beaucoup en ce moment. Mais il n'y a pas de pléthore de gens. Pourquoi ? Je n'en sais rien. il n'y a pas eu de renouvellement. Après moi, il y a eu Fogiel et Cauet. Il y a en a qui est au chômage et un qui fait de la radio. Aujourd'hui, c'est vrai que si vous voulez monter un talk-show, c'est compliqué.
Vous savez que Cauet n'est pas au chômage.
Ah bon, qu'est-ce qu'il fait ?
Il est tous les soirs sur NRJ.
Ah d'accord, au temps pour moi (rires). Donc les deux sont à la radio.
Ce n'est pas frustrant de vous retrouver sur Jimmy ?
Pas du tout. J'ai été sur Paris Première pendant des années et j'y ai certaines de mes meilleures émissions que ce soit le dîner, Paris dernière ou Rive droite, rive gauche. Je pense qu'il faut utiliser ces chaînes pour ce qu'elles sont. Les gens ne vont pas aller sur Jimmy pour trouver un truc qu'ils ont sur une chaine hertzienne. Moi, ça m'intéresse car j'ai plein de concepts pour ça, excellents pour le câble-satellite. Ce n'est donc pas frustrant parce que je n'aurais jamais fait cette émission si ça n'avait pas été sur Jimmy.
Et vous n'avez pas l'envie de revenir sur une très grosse chaîne ou même France 2 le samedi soir ?
Non, non. D'abord, je crois que ce serait une très mauvaise idée en terme de carrière de revenir à un endroit où j'ai été. Tout le monde passerait son temps à dire "Mais attends, tu n'as pas connu Tout le monde en parle toi, ça n'a rien à voir !". Et, deuxièmement, avec Canal, j'ai désormais 52 samedis par mois avec Salut les Terriens ! et Happy Hour. Plus Jimmy où je commence à mettre mon nez et faire des trucs plus personnels. Je m'entends bien avec eux et franchement, je n'ai aucune envie d'y retourner.
La radio, ça vous tente ?
Si. L'autre jour, j'ai fait une émission avec Baffie et à la sortie, tout le monde m'a dit que je devrais faire de la radio. J'attends d'être défiguré pour faire de la radio (rires).
Vous êtes encore conseiller de Lagardère d'ailleurs ?
Non, je me suis fait virer. VSD m'avait demandé dans une interview si j'y étais pour beaucoup dans l'arrivée de Fogiel, j'avais répondu que oui. Puis, il m'avait demandé si je l'écoutais et j'avais répondu que j'étais très bien payé mais pas assez pour écouter Fogiel. Ramzi Khiroun a alors appelé Emmanuel Berretta (journaliste du Point, NDLR) et c'est comme ça que moi et Didier Quillot (le patron de Lagardère Active, NDLR) l'avons su.
On vous a déjà proposé la direction des programmes d'une chaîne ou d'une radio ?
Il y a deux ans, on en avait un petit peu parlé avec France Télévisions mais ce n'est pas assez payé. C'est beaucoup d'emmerdes.
Aujourd'hui, vous vous en foutez d'être assez payé ?
Oh non, j'ai des frais ! J'ai une grande famille et des enfants qui font des études à l'étranger. Franchement, ce n'est pas assez payé pour les emmerdes que ça représente. Je trouve ça ridicule de payer ce prix-là.
Ca ne vous excite pas assez ?
Pas assez pour ne pas être payé.
S'il fallait vous définir, vous êtes quoi aujourd'hui ?
Concepteur de produits culturels. Je conçois des livres, des émissions, des films... Je peux concevoir à la demande.
Où en êtes-vous de votre incursion dans le monde du cinéma ?
J'ai toujours les quatre mêmes projets depuis quatre ans et je continue inexorablement. C'est le métier de merde par excellence, c'est d'une cruauté épouvantable, c'est très difficile. J'ai de la chance d'avoir un vrai métier à côté. C'est un métier de chien mais je vais y arriver, je ne pourrais pas ne pas y arriver. Mais c'est encore plus long que je ne croyais.
"Je ne pourrais pas ne pas y arriver" : vous croyez dans tout ce que vous faites ?
A chaque fois que j'ai commencé quelque chose, je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas y arriver, sinon on n'y arrive pas. Ma détermination dans le cinéma est totale. Simplement, c'est long parce que ce sont des pitchs que j'avais, il faut trouver des scénaristes dans un pays où tous les réalisateurs écrivent leurs films. Ensuite, il faut trouver des réalisateurs qui acceptent de faire des films qu'ils n'ont pas écrit. Ça ne veut pas dire que je ne vais pas y arriver, ça veut dire que ça prendra peut-être un an de plus. J'espère faire le premier film en 2011.
Interview
Thierry Ardisson : "La provocation, aujourd'hui, ce n'est pas de dire 'enculé' à la télé"
Publié le 3 décembre 2010 à 12:15
A l'occasion du lancement de "Tout le monde en a parlé" sur Jimmy, l'animateur évoque sa carrière, ses projets et l'état de la télé sur Ozap. Entretien inédit.
Thierry Ardisson© Canal+ - Pierre-Emmanuel Rastoin
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