"On est dans une société pré-fasciste". Exaspéré par la bien-pensance et ce qu'il théorise comme "le bisounoursisme", Thierry Ardisson accorde une longue interview à nos confrères du "Point". L'occasion notamment pour l'animateur de C8 de revenir sur les nombreuses polémiques qui ont concerné "Les Terriens" ces dernières semaines. Concernant "l'affaire Hapsatou Sy", l'homme en noir regrette que "la plupart des journalistes préfèrent donner des leçons de morale plutôt que d'enquêter". "Une fois de plus, l'émotion a pris le pas sur la réflexion et la raison.(...) Personne n'a pris la peine de savoir ce qui s'était vraiment passé" déplore-t-il.
"En enquêtant un minimum, les journalistes se seraient aperçus que la maquilleuse d'Hapsatou Sy filmait l'écran dans sa loge depuis le début de l'émission. Voilà une attitude plutôt déconcertante, surtout quand on la rapproche de la couverture du magazine Management, où Hapsatou Sy s'affichait avec cette phrase : 'Faire parler de soi en bien... en mal. Les meilleures techniques pour réussir sa com'. Y a-t-il eu préméditation ? Si les journalistes avaient enquêté, ils auraient découvert qu'Hapsatou Sy lance sa chaine de téléachat", poursuit l'homme en noir qui ne se dit "pas inquiet" pour Hapsatou Sy, dont il dit s'être séparé d'un "commun accord" - ce qui infirme le communiqué de C8 - avec elle. "Cyril Hanouna l'a tellement défendue qu'il va sûrement l'engager", conclut l'homme en noir.
Concernant les propos d'Eric Zemmour, Thierry Ardisson estime être devenu "le punching-ball national" pendant quelques jours. "Ce n'est jamais agréable. Surtout quand on vous fait passer pour Adolf Hitler parce que vous avez donné la parole à Eric Zemmour" fustige l'homme en noir. "Je ne partage pas ses opinions et encore moins son obsession pour les prénoms", précise-t-il, estimant que "la seule qui eut été répréhensible aurait été de diffuser la phrase incriminable et le violent échange entre les deux débatteurs". "La chaîne m'avait à juste titre demandé de la couper. Ce que j'ai fait. Les images qui instruisent aujourd'hui mon procès ont été volées ! Et cela ne gêne personne !" s'offusque-t-il.
"Les talk-shows - le mien ou celui de Laurent Ruquier - sont violents, mais la société est violente. Il est inutile et surtout dangereux d'accuser le thermomètre" estime Thierry Ardisson avant d'ironiser sur "Quotidien", le talk de Yann Barthès sur TMC. "Une semaine après la sortie du livre de Zemmour, ils constatent que les deux meilleures ventes en France sont 'Destin français' et l'ouvrage d'un cuisinier. Fiers d'eux, ils se vantent d'inviter ce cuisinier. (...) C'est un choix, mais qui ne peut en aucun cas nous rendre coupables d'aborder les problèmes de face, de parler de ce qui se passe dans le pays, de servir de place du village, d'agora" se défend Thierry Ardisson.
À propos des polémiques à répétition concernant ses émissions, l'animateur de C8 déplore "qu'il règne une police de la pensée". "On nous reproche d'être les révélateurs de la société. On se retrouve dans la lessiveuse BFM qui pendant toute une journée vous montre du doigt en diffusant des bouts de phrase en boucle, avant de passer le lendemain à raconter jusqu'au moindre détail la reconstitution du meurtre d'une petite fille. C'est monstrueux, morbide et malsain", poursuit l'homme en noir, pas plus tendre avec "les putes à clics de la presse people" et Twitter, un outil que les journalistes prennent "pour la réalité" selon lui et qu'il qualifie de "monstre infâme". "Il faut s'en foutre et ne pas tomber dans ce que Moix appelle 'le syndrome Vanessa Burggraf. Elle a commencé à regarder ce qu'il se disait d'elle et elle s'est explosé le cerveau en trois semaines", observe l'animateur.
Quand on lui demande si le CSA est devenu un symbole de la restriction de la liberté d'expression dont il s'émeut, Thierry Ardisson explique que, lorsqu'il a été attaqué par le gendarme de l'audiovisuel (pour l'affaire dite de la jupe de Nolwenn, ndlr), il a adopté une "stratégie de rupture" en disant : "Qui êtes-vous pour me juger ?". "Si l'Association des gens contre le relevage de jupe veut m'attaquer, pas de problème, j'irai au tribunal. Mais le CSA n'est qu'une juridiction intermédiaire. Avant, le CSA servait à distribuer les fréquences, mais désormais c'est devenu l'arbitre des élégances. On s'est inventé un bâton !", fustige-t-il. "Je pourrais comprendre que les contribuables qui financent France Télévisions se plaignent. Mais sur une chaîne privée, on fait ce qu'on veut. Aujourd'hui, C8 est la chaîne la plus libre", assure finalement l'animateur. Avant de conclure : "La liberté ne s'use que si on ne s'en sert pas !".