Edito. Le diable est entré à la Maison Blanche. Ce matin, nombreux étaient les journalistes américains des grands médias peinant à cacher leur gueule de bois à la découverte du nom du 45e président des Etats-Unis : Donald Trump. Si elle est bien souvent synonyme de défaite politique pour eux, cette victoire du candidat républicain consacre aussi la mort d'un mythe : celui du quatrième pouvoir. La capacité des médias traditionnels à influencer le cours de l'élection américaine apparaît en effet ce matin comme à peu près nulle. L'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche se fera en dépit des moqueries et de l'opposition de la quasi-totalité de la presse américaine, démocrate comme républicaine, print comme web.
Donald Trump est en fait parvenu à transformer la détestation de la plupart des mass-medias en véritable force. Indéniable "bête télévisuelle", l'ancien big boss de "The Apprentice" connaît mieux que personne les ficelles d'un monde médiatique qu'il feint d'exécrer alors qu'il en est un pur produit. Il a su lui donner ce qu'il désire : du show et de l'audience. "On ne sait jamais ce qu'il va se passer avec Donald Trump", résumait à juste titre un journaliste américain pendant cette campagne particulièrement suivie.
A l'heure du primat de l'image et d'une circulation réticulaire de l'information, l'entertainer Trump a su alimenter quotidiennement la machine médiatique, fournissant petites phrases, séquences et polémiques clés en main. Le magnat de l'immobilier s'est ainsi servi des médias traditionnel comme d'une caisse de résonance, s'appuyant, pour convaincre, sur les réseaux sociaux ou des sites partisans comme Breitbart, dont le co-fondateur, Stephen Bannon, n'est autre que son directeur de campagne. Le "bouffon" s'est en réalité fait marionnettiste.
Parfois complaisants, les grands médias américains ont longtemps tenté de compenser leur surexposition de ce bon client par des attaques régulières contre sa personne et sa campagne. C'était sans compter sur la capacité de Donald Trump à les annihiler en tenant un discours anti-mass-médias d'une violence sans précédent. Le candidat républicain a profité à plein de la fracture entre le peuple américain et les médias institutionnels, accusés par une part grandissante de la population de "faire système" avec l'establishment politique et économique.
Au cours de ses innombrables meetings, Donald Trump n'a ainsi cessé d'affirmer qu'il faisait campagne contre ces médias autant que contre Hillary Clinton. Fustigeant sans relâche un politiquement correct dont ils seraient les gardiens, il a dénoncé jusqu'à la nausée les "crooked media" ("médias véreux") et le "rigged system" ("système truqué"). Casquette vissée sur la tête, le populiste milliardaire n'a d'ailleurs jamais rechigné en meeting à jouer à une petite séance de name-dropping puis de shaming contre les journalistes présents dans la salle, pour la plus grande délectation de ses fans...
La victoire à l'élection présidentielle de Donald Trump consacre ainsi une victoire paradoxale de l'infotainment en ce qu'elle révèle sa dimension mortifère pour le débat démocratique. Un enseignement pas inutile alors qu'approche la campagne présidentielle française... Le triomphe du candidat républicain met en tout cas temporairement un terme à la relation sado-masochiste entretenue depuis 14 mois par les grands médias avec leur créature. Une chose est sûre, de bout en bout, c'est Donald Trump qui aura tenu la cravache.