Il intègre à 63 ans la "Dream Team" de RMC. Vincent Lagaf' présente, à partir de ce jeudi à 21h10 sur RMC Découverte, le premier des quatre numéros en boîte de "SOS garage". Accompagné de Thierry Muscat, dont la réputation n'est plus à faire dans le monde de la mécanique auto, l'animateur vient en aide à des garagistes en détresse. Entretien.
Propos recueillis par Ludovic Galtier
Avec "SOS garage", vous allez être à la mécanique ce que Philippe Etchebest est à la cuisine ?
Vincent Lagaf' : J'aime beaucoup Philippe ! Je l'ai rencontré deux fois dans ma vie dans "Fort Boyard". J'ai trouvé que c'était un mec qui en imposait. Pour ma part, dans "SOS garage", je serai accompagné de Thierry Muscat, le spécialiste des garagistes en France (il est gérant de la société Eybens Sport Auto basée à Eybens, près de Grenoble, ndlr). Il connaît vraiment sur le bout des doigts la logistique d'un garage. Il se concentrera donc sur les aspects techniques, mécaniques, matériels. Quant à moi, je livrerai, sans me prendre pour un psy, des conseils aux garagistes sur le comportement à adopter face aux clients. Je vais leur expliquer en résumé qu'accueillir un client avec le sourire, c'est mieux qu'avec un mouvement de tête.
Quels profils de garagistes ont été sélectionnés ?
Ce n'est pas moi mais la production qui a sélectionné les garagistes. Je ne suis pas du tout impliqué dans l'organisation et la préparation de ces émissions. Je demande simplement à la production de me dresser un portrait psychique, psychologique et physique du garagiste que l'on va aider. Je souhaite connaître son parcours, ses faiblesses, ses joies, ses passions pour essayer de le toucher sur les points sensibles.
"J'ai vu pratiquement dans chaque garage des calendriers avec des pin-ups à poil"
Hormis leur suggérer de sourire, quels types de conseils allez-vous donner aux garagistes ?
Je vais déjà leur expliquer qu'un garage, s'il est propre, c'est mieux mais aussi que l'exposition de calendriers de femmes nues visibles aux yeux de tous peut être gênante pour une femme qui vient chercher son véhicule avec ses enfants après l'école...
Il y a encore beaucoup de ces calendriers dans les garages ?
J'en ai vu pratiquement partout ! Ce n'est pas un cliché, c'est la réalité. Dans les vestiaires d'entreprise ou la plupart des garages dans lesquels j'ai pu exercer mon métier de mécanicien, il y avait toujours des pin-ups à poil. C'est un classique, c'est comme ça ! Dans un autre genre, je leur ai aussi suggéré d'installer un panneau informant que l'accès à certaines zones est interdit au public afin qu'ils soient protégés en cas d'accident. Après, je leur expliquerai que travailler entre midi et deux, c'est bien, mais que fermer à 16h, ce n'est pas commerçant ; qu'un petit coup de balai le vendredi soir leur permet d'arriver le lundi matin dans autre chose que dans une porcherie etc. Ce sont des trucs auxquels il faut penser. Après, l'idée est aussi de faire comprendre aux gars que l'on est là pour les aider mais que nous ne sommes pas des fées ou des magiciens.
C'est-à-dire ?
Nous n'allons rien inventer. Nous pouvons lui remonter le moral, lui dire qu'il ne faut pas lâcher, que l'on est là. On lui demande de recruter tous ses amis, ce qui à moi va me permettre de lui faire comprendre ce qu'est l'amitié, la confiance. Tous ces trucs qui font de la vie quelque chose de plus plaisant que ce que l'on vit actuellement. On est vraiment dans un monde de sanctions, de pénalités, un monde de comparaison, assez faux-cul et hypocrite. J'essaie juste de leur montrer qu'il y a encore des choses vraies, réelles, que le soleil se lève pour tout le monde et qu'ils ont droit à leur part de bonheur.
"On arrive dans le garage, il est dans un état lamentable. On repart, il est neuf"
La production aide-t-elle les garagistes financièrement ?
Par l'intermédiaire de Thierry Muscat et de la production, nous avons rencontré des partenaires et des sponsors intéressés par une visibilité à l'antenne. Ils nous donnent donc un coup de main pour la remise en état du garage et l'achat de matériel. Après, il ne faut pas non plus que le garagiste se dise qu'il n'a qu'à passer un coup de téléphone, se dise que les mecs arrivent, qu'ils lui refont le garage à neuf pour qu'il puisse le vendre dans quinze jours... Il y a tout un système financier géré par la production par lequel on arrive à convaincre le garagiste de s'endetter encore un peu plus qu'il ne l'est. Un emprunt qu'il sera obligé de rembourser. Ce ne sont pas des crédits à 300.000 euros mais quand on est endetté, faire un crédit de 10.000 balles c'est un couperet au-dessus de la tête.
Quand est-ce que votre mission est considérée comme réussie ?
La comparaison avant/après est vite faite. On arrive dans le garage, il est dans un état lamentable. On repart, il est neuf. Maintenant, c'est vrai qu'il faut lui laisser six-huit mois voire un an pour pouvoir sortir la tête de l'eau, pouvoir se faire un chiffre d'affaires qui lui permet d'investir un peu d'argent, retrouver une vie, la possibilité de faire des loisirs etc.
À l'heure de l'électronique et bientôt de la voiture électrique, les petits garages sont-ils menacés ?
Oui, de toute façon, il y a une remise à jour quotidienne à faire. Il est vrai que maintenant, on n'a plus besoin de grand talent pour réparer une voiture. Il suffit d'avoir le matériel adéquat. Une voiture se répare grâce à une valise électronique. Maintenant, on ne répare plus mais on change. Il y a encore un peu d'avenir pour les voitures atmosphériques qui vont bientôt devenir des voitures de collection mais il est vrai que sous le capot de la plupart des voitures, il est en effet interdit d'y mettre les mains.
Retournerez-vous prendre des nouvelles des garagistes dans quelques mois ?
Pour l'instant, il n'est pas prévu que l'on y retourne tout de suite. Bien évidemment que si l'émission a une suite, on ira bien sûr voir les gens dans la rubrique "Que sont-ils devenus ?".
"Ce n'est ni le lieu ni l'endroit pour faire 'Bip bip'"
Dans "SOS garage", assiste-t-on à un show de Vincent Lagaf' ?
Ce n'est ni le lieu ni l'endroit pour faire "Bip bip" (dans "Le Bigdil", ndlr), "C'est plus", "C'est moins" (comme dans "Le juste prix" au moment de l'estimation du coût de la vitrine, ndlr). Là, les mecs ont vraiment autre chose en tête. On ne va pas voir Vincent Lagaf', on va voir Vincent. C'est vrai que l'on peut se dire que Vincent Lagaf' est un déconneur, un clown, un électron libre, une tête brûlée, un casse-cou. Oui, je suis tout ça mais je suis aussi le mec qui prend un café au petit déjeuner, comme tout le monde, qui prend le temps de discuter avec son fils... J'ai une vie tout à fait normale, et dans cette vie normale, je suis aussi très calme, posé, réfléchi. Là, on va avoir un Vincent Lagaf' plus humain que déconneur. J'ai passé 35 ans de ma vie à faire le pitre et là, j'avais la possibilité de faire autre chose. Les premiers retours que j'ai sont plutôt encourageants dans le sens où les gens me découvrent et me disent : "On ne te savait pas comme ça".
Les garages ne sont en général pas des lieux télégéniques. Avez-vous cherché à les rendre plus attrayants à l'antenne ?
Non, on n'est pas dans le paraître. J'ai vraiment l'impression de faire de la vraie télé-réalité. Ce ne sont pas des beaux gosses musclés avec des filles entièrement refaites qui passent trois semaines dans une villa de rêve, dans une région de rêve. Ce n'est pas la réalité, ça c'est du voyeurisme. Moi ce que je propose avec RMC, c'est de montrer réellement la détresse des gens. Un garagiste (dans l'émission tournée à Chambéry, ndlr) a par exemple tout perdu : sa maison, sa femme, son gamin. Le mec dort dans son garage qui n'est pas chauffé. Il a un filet d'eau froide. Il vit depuis trois ans dans un garage où il n'a pas le temps de faire le ménage. Quand on rentre là-dedans, on se dit : "Putain, mais comment il fait pour ne pas se pendre ?". Pendant les cinq jours que l'on passe avec eux, on voit vraiment petit à petit le regard changer, la petite étincelle renaître. On sent que les mecs sont heureux de ce que l'on a fait pour eux et qu'ils ont envie de nous renvoyer l'ascenseur et de se donner à fond.
Quatre numéros ont été commandés. D'autres sont-ils en projet ?
Vous savez la télévision, ça a changé. Ce n'est plus l'époque où on en commandait 150 d'un coup. Donc là, il y en a quatre et comme je l'ai dit moi-même, attendons de voir un peu ce que donnent les résultats. Il sera toujours temps d'en resigner ou pas.
L'audience n'est donc plus une source de stress pour vous ?
Je ne veux pas paraître prétentieux mais j'ai eu la chance d'avoir des employeurs qui m'ont fait confiance avec des budgets dépassant la moyenne. J'ai eu des équipes de pas loin de 300 personnes. Là, on était cinq copains à partir tourner. Il n'y a rien de stressant. Je ne joue pas ma carrière, je joue les prolongations, moi, en ce moment.
"Nous n'avons aucune relation avec Cyril Hanouna"
Vous êtes aussi parti au Maroc pour le tournage de "Duel Mecanic : Lagaf vs Bruce Jouanny" pour RMC Découverte. Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept ?
On a fait un rallye-raid au Maroc, un comparatif de deux voitures. On a pris deux Land Rover. On a comparé un modèle récent avec un gros moteur, de l'électronique, une carrosserie en plastique avec une vieille Land Rover de 25 ans et 600.000 kilomètres au compteur. L'idée est de savoir si les deux voitures étaient capables de réaliser le même parcours, à savoir la traversée du Maroc, dans les mêmes conditions.
Est-ce difficile d'incarner et d'assumer ce genre de programmes dans une période où la question du réchauffement climatique est quotidienne ?
Il faut que chacun regarde chez soi pour pouvoir critiquer et juger les autres. Et puis ça fait tellement bien de dire "Oulala, il parle de voitures atmosphériques, ce n'est pas bien". On reparlera dans vingt ans des batteries dont on ne saura que faire.
Entre "Top Gear", "Vintage Mecanic", "Top Mecanic" maintenant, n'arrive-t-on pas à saturation de l'offre mécanique sur RMC Découverte ?
La voiture a transformé le monde. Le jour où on arrête les voitures, le monde s'arrête. Le jour où on arrête les déplacements, le monde s'arrête. Si vous ne pouvez pas vous déplacer, prendre un avion pour aller en vacances, prendre un train pour aller travailler ou prendre une voiture pour aller manger chez votre belle-mère, le monde s'arrête.
Vous sentez-vous enfin à votre place ?
Pourquoi enfin ?
On a l'impression que vous êtes à dans un univers qui vous correspond et dont vous maîtrisez les enjeux...
Mes premiers diplômes ont été un BEP de dieseliste et un CAP de soudeur. Oui, je connais la métallurgie et la mécanique. Je ne me sens pas enfin à ma place, j'ai trouvé un truc qui m'amuse.
Lors de votre passage sur C8, avez-vous toqué à la porte du service des sports de Canal+, où les sports mécaniques sont rois ?
Cela ne m'est pas venu à l'esprit. On ne me l'a pas proposé. D'ailleurs, d'une manière générale, je n'ai jamais demandé à animer des émissions de sports mécaniques. Quoi que, quand j'étais sur TF1, à la grande époque du jet ski, je me souviens que TF1 mettait de temps en temps, soit à la place de "Auto Moto", soit à la place de "Téléfoot", un reportage avec une rétrospective sur l'année du championnat du monde de jet ski. C'est moi qui animais ça. On avait fait trois-quatre spéciales jet ski sur TF1 avec mon pote Denis Brogniart.
Où en sont d'ailleurs vos relations avec Cyril Hanouna ?
Nous n'avons aucune relation. On a fait "Strike" et puis voilà.
"Si demain, on me propose de reprendre 'Le Bigdil', j'étudierai évidemment cette proposition"
Où en est-on de l'hypothétique retour du "Bigdil" ?
Je n'en sais rien du tout, je ne peux pas vous dire. Je vais vous dire ce que je dis à tous les gens qui me posent la question. J'ai reçu un coup de téléphone il y a quatre à cinq mois de Hervé Hubert, avec qui j'ai travaillé pendant trente ans. Il m'a dit mot pour mot : "Bonjour Vincent, j'espère que tu vas bien. J'ai racheté les droits du 'Bigdil', est-ce que cela t'amuserais d'y retourner ?". Et j'ai répondu textuellement : "Demande à un poisson s'il veut de l'eau". J'ai vu que TF1 avait relancé "Star Academy", c'est un carton. Peut-être que l'on a envie de revenir à des formats qui ont fait leurs preuves. Je vois que l'on retrouve des rediffusions des émissions de Patrick Sébastien et de "Y a que la vérité qui compte" sur C8. Si demain, on me propose de reprendre "Le Bigdil", j'étudierai évidemment cette proposition. Il ne faut pas dire "oui" les yeux fermés ou "non ça ne m'intéresse pas". Quand on a eu la chance d'animer un programme sur TF1 pendant 1.600 numéros, c'est toujours angoissant de se dire "Est-ce que j'y retourne ?", "Est-ce que je n'y retourne pas ?", "Est-ce que je prends le risque de faire moins bien ?" "Dans quelles conditions on va le faire ?" "Avec quels moyens ?" Tout ça est à étudier. Pour l'instant, j'ai eu un coup de téléphone d'une minute...
Reviendrez-vous dans "Fort Boyard" l'an prochain ?
Je n'en ai aucune idée. Alexia (Laroche-Joubert, productrice de "Fort Boyard" ndlr) est une copine, avec qui je travaillais quand elle était chez Endemol à l'époque du "Bigdil". On est un peu comme frère et soeur, on s'appelle de temps en temps pour rien, pour le plaisir de parler. Si elle a besoin d'un coup de main, j'y retournerai avec plaisir parce que je crois, de loin, que "Fort Boyard" est l'émission la plus cool que j'ai faite dans ma vie. On est sur un fort, au soleil la plupart du temps. On passe la journée avec des gens forts sympathiques et qui sont tous là pour la même chose. On a plein d'anecdotes à se raconter. Il y a une vraie solidarité et puis j'y fais du flyboard, qu'est-ce que vous voulez que je demande de plus ?
Avez-vous d'autres projets à venir au-delà de RMC Découverte ?
J'ai écrit un livre que j'avais envie de faire depuis longtemps. Un matin, je me suis mis derrière l'ordinateur et j'ai pondu "Je m'appelais Franck" sur les conseils d'Éric Naulleau. C'est un livre qui va sortir chez XO (Bernard Fixot, ndlr) au mois d'avril. C'est une biographie dans laquelle je raconte l'histoire de ma vie avant même ma naissance et ma conception. Je raconte dans quelles conditions je suis arrivé sur terre jusqu'à aujourd'hui. Je raconte mon parcours, des trucs que les gens n'imaginaient peut-être pas, les tenants et les aboutissants qui font qu'aujourd'hui, je suis ce que je suis.