164 voix contre, 60 pour, 7 blancs et 14 abstentions. La rédaction du quotidien "Les Échos" s'est opposée à une très large majorité (67%), ce jeudi 28 septembre 2023, à la nomination comme directeur de la rédaction de François Vidal, dont le nom avait été proposé par le conseil de surveillance, selon une information de l'AFP. Ce dernier n'a pas convaincu la rédaction – la rédaction numérique en particulier – lors du grand oral de lundi dernier, au cours duquel il a présenté sa stratégie éditoriale pour les supports print et web du quotidien économique.
Ce vote intervient alors que ces derniers mois ont été émaillés de craintes au sein de la rédaction quant à l'indépendance du quotidien économique vis-à-vis de son actionnaire, le géant du luxe LVMH, dirigé par le milliardaire Bernard Arnault. François Vidal assurait l'intérim à ce poste depuis le départ surprise de Nicolas Barré, dont il était le numéro deux, en mars.
Plusieurs motifs officieux ont été avancés, notamment une mauvaise entente avec l'actionnaire LVMH. Le journaliste n'a pas quitté la rédaction mais a été déplacé à un autre poste, loin des manettes. La Société des journalistes (SDJ) des Échos avait protesté contre ce départ, y voyant une "éviction brutale par l'actionnaire", à la suite d'"articles qui auraient déplu". On ignore, pour l'heure, quand est-ce qu'un nouveau nom sera soumis au vote de la rédaction des "Échos" et quel est l'avenir de François Vidal au sein du journal.
Mais la dernière illustration de la contradiction des intérêts de la rédaction et de ceux de la direction remonte à cette semaine, révèle "Le Point" : "La photo en dernière page, dans l'édition du mercredi 27 septembre, de la présentation de la nouvelle collection sur fond jaune et rose a agacé plusieurs plumes du journal. D'autant que la légende ne précisait pas que Dior appartient à LVMH. Face aux protestations de certains, la société des journalistes (SDJ) des Échos a préféré ne pas polémiquer publiquement, se mettant en réserve dans l'attente d'un vote crucial le 28 septembre", écrit l'hebdomadaire.
Début juin, la quasi-totalité des journalistes du quotidien économique avait fait une grève de 24 heures, se disant inquiets pour leur indépendance. La SDJ avait accusé la direction du groupe Le Parisien-Les Échos de "vider de sa substance le droit de veto des journalistes sur la nomination d'un directeur de la rédaction". Ce droit de véto était prévu dans "l'accord d'indépendance" signé fin 2007 entre les Échos et LVMH au moment du rachat du journal par le groupe de luxe.
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Les grévistes estimaient que la direction élargissait le corps électoral prévu pour ce droit de véto et craignaient que cela n'entraîne de nombreuses abstentions, qui compteraient comme des soutiens au candidat de l'actionnaire. Le PDG du groupe Le Parisien-Les Echos, Pierre Louette, avait pour sa part fait valoir que ce corps électoral était "celui défini par la loi pour les élections professionnelles des représentants du personnel", se refusant à "opérer un tri entre journalistes votants et journalistes non votants".
Il est spécialement rare que la rédaction des "Échos" fasse usage de son arme atomique. En décembre 2022, un mouvement de grève avait été envisagé par les syndicats, alors en plein bras de fer sur la question des salaires. Finalement, les journalistes ne s'étaient pas montrés favorables à cette action sociale. Juste après l'éviction de Nicolas Barré, la méthode plus douce de la grève des signatures avait été privilégiée.