Les journalistes des "Échos" se dressent contre leur direction. Ce jeudi 1er juin 2023, la rédaction a voté son entrée en grève, le journal ne sera donc pas distribué demain, ni dans les kiosques, ni aux abonnés. Ce mouvement social a été décidé à l'issue d'une assemblée générale tenue dans la matinée suivie d'un vote vastement favorable. Ont été comptabilisés 218 votes pour, 3 votes contre et 1 vote blanc, sur 222 votants au total.
Les raisons de la colère ? Les changements à la tête du premier quotidien économique français. Il y a deux mois, il était révélé que Nicolas Barré, le directeur des rédactions, avait été poussé vers la sortie. Plusieurs motifs officieux ont été avancés, notamment une mauvaise entente avec l'actionnaire LVMH. Le journaliste n'a pas quitté la rédaction mais a été déplacé à un autre poste, loin des manettes. C'est depuis François Vidal qui occupe la direction par intérim, il est pressenti pour formellement succéder à Nicolas Barré.
François Vidal est tant un bon qu'un mauvais candidat, en fonction de quel côté la question est regardée. Certaines sources le jugent "moins indépendant", ce qui ne plaît pas forcément au sein de la rédaction. Il est aussi très expérimenté et a longtemps été le numéro deux du titre. Reste que, pour que sa nomination soit effective, il devra se soumettre à un vote de confiance. Un pouvoir de véto octroyé à la rédaction lors du rachat du titre par le groupe LVMH.
Pourtant, la Société des journalistes (SDJ) et les syndicats redoutent que la direction ne fasse usage d'un tour de passe-passe pour tourner le vote à son avantage, en permettant notamment aux journalistes pigistes de voter. Des personnes qui pourraient ne pas se rendre au vote. "Or, pour tous les gens inscrits sur le corps électoral qui ne voteraient pas, il serait considéré que leur non-vote vaut comme un soutien du nom proposé", explique une source au sein du journal. En clair, le droit de véto pourrait ne finalement pas être très utile. Contactée, une personne au sein de la direction du groupe Les Échos-Le Parisien a laissé entendre que l'élargissement du nombre de votants était bien "en discussion" mais que rien n'était encore arrêté.
Il est spécialement rare que la rédaction des "Échos" fasse usage de son arme atomique. En décembre 2022, un mouvement de grève avait été envisagé par les syndicats, alors en plein bras de fer sur la question des salaires. Finalement, les journalistes ne s'étaient pas montrés favorables à cette action sociale. Juste après l'éviction de Nicolas Barré, la méthode plus douce de la grève des signatures avait été privilégiée.
"Les Échos" en grève, mais quid du "Parisien" ? L'autre quotidien du groupe de Bernard Arnault est lui aussi traversé par des remous, avec un vote le 12 avril où la rédaction a affirmé ne plus faire confiance à sa direction pour stopper la "dérive éditoriale" du titre. En cause, des désaccords sur la ligne éditoriale et une crainte d'ingérence de l'actionnaire, comme chez leurs voisins de palier.