L'inquiétude ne passe pas. Après une rencontre entre Pierre Louette, le directeur général du groupe Les Echos-Le Parisien, la Société des journalistes et les syndicats, les journalistes du "Parisien" ont été réunis dans une Assemblée générale ce mercredi 12 avril.
A distance ou sur place, 200 journalistes du "Parisien" - sur les 400 cartes du presse du titre - ont répondu à la question suivante : "Faites vous confiance à la direction de la rédaction pour apporter des réponses suffisantes face à la dérive éditoriale constatée par la rédaction du Parisien ?". Le résultat est sans appel, 191 votants pour le "non", 28 seulement pour le "oui", 5 blancs et nuls et 2 abstentions. Pour l'instant, il ne s'agit pas à proprement parler d'une motion de défiance mais plutôt d'un avertissement dirigé à leur directeur Nicolas Charbonneau. "C'est une motion de défiance sans les conséquences...", précise un journaliste présent sur place.
Plusieurs incidents ont mis le feu aux poudres. Le plus visible, la prise de partie du quotidien en faveur du gouvernement sur la question de la réforme des retraites. Un aspect partisan affiché à travers les choix d'interviews et de Unes. Gabriel Attal, Elisabeth Borne, Gérald Darmanin, Olivier Dussopt, Bruno Le Maire... La place a plutôt été laissée aux pro qu'aux anti, comme s'était plainte la Société des journaliste (SDJ) du titre dans un premier communiqué interne.
Un second communiqué, au ton encore plus inquiet, a à nouveau circulé au sein de la rédaction vendredi 31 mars. Un message d'alerte rédigé à l'issue d'une première AG de près de trois heures. "Pire encore (que les biais éditoriaux dans la couverture de la réforme;ndlr), ce sont les sujets qui ne paraissent pas. Des journalistes ont témoigné ici qu'il leur a été explicitement demandé de ne pas travailler sur certaines enquêtes. D'autres racontent ce mécanisme insidieux qui veut qu'on anticipe un 'non' et qu'on s'autocensure. Constat qui vaut pour les rédacteurs comme pour leurs chefs de service", pouvait-on lire.
Plus précisément, le grand reporter Jean-Michel Décugis aurait vu son enquête débranchée lorsque le nom de Vincent Bolloré est apparu. Les soupçons se tournent vers LVMH qui ne voudrait pas froisser les intérêts d'un potentiel partenaire commercial.
L'inquiétude d'une ingérence de l'actionnaire est d'autant plus forte que les voisins de pallier du "Parisien" au 10 Bd de Grenelle, la rédaction des "Échos", vient de voir son directeur Nicolas Barré évincé. Derrière cette manoeuvre, une manoeuvre de Bernard Arnault est soupçonnée. Au final, c'est Nicolas Charbonneau qui a cristalisé toutes ces tensions.