Après l'incompréhension, la colère. La rédaction des "Échos" a acté mercredi une grève des signatures, comme l'a révélé hier "L'informé". A l'issue d'une assemblée générale, les journalistes ont décidé, plutôt que de lever le stylo, de ne plus signer leurs articles. Ce mouvement s'étalera du jeudi 23 mars à midi jusqu'au vendredi 24 mars à midi. Elle va donc concerner l'édition papier imprimée et envoyée vendredi. Les membres de la rédaction sont libres de suivre - ou pas - cet acte de protestation.
Leur mécontentement est la conséquence de l'annonce du départ de Nicolas Barré de la tête de la rédaction. Un départ aux airs de limogeage, en fonction des sons de cloche. D'un côté, "La lettre A" qui laisse supposer que le patron du titre depuis 2013 a été débarqué pour avoir autorisé des articles pouvait déplaire à leur actionnaire, LVMH, et in fine, à son dirigeant Bernard Arnault. De l'autre, un communiqué de presse envoyé hier qui évoque plutôt un changement pour "occuper de nouvelles fonctions", pour l'instant inconnues. Nicolas Barré aurait quant à lui indiqué "subir beaucoup de pressions de part et d'autre", comme le rapporte "L'informé".
La version officielle, accompagnée d'une prise de parole du directeur général du groupe Pierre Louette, n'a pas suffi à éteindre le feu. Mardi soir, la Société des journalistes (SDJ) du titre s'est fendue d'un communiqué mêlant surprise et inquiétudes. "(La SDJ) ne peut s'empêcher de s'interroger sur le lien entre ce départ et la publication ces dernières semaines de plusieurs articles qui auraient déplu à l'actionnaire. Dans ce contexte, la SDJ s'inquiète de l'existence de menaces sur l'indépendance du journal", relate le document envoyé à la presse.
Parmi les articles potentiellement problématiques, au moins deux sont mentionnés. Un mentionnant les perquisitions fiscales au sein du groupe LVMH. Mais aussi une critique positive du livre d'Erik Orsenna attaquant Vincent Bolloré, "Histoire d'un ogre" (Gallimard). Le média d'investigation révèle qu'après la sortie de l'article élogieux, Nicolas Bazire (membre du comité exécutif de LVMH et administrateur des "Echos") serait intervenu directement auprès de Nicolas Barré pour lui sa publication. Une interview d'Erik Orsenna aurait par la suite été débranchée.
Mais pourquoi le groupe de Bernard Arnault souhaiterait il soigner ses relations avec Vincent Bolloré ? Peut-être pour pouvoir mettre la main sur "Paris Match" et/ou le "Journal du Dimanche" que LVMH avait déjà tenté d'acquérir. Leur remise en vente pourrait être forcée par Bruxelles dans le cadre de la fusion entre Vivendi et Lagardère.