Après les avoir pointés du doigt dans son clip de campagne et après son échange musclé avec le journaliste de TF1 Gilles Bouleau,Éric Zemmour n'a pas tardé, dans son premier discours hier à Villepinte (Seine-Saint-Denis), à faire huer les journalistes par un public chauffé à blanc. "Le grand rassemblement commence enfin : vous êtes près de 15.000 Français (chiffre contesté, ndlr) qui ont bravé le politiquement correct, les menaces de l'extrême-gauche et la haine des médias". "Les journalistes veulent ma mort sociale", a-t-il scandé quelques secondes plus tard. Un procédé auquel l'ancien polémiste a eu recours au moins "six fois", constatait, hier soir sur le plateau de Darius Rochebin, le journaliste de LCI Paul Larrouturou.
Cette hostilité revendiquée du candidat à l'égard de la presse est semble-t-il contagieuse. Face aux huées de la foule hier, une équipe de "Quotidien" a été momentanément mise à l'abri. Sur le plateau du "22 heures Darius Rochebin", Paul Larrouturou, qui couvrait le meeting pour LCI, a témoigné à ce sujet : "Sophie Dupont (journaliste à "Quotidien", ndlr) était en train d'interviewer des jeunes de Génération Zemmour, elle fait son travail, elle discute. L'un d'entre eux refuse de parler, a-t-il contextualisé. Et là, il y a eu un espèce d'enchaînement extrêmement bizarre. Il y a d'abord eu des jeunes qui, paraît-il, se sont présentés comme des Zouaves (un groupuscule néo-nazi, ndlr), et là il y a eu d'abord ces hommes puis toute la salle qui a commencé à crier 'Tout le monde déteste 'Quotidien', tout le monde déteste 'Quotidien'."
Et celui qui a fait ses gammes dans l'émission de TMC de poursuivre : "À ce moment-là, j'ai vu une scène avec énormément de tensions : la foule vraiment qui hue. Une cinquantaine de personnes très vindicatives contre elle, contre moi, contre les journalistes en général et le service d'ordre qui a essayé de la protéger et qui a exfiltré son équipe. Après elle est revenue, elle a fait son travail et les choses se sont calmées."
"Il faut arrêter d'avoir des pudeurs de gazelle, a repris Dénis Cieslik, porte-parole des Amis de Zemmour. Quand 'Quotidien' se fait huer, c'est gentillet. (Ces gens) sont tellement maltraités par 'Quotidien' en permanence, ils sont tellement tournés en dérision, ils sont tellement en fait quelque part insultés que quand ils entendent 'Tout le monde déteste 'Quotidien', ils se disent 'bah oui, c'est vrai' parce que fondamentalement 'Quotidien' est détesté par une grande partie des gens qu'il méprise au quotidien". "Si le service d'ordre n'était pas intervenu, il se serait peut-être fait lyncher", a répliqué Paul Larrouturou.
Dénis Cieslik a par ailleurs clamé, pour défendre son camp, "qu'il n'y a eu aucune violence physique contre les journalistes aujourd'hui. La violence physique contre les journalistes, elle vient toujours du même camp, c'est toujours les anti-fa qui agressent les journalistes parce qu'ils nous détestent mais ils détestent les journalistes encore plus que nous". "Là c'était des sympathisants d'Éric Zemmour donc ce n'est pas des anti-fa", a insisté Paul Larrouturou. puremedias.com vous propose de visionner un extrait de cette séquence.
Pourtant, "au meeting de Zemmour, deux journalistes de "Mediapart" (pour l'émission 'À l'air libre', ndlr) ont été agressés et insultés", a tweeté le journaliste du site d'investigation David Perrotin. Des "coups anonymes" auraient été portés contre ces deux journalistes, "eux aussi reconnaissables par la bonnette de leur micro". "'Fais-moi signe si tu as besoin d'aide pour une ratonnade' entendu sur notre passage. Insultés de 'pourris', de 'gauchistes', nos 'rédacteurs en chef' de 'fumiers'", a également écrit dans un tweet la journaliste de "Médiapart" Célia Mébroukine.
"J'ai été menacé et insulté plusieurs fois, effectivement je n'ai pas été agressé physiquement", a enchaîné Paul Larrouturou pour décrire le climat qui régnait hier à Villepinte. Eliot Blondet, jeune photographe de l'agence Abaca faisait son travail très tranquillement quand un monsieur l'a bousculé et lui a dit : 'Je ne pardonne plus, moi je tue'", rapporte le reporter dans une allusion au tweet posté par Eliot Blondet lui-même. Au passage, le photo-reporter s'est fait voler son matériel.
Sur des images du journaliste freelance Clément Lanot, on peut voir Éric Zemmour quitter le parc des expositions de Villepinte, entouré de plusieurs journalistes. Ces derniers l'interpellent sur l'exfiltration de l'équipe de "Quotidien" mais aussi sur l'agression par plusieurs de ses soutiens de militants de SOS Racisme qui menaient une action à l'intérieur de la salle.
Une enquête a-t-on appris ce matin, a d'ailleurs été ouverte par le parquet de Bobigny. Le candidat "Reconquête" (c'est désormais le nom de son parti) à l'élection présidentielle s'est une nouvelle fois muré dans le silence. Il avait adopté la même posture lors de son arrivée gare de Lyon à Paris, après avoir adressé un doigt d'honneur à une femme quelques heures plus tôt à Marseille.