Une nuit Pop sur France Inter. Ce soir à partir de 21h, la station publique lancera sa première "Nuit de la pop culture" en direct depuis Ground Control, à la gare de Lyon à Paris. Aux commandes, on retrouvera Antoine de Caunes, l'animateur de "Popopop" sur France Inter. En compagnie de sa complice Charline Roux, la figure de Canal+ recevra notamment Alexandre Astier, Eric Judor, Jean-Paul Gaultier, Kyan Khojandi ou encore Bilal Hassani. Au menu de ces huit heures d'antenne : du talk mais aussi de la musique, avec notamment un mini-concert du groupe électro britannique Metronomy. A la veille de son marathon d'antenne, puremedias.com a rencontré Antoine de Caunes à la Maison de la radio.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
puremedias.com : Qui a eu l'idée de cette première "nuit de la pop culture" ?
Antoine de Caunes : "Première nuit de la pop culture"... au monde ! C'est très important de le préciser. Des nuits de la pop culture, il y en a peut-être eu au Liechtenstein ou au Nicaragua. Mais là, c'est une nuit de la pop culture pour le monde !
L'ambition est mondiale ?
Voilà. L'idée est de toucher les populations les plus reculées. Et Dieu sait s'il y en a !
Tout ça depuis le Ground Control, à Paris ?
Oui, depuis le Ground Control, où on contrôle, donc, le sol.
Qui en a eu l'idée pour de vrai ?
C'est le jeune garçon derrière moi là (il se retourne vers un jeune homme, ndlr) qui a une chevelure étrange défiant les lois de la gravitation. C'est Aurélien Ezvan, le rédacteur en chef de "Popopop" depuis que l'émission existe. Il a dit : "Une émission, c'est bien. Une nuit, ce serait mieux". Voilà... Sans prendre en considération la somme de travail que cela représente... "Mais non, c'est fun, on est fous, on est jeunes !", a-t-il dit. Mais là, il parlait de lui...
Comment se prépare-t-on à un tel marathon d'antenne à votre âge, que je ne révélerai pas (65 ans, ndlr) ?
Je ne sais pas si j'ai envie de répondre à cette question... On se prépare en travaillant tous les jours - week-end compris - sur un autre projet...
Ca ne vous fait pas peur toutes ces heures d'antenne ?
Non, pas du tout. C'est une émission qui s'annonce plutôt joyeuse. La difficulté de l'exercice, c'est que ça se passera au Ground Control. C'est un endroit où il y a du monde, de la musique, et l'idée est d'avoir quand même une émission de radio qui tienne la route. On doit être suffisamment préservé du bordel pour pouvoir avoir une conversation suivie avec les gens qui vont défiler dans la soirée. Et en même temps, on doit pouvoir faire des échappées à droite ou à gauche quand l'envie nous en vient.
"Les cheveux de Laurence Bloch vont évoluer au fur et à mesure de la soirée"
La soirée sera découpée en deux parties, c'est ça ?
Oui, il y aura une première partie de 21h à 2h du matin. Ce sera cinq heures de pure radio avec du talk, de la musique avec le concert de Metronomy notamment. Entre 2h et 5h du matin, on transformera le Ground Control en gigantesque boîte avec une programmation musicale dont vont s'occuper les gens du label Ed Banger. L'idée est de faire danser le camionneur qui nous écoute attentivement au milieu de la nuit, de leur apporter un peu de chaleur humaine....
Vous serez là, vous, jusqu'au bout de la nuit ?
Oui, oui, bien sûr... dans l'ombre...
Pour de vrai ?
Je vais rester un moment mais il faudra bien que j'aille me coucher à un moment. J'ai un avion le lendemain matin pour partir sur un tournage.
Laurence Bloch, la patronne de France Inter, sera là ?
Laurence Bloch sera là.
Avec des cheveux rouges ?
Avec des cheveux qui vont évoluer au fur et à mesure de la soirée. C'est son défi.
"La pop culture touche absolument tout le monde"
Le programme de cette nuit de la pop culture est très éclectique avec parmi les invités des couturiers (Jean-Paul Gaultier), des chanteurs (Bilal Hassani) des acteurs comme José Garcia. Vous voulez montrer que la pop culture est quelque chose de très large ?
La pop culture est par définition très transversal et touche absolument tout le monde.
Quelle est votre définition de la pop culture ?
C'est une bonne question à laquelle on essaye de répondre depuis deux ans dans "Popopop", en tournant autour mais en ayant autant de réponses qu'il y a d'invités. C'est très difficile de circonscrire et de définir quelque chose qui nous entoure en permanence, dans lequel on baigne. Disons que c'est une culture vivante, en mouvement. Ca touche aussi bien à la mode, au cinéma, à la musique, qu'aux séries télé ou aux jeux vidéo. On a eu une très bonne définition qui nous a été confirmée par Etienne Daho : la pop culture est tout ce qui était à la marge et qui finit au centre. Par exemple : les super-héros. Ils étaient des personnages de fanzines pour les mômes américains dans les années 1940 et 1950. Ils sont devenus aujourd'hui la première franchise de cinéma.
La pop culture s'oppose-t-elle à la culture classique ?
Non. Elle intègre beaucoup d'éléments de la culture classique et joue avec les codes. Prenez une série comme "Game of Thrones" par exemple. Elle fonctionne sur un modèle de narration dont vous allez retrouver les archétypes chez Shakespeare ou dans les tragédies grecques. C'est un recyclage permanent. C'est en revanche une culture qui vient de la rue et pas des facultés ou des académies.
Avez-vous l'impression d'avoir participé en France à l'intégration du rock dans cette pop culture, vous qui avez animé des émissions comme "Chorus" à la fin des années 1970 ?
Oui, bien sûr. J'ai l'impression que c'est un seul et même sujet autour duquel je tourne depuis que je travaille. J'ai commencé par faire des émissions de rock à une époque où le rock n'avait pas le droit de cité. C'était l'époque des Carpentier, Guy Lux et Michel Drucker. Tout cette musique d'après-guerre, qui concernait quand même beaucoup de monde à l'époque, n'avait pas droit de cité. Il y a un moment où il faut se battre. A l'époque, je me battais. Maintenant, c'est devenu une culture de grande consommation dont je ne suis plus qu'un des transmetteurs, des passeurs.
"Il y aura Paul Mc Cartney dans "Popopop en 2020"
On trouve beaucoup de personnalités de Canal+ au sommaire de votre "nuit de la pop culture", qu'il s'agisse de votre co-animatrice Charline Roux ou de vos invités (José Garcia, Kyan Kojandi, Daphné Bürki). France Inter est-elle devenue le Canal+ de la radio ?
Je ne sais pas. Ce que je peux dire, c'est que je retrouve ici à Inter une forme de l'état d'esprit qu'il y a eu à Canal dans les années 1980, où on avait l'impression d'évoluer dans un labo où l'on pouvait venir essayer des choses en toute liberté, sans avoir en permanence la pression de l'audience, du marketing ou de l'image. Ca me rappelle cela, oui. En même temps, l'époque est différente et on ne fabrique pas la même chose. Mais pour ce qui est de la liberté dans le travail, oui, certainement, il y a des croisements.
Quand est-ce que vous recevrez Paul McCartney dans "Popopop" ?
Je lui cours après depuis si longtemps !
Justement, ça avance ?
Ca avance ! C'est marrant que vous me posiez la question parce que j'ai à nouveau posé la question à son manager la semaine dernière. Il (McCartney, ndlr) ne fait pas de promotion en ce moment car il travaille sur sa comédie musicale, mais ça se sera début 2020.
Quoi ?
Qu'on fera un "Popopop" McCartney !
Il est d'accord ?!
Oui, il est d'accord ! Je l'ai déjà rencontré deux fois. C'est juste une question de timing. Mais oui, il y aura McCartney dans "Popopop". Ca se fera. J'ai une réputation de pitbull dans le métier vous savez.
"J'ai très, très envie de revenir à la fiction"
Troisième saison pour "Popopop". Pas de changement à l'horizon ? Toujours des interviews au long cours, y compris en anglais ?
Oui. On a le temps de parler chez nous. Vous pouvez avoir douze à treize minutes d'interview. C'est un vrai temps.
C'est ce qui vous manque dans la télévision d'aujourd'hui ?
Moi, ça me manque. La raison pour laquelle j'aime la radio, du moins sur Inter, c'est que c'est une radio où vous avez le temps de parler et d'écouter. J'écoute beaucoup la radio en voiture. Vous avez le sentiment que la pensée a le temps de se développer, de s'étirer, de s'argumenter. Ce n'est pas en permanence interrompu par les jingles, les pubs. C'est ce que j'aime écouter et fabriquer.
Canal+ n'a pas coupé la "Gaule d'Antoine" cette saison ?
Non, l'émission revient bien à l'antenne. "La Gaule" est une collection d'émissions de 90 minutes autour des régions françaises. On a fait un pas de côté avec l'Angleterre, "La Gaule Save The Queen", au moment du Brexit. La prochaine émission diffusée sera celle sur la Corse. J'ai commencé à fabriquer celle sur l'Occitanie, puis Pays de la Loire, Grand Est et on finira par la Normandie. Après, on peut envisager de continuer avec les îles, les DOM-TOM, la francophonie etc... "La Gaule d'Antoine" est devenue une marque.
Avec toujours ce ton déjanté et ces personnages surprenants ?
Oui, on essaye. Je ne sais pas trop faire autre chose...
Le cinéma, c'est terminé pour vous ?
Non, j'ai des projets de cinéma mais je fonctionne par cycle. Là, je suis dans un cycle télé-radio. Cela me laisse peu le loisir d'écrire. Je termine ce cycle et j'ai très, très envie de revenir à la fiction ensuite, que ce soit le cinéma ou la série. J'ai des projets.
"J'ai une paix royale à Canal+"
Vous êtes donc toujours dans le cycle entamé en 2013 avec votre arrivée au "Grand Journal" ?
Oui, il y a eu deux ans de "Grand Journal" et deux ans de "L'émission d'Antoine". J'en avais vraiment marre de faire des émissions en studio et je voulais revenir à mes premières amours : sortir, voir les gens plutôt que de les faire venir à moi. C'est la forme de télé que je préfère fabriquer. C'est ce qu'on a fait en lançant "La Gaule d'Antoine".
La forme de télé que vous aimez n'est-elle pas de plus en plus rare ?
Si bien sûr. Moi, je suis sur Canal depuis 1984. C'est à la fois par loyauté et fidélité. Et Dieu sait qu'il y a eu des hauts et des bas dans l'histoire de cette chaîne ! Moi, je me sens lié organiquement à Canal. Canal fait partie de mon ADN comme je fais partie de celui de la chaîne. Ce que je fais aujourd'hui, la liberté et la licence que j'ai pour fabriquer une émission comme "La Gaule...", je ne vois pas très bien où je pourrais l'avoir ailleurs. Je ne vois pas qui pourrait être intéressé.
En 2015, quand Vincent Bolloré a repris violemment en main la chaîne, avez-vous hésité à la quitter ?
J'ai hésité soit à faire autre chose, à changer de braquet et à faire de la fiction, soit à continuer. En fait, j'avais envie de voir où cela allait. Ce n'était pas le premier soubresaut dans l'histoire de Canal. J'avais envie de rester à bord et de voir ce qu'on pouvait faire avec la nouvelle proposition. Et puis je travaille avec des gens comme Arielle Saraco, qui s'occupe de la création originale, Bertrand Delaire, auteur à Canal+, ou évidemment Peter Stewart, avec qui je travaille depuis 35 ans. Tant que j'ai mon petit commando, ça va. Si eux devaient venir à sortir de la structure, là je me poserais très sérieusement la question. Mais j'ai une paix royale à Canal. On me donne les moyens de faire les émissions que j'ai envie de faire. Je serais très, très mal venu de me plaindre et de chouiner. Ce qui m'intéresse, ce sont les liens que j'ai avec la chaîne, les possibles développement pour après. Car je pense qu'on a encore plein de choses à faire, notamment si je veux revenir à la fiction.
Vous avez des projets télé avec eux ?
On parle. En télé, il faut anticiper d'un an ou deux ce qu'on va pouvoir faire. Mais pour l'instant, on finit déjà ce qu'on a commencé.
Quand interviendra dans ce cas la fin du cycle actuel ?
A horizon de deux ou trois ans je pense. Après, il faut encore que la machine tienne, la mienne j'entends !