La classe politique et les autorités religieuses ont réagi de façon divisée suite à la publication ce matin d'une nouvelle série de caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo. Le Premier ministre a désapprouvé cette série de dessins en raison "du contexte actuel". Une vingtaine de personnes ont été tuées lors de manifestations dans plusieurs pays musulmans contre le film islamophobe "Innocence of Muslims".
Sans nommer directement l'hebdomadaire satirique et en rappelant l'attachement de la France à la liberté d'expression, Jean-Marc Ayrault a affirmé sa "désapprobation face à tout excès", en raison du "contexte actuel". Ce matin sur RTL, le Premier ministre a conseillé à ceux qui se sentent heurtés par les dessins de saisir les tribunaux. Hier soir, au Caire, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, s'est dit "contre toute provocation", tout en rappelant l'importance de la liberté d'expression. Il a indiqué avoir "envoyé des instructions" pour que le personnel diplomatique prenne "des précautions de sécurité particulières".
A droite, les réactions ne sont pas tellement différentes. Sur BFM TV, Brice Hortefeux, l'ancien ministre de l'Intérieur, a estimé que ces dessins étaient "une provocation inutile", tout en ajoutant préférer "les excès des caricatures aux excès des censures". "Cela va susciter naturellement des réactions d'une petite minorité", a-t-il affirmé, déplorant que cela ne conduise à "la confusion entre l'islamisme radical et l'islam".
Marine Le Pen a en revanche affiché un soutien sans faille à Charlie Hebdo. "En France, nous avons des lois, nous avons des valeurs, et la première d'entre elles, c'est la liberté d'expression. Ces principes-là ne sont pas négociables. (...) Quoi qu'il en soit, même si c'est une provocation, en France c'est autorisé", a déclaré la présidente du Front national sur France 2, rappelant penser "la même chose lorsque les caricatures touchent les catholiques". "Ceux qui sont en désaccord peuvent éventuellement aller ailleurs", a conclu Marine Le Pen.
Les autorités religieuses ont en revanche montré leur solidarité. Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, a condamné "avec la plus grande vigueur ce nouvel acte islamophobe qui vise à offenser délibérément les sentiments des musulmans", lançant "un appel pressant aux musulmans de France à ne pas céder à la provocation".
Le président du Conseil représentatif des institutions juives, Richard Prasquier a "désapprouvé l'initiative de Charlie Hebdo" en raison des victimes des manifestations contre le film "Innocence of Muslims". "Publier ces jours-ci, au nom de la liberté, des caricatures sur Mahomet est une forme de panache irresponsable", a-t-il déclaré.
Même son de cloche pour l'église catholique. André Vingt-Trois, président de la conférence des Evêques, a indiqué sur Europe 1 "ne pas s'intéresser à ces provocations". "On ne peut pas dire n'importe quoi sous couvert de la liberté d'expression", a -t-il déclaré, pronostiquant "la répulsion de beaucoup de croyants musulmans qui vont se sentir blessés dans leur foi".
Depuis hier soir, Charb, le directeur de Charlie Hebdo défend la publication de caricatures de Mahomet dans son édition du jour. "On représente Mahomet comme on le fait depuis vingt ans maintenant", s'est justifié Charb sur Europe 1. "Si on commence à se dire 'on ne peut pas dessiner Mahomet, ensuite il ne faudra pas dessiner des musulmans tout court'. Ensuite, il ne faudra pas dessiner quoi ? Des cochons, des chiens ? Ensuite il ne faudra pas dessiner des êtres humains ? Si on commence à céder sur un détail, c'en est fini de la liberté de la presse", a-t-il conclu.