Vendre Channel 4 ? Le gouvernement britannique y renonce - une fois encore. En avril 2022, Nadine Dorries, la ministre de la Culture de l'époque, annonçait vouloir vendre la chaîne pour lui permettre de mieux rivaliser "avec les géants du streaming comme Netflix et Amazon". Finalement, le projet est enterré.
Dans un courrier rendu public ce jeudi 5 janvier, l'actuelle ministre Michelle Donelan explique qu'"à ce stade", la vente n'est "pas la bonne décision". "Il existe de meilleurs moyens d'assurer la durabilité de C4C [Channel 4 Corporation] et celle du secteur de la production indépendante", écrit-elle au Premier ministre, Rishi Sunak.
Le débat sur la privatisation de la chaîne est un serpent de mer. Il est déjà survenu en 2015 avant d'être abandonné l'année d'après. Une partie de la problématique vient de son statut particulier. S'il s'agit bien d'une chaîne publique, contrairement à la BBC, elle ne touche pas les revenus de la redevance. Ses fonds proviennent presque intégralement de la publicité, sur le même modèle que TF1 ou M6.
Mais contrairement aux chaînes privées, Channel 4 n'a pas vocation à verser de bénéfices à des actionnaires. Elle est tenue de réinjecter ses gains dans le financement de programmes. Et plutôt que de créer ses propres programmes, Channel 4 les commande en effet à des sociétés extérieures. Un statut particulier qui sera finalement modifié. Selon le "Guardian ", plutôt que de vendre la chaîne, le gouvernement va l'autoriser à produire plus de programmes elle-même, plutôt que de passer par une société externe. En échange, "Channel 4 s'est engagée à déplacer environ deux tiers de son personnel hors de Londres et à investir dans des bases régionales telles que Leeds, Bristol et Glasgow".
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Un changement de régime qui inquiète d'ores et déjà le secteur de la production audiovisuelle. Pact, l'organisme qui regroupe les sociétés de productions indépendantes britanniques a déjà fait part de ses inquiétudes. "Tout assouplissement du statut d'éditeur-diffuseur de Channel 4 sera un coup dur pour le secteur, qui doit déjà faire face à une augmentation des coûts de production et des coûts liés aux affaires", explique leur communiqué de presse.
La décision de maintenir le groupe dans le giron de l'État est une décision tant économique que politique. Plusieurs responsables politiques, y compris des députés issus du camp conservateur, voyaient dans la mesure suggérée par le gouvernement de Boris Johnson, une "guerre culturelle" visant les médias. Un sujet très politique, donc. Le débat a de quoi rappeler celui de la privatisation de l'audiovisuel public français, ramené pendant la dernière campagne présidentielle.