A partir du 14 mars, les jeudis soirs de M6 seront à nouveau consacrés à la fiction américaine. La chaîne lancera en effet en grande pompe la série "Body of Proof", portée par Dana Delany. L'actrice y campe une ancienne neuro-chirurgienne qui ne peut plus exercer après un accident de voiture qui lui cause des problèmes aux mains. Elle se reconvertit et devient médecin légiste, n'hésitant jamais à dire ce qu'elle pense, le tact n'étant pas vraiment son atout principal.
Ce personnage pas forcément agréable au premier abord, mais vulnérable à l'intérieur, était assez fort pour convaincre Dana Delany de quitter "Desperate Housewives", dont elle était à l'époque l'une des héroïnes. Un départ que l'actrice avait évoqué pour puremedias.com il y a trois ans, lors du Festival de Télévision de Monte-Carlo. Depuis, "Body of Proof" a été mis à l'antenne et l'actrice revient sans détour sur cette aventure, les difficultés de la série et les critiques, ce personnage si particulier et le fonctionnement du monde de la télé aux Etats-Unis.
Propos recueillis par Charles Decant.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans le personnage de Megan Hunt ?
J'ai aimé le fait que c'était une femme forte, mais aussi compliquée. Ce sont les personnages les plus intéressants à jouer. Ceux qui, en surface, donnent l'impression d'être quelque chose alors qu'à l'intérieur, ils sont quelque chose de très différent. Il y a plusieurs couches à découvrir et à jouer.
C'était un personnage assez fort pour vous convaincre d'arrêter "Desperate Housewives" ?
Le truc, c'est que "Desperate Housewives", c'était cinq ou même six personnages forts, je n'étais qu'une partie d'un ensemble. Là, c'était vraiment l'héroïne de la série. C'était un défi !
Comment trouvez-vous que le personnage de Megan a évolué au fil des deux premières saisons ?
La saison 1 tournait plutôt autour de la rédemption de Megan, le fait qu'elle devait se retrouver, réapprendre à vivre à travers les morts, paradoxalement. Elle devait aussi recréer une relation avec sa fille. Puis, dans la saison 2, ce sont des dimensions qui se sont un peu estompées, les choses sont devenues un peu plus légères.
Lors de notre dernière interview, avant que "Body of Proof" ne soit lancée, vous aviez expliqué que vous ne lisiez pas les critiques. Malgré tout, vous deviez être plus ou moins au courant du fait qu'elles n'étaient pas particulièrement positives au lancement de la série...
Vous savez, la série a été lancée récemment en Italie et ça a été un succès immédiat ! Donc ça prouve qu'il y a des gens qui apprécient ce qu'on leur propose...
... aux Etats-Unis aussi, puisqu'il y avait quand même 14 millions de personnes pour le pilote, et que les scores étaient bons sur le global !
Oui, bien sûr.
Ces critiques ont-elles affecté le tournage ? L'équipe ? La façon de travailler sur la première saison ?
Non, pas vraiment, tout le monde a continué à aller de l'avant. Mais je dois avouer que je partageais certaines des réserves émises par les critiques. C'est vrai qu'au début, Megan était peut-être trop acide. On peut être sec, mais il y a une façon de dire les choses. Il ne faut pas être méchant gratuitement. Et puis, c'est vrai qu'elle savait toujours tout, et j'ai apprécié le fait que ce soit moins le cas au fil des épisodes. C'était agaçant, après tout ! Si elle sait tout, on sait qu'elle arrivera toujours à attraper le meurtrier ! Personnellement, mes épisodes préférés de "New York Police Judiciaire" sont deux où les policiers n'arrivent pas à arrêter le méchant...
Comment expliquez-vous ces faux pas créatifs lors de la première saison ?
En fait, il y a plusieurs facteurs qui jouent. Il y a beaucoup de personnes qui sont impliquées dans la création d'une série, il y a les scénaristes, le showrunner, mais aussi la chaîne, qui fait part de ses notes. Nous avons commencé avec un showrunner, Christopher Murphey, le créateur de la série, qui n'avait jamais occupé ce poste avant.
Vous avez fait part de vos réserves aux scénaristes ? Au showrunner ? Ou à la chaîne ?
Quand vous tournez un pilote, vous ne pouvez pas dire grand-chose. Parce que ce n'est pas encore votre série.
Oui, on pourrait vous remplacer !
Voilà, tant que la série n'est pas diffusée, on peut être remplacée !
Même si, il faut avouer que le pilote reposait sur vous et que c'était peu probable...
Tout peut arriver ! J'avoue que ça me paraissait peu probable effectivement, mais on ne sait jamais.
Les premières images de la saison 3 ont été diffusées aux Etats-Unis et ABC présente réellement cette saison comme une série nouvelle : nouveau look, nouvelle dynamique...
C'est presque un reboot, oui. Il y aura plus d'action, ce sera plus centré sur les rapports professionnels.
Et puis il y a pas mal d'acteurs qui quittent la série... Ce changement radical, vous en avez été avertie ? Vous avez pris part aux discussions ?
Les producteurs m'ont appelée pour m'annoncer la nouvelle et me dire que trois personnes partaient. J'étais très triste bien sûr, parce que ces gens sont mes collègues, mais aussi mes amis. J'ai compris leur raisonnement. Les scénaristes s'étaient un peu mis dans cette situation eux-même. Le personnage de Peter, par exemple, qui est un enquêteur médical, était source de confusion. Il n'était pas médecin, mais pas policier non plus. Pourtant c'est un métier qui existe ! Et puis, j'étais aussi sa supérieure... Ca compliquait beaucoup les choses. Donc j'ai compris le raisonnement. Je leur ai juste demandé d'appeler personnellement les acteurs pour qu'ils l'apprennent de leur bouche.
Et il y a un nouveau personnage qui arrive dans la saison 3.
Oui, Mark Valley, avec qui j'ai déjà joué par le passé - on jouait un frère et une soeur - arrive au générique. Je l'adore, on s'entend très bien. Et on se pousse mutuellement à être meilleur. Il joue un policier et cette fois, nos deux personnages sont sur un pied d'égalité. Il y a de la concurrence, de la tension. C'est plus léger. Je pense que ça apporte quelque chose de nouveau à la série !
Quand nous nous étions vus, vous évoquiez une évolution néfaste de l'industrie ces dernières années, par rapport à vos débuts : cette tendance à baisser les coûts à tout prix... Ca ne s'est pas amélioré depuis trois ans...
Non, c'est de pire en pire en effet. Souvent, les producteurs font un peu de chantage d'ailleurs. Ils demandent à tout le monde de baisser les coûts de production et si on refuse, ils menacent de tout arrêter. D'ailleurs, à la fin de la deuxième saison de "Body of Proof", on nous a demandé - et on m'a demandé - de baisser mon intéressement. Alors évidemment, on n'a pas le choix. Mais si on baisse ces coûts, l'argent continue à rentrer. Et on se demande finalement où il va...
Vous pourriez tout arrêter ?
Je suis un peu rebelle ! En fait, je n'ai jamais fait ce métier pour la gloire et la fortune. Je l'ai fait par amour de la comédie. Et je ne dis pas ça en l'air ! Je pourrais très bien tout arrêter, et terminer ma carrière en jouant dans des petites pièces de théâtre.
Il y a une différence entre la gloire et la fortune, d'un côté, et le fait de gagner assez d'argent pour vivre, tout simplement... Même si on se doute qu'on ne doit plus se faire de souci pour vous aujourd'hui...
Je refuse d'accepter un rôle pour l'argent, et aujourd'hui j'ai la chance de ne plus être dans une situation où je pourrais être tentée de le faire ! Je suis économe, je vis simplement... Donc si les choses ne me plaisent pas, je peux tout arrêter.
Les plus cyniques ont pu penser, pourtant, que c'est pour la stabilité financière que vous aviez accepté le rôle de Megan Hunt, dans une série policière, le genre de projets qui fonctionne généralement bien aux Etats-Unis.
Je comprends, mais non, je l'ai vraiment choisi pour ce personnage que j'affectionne beaucoup et que je prends beaucoup de plaisir à jouer.
Vous parliez du fait qu'il y a beaucoup de personnes qui tentent de faire passer leurs idées sur la direction que doit prendre la série. Est-ce que, à un moment, ce n'est pas mauvais pour la série ?
C'est compliqué, oui. Je crois que, ce qu'il faut, c'est avoir un showrunner solide. Il faut quelqu'un qui sache quand dire oui et quand dire non. D'une certaine manière, il faut rester parfois sur ses positions et dire à la chaîne ce qu'elle veut. La chaîne pense savoir ce qu'elle veut, mais en fait, elle attend qu'on le lui dise ! Et puis après, quand ça marche, généralement, la chaîne vous laisse tranquille.
On parle beaucoup justement des showrunners et de leurs rapports parfois difficiles avec les chaînes, surtout sur le câble et notamment autour de "The Walking Dead", qui a déjà changé deux fois de showrunner...
Oh oui... Je ne sais pas ce qui se passe chez AMC. Je respecte beaucoup Glen Mazarra, qui a préféré partir que de faire quelque chose auquel il ne croyait pas. Je pense que c'est Matthew Weiner, le créateur et showrunner de "Mad Men", qui est à l'origine de tout ça. Lui a eu tout ce qu'il voulait et je pense que les dirigeants de la chaîne ne voulaient plus que ça se reproduise...
Selon vous, quelle est la meilleure série en ce moment à la télévision ?
Oh... Il y en a tellement ! J'ai envie de dire "Homeland", qui est une série formidable... J'aime aussi beaucoup les séries anglaises, comme "Sherlock", "Luther", "Downton Abbey". J'adorais "30 Rock" mais ça vient de se terminer...
"30 Rock", c'est la seule série que vous avez citée qui est diffusée sur une grande chaîne américaine et non sur le câble !
C'est la seule que je regardais... !
Du coup, après "Body of Proof" - à qui on souhaite évidemment une longue vie - c'est sur le câble que vous rêvez de travailler ?
Oui ! J'ai déjà un projet de série d'ailleurs, sur lequel je travaille et que je voudrais produire. Pour l'instant, je ne peux pas vous en dire plus ! Il me reste à trouver un bon scénariste et quand "Body of Proof" s'arrêtera, je m'y consacrerai.