François Morel vise "Le Monde". Dans sa traditionnelle chronique du vendredi matin sur France Inter, l'artiste a décidé aujourd'hui de revenir sur le départ de Xavier Gorce du quotidien après la publication mardi d'un dessin ayant fait l'objet de critiques sur les réseaux sociaux. Suite à celles-ci, "Le Monde" a décidé de désavouer publiquement son illustrateur, estimant que la publication de ce dessin constituait une "erreur" du fait de ses "termes déplacés vis-à-vis des victimes (d'inceste) et des personnes transgenres".
"Le Monde" avait dans la foulée présenté ses excuses aux lecteurs qui avaient pu être "choqués", réaffirmant son "engagement pour une meilleure prise en compte, par la société et par la justice, des actes d'inceste, ainsi qu'en faveur d'une stricte égalité du traitement entre toutes les personnes". Le lendemain, Xavier Gorce avait annoncé sur Twitter sa "décision personnelle, unilatérale et définitive (...) de cesser de travailler pour 'Le Monde'", estimant que la "liberté ne se négocie pas".
"Il y a deux choses qui plaisent dans la vie : c'est l'humour et la nuance", a entamé ce matin François Morel. "Quand j'écris ces petites rédactions du vendredi matin j'essaie quand même de les convier tous les deux mais ce n'est pas simple. Quand l'humour pointe son nez, on a vite fait d'être mal compris, mal interprété, de provoquer chez certains un malaise, des colères, des larmes. Quand la nuance s'installe, on a vite fait d'être chiant", a-t-il expliqué. Et d'ajouter : "Quand j'écris ces petites rédactions du vendredi matin, personne de la rédaction du 7-9 ne les relit. Sauf Juliette Hackius, la muse, l'égérie, la reine du 7/9 parce que j'aime bien avoir un avis, parce que je l'aime bien, parce que j'aime bien son avis. Mais personne d'autre. C'est vous dire la confiance et la responsabilité".
Alors qu'il avait déjà publié un tweet "Je suis Xavier" mercredi, François Morel a ensuite livré plus directement son avis sur l'affaire Xavier Gorce au micro d'Inter. "Quand on travaille dans un journal, on a un rédacteur en chef qui, avant de publier, valide l'article, le dessin, ou refuse de le publier. Ce n'est pas de la censure. Ça s'appelle une ligne éditoriale", a-t-il rappelé. Avant d'asséner : "Que 'Le Monde' s'excuse publiquement d'un dessin de Xavier Gorce sans même contacter le dessinateur me paraît indéfendable. Que le dessin de Xavier Gorce ne soit pas son meilleur, c'est possible. Que Xavier Gorce n'ait pas réussi à joindre la nuance à un dessin d'humour ne fait sûrement pas de lui un abjecte défenseur de la pédophilie, méprisant les victimes, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux par la cohorte des vengeurs masqués, des justiciers sans foi ni loi, bavant de haine". Et de conclure : "J'ai laissé toute la place ce matin à la nuance. L'humour n'est pas loin. Il vous embrasse".
Après une mise au point parue dans "Le Monde", Jérôme Fenoglio, le directeur du journal, a accordé une interview au quotidien suisse "Le Temps" pour défendre sa décision. Il a ainsi rappelé que les dessins publiés dans 'Le Monde n'avaient "pas pour but de choquer (ses) lecteurs". "La publication du dessin en question, portant sur la notion d'inceste était pour le moins incompréhensible et malencontreuse", a estimé Jérôme Fenoglio, précisant avoir appelé Xavier Gorce avant de la publication du message d'excuses du "Monde". "Ce dessin aurait dû faire l'objet d'une discussion avec son auteur, avant publication, comme c'est l'usage avec les autres dessinateurs. Cela n'a pas été le cas. C'est notre responsabilité éditoriale. D'où nos excuses...", a conclu le directeur du quotidien.
De son côté, Plantu, qui vient d'annoncer son départ en retraite après 49 ans de collaboration avec "Le Monde", a apporté un soutien "inconditionnel" à Xavier Gorce. "Maintenant, il va falloir s'excuser de ce qui dérange", a-t-il déploré.