"Le Grand Journal" souffle sa dixième bougie à Cannes. Après l'annus horribilis de 2013 avec météo capricieuse, coup de feu sur le plateau et ambiance fin de règne pour Michel Denisot, le talk show de Canal+ a retrouvé un peu de sa superbe. Avec une pluie de stars et un Antoine de Caunes plus que jamais dans son élément. En quelques jours, l'animateur, dont c'est la première saison sur la Croisette, a vu défiler sur son plateau les plus grandes stars : Nicole Kidman, Julianne Moore, Marion Cotillard, Harrison Ford, Gael García Bernal, Bérénice Béjo... "Le meilleur cru depuis dix ans", se félicite François Jougneau, rédacteur en chef adjoint de l'émission.
Grâce à l'omniprésence de Canal+ pendant le festival depuis vingt ans, un détour des stars par la plage du Martinez où est planté le studio du "Grand Journal" est un passage quasi-obligé. Mais il faut toujours les convaincre de venir assurer leur promo en direct sur un plateau de télévision. Le meilleur coup de cette quinzaine fut incontestablement la présence de Gérard Depardieu et Jacqueline Bisset, samedi, pour la promotion du sulfureux "Welcome to New York". Un travail de longue haleine qui a fini par payer, seulement quelques heures avant le direct.
"Ryan Gosling aussi, cela a été difficile de le faire venir. C'est quelqu'un qui parle très peu. On l'a eu dix minutes, c'était le deal, notre meilleur coup glamour de la quinzaine", poursuit le programmateur de l'émission. Pour ne pas prêter le flanc à la critique, "Le Grand Journal" à Cannes devait cette année réussir un savant mélange de paillettes et sujets plus graves. Le 67e festival a permis ce grand écart, entre "Grace de Monaco", biopic glamour, et "The Search", tourné en Tchétchénie ou entre "Expendables", gros blockbuster, et le cinéma d'auteur des frères Dardenne.
Car quand la France subit de plein fouet la crise, cette débauche de stars n'est pas toujours du goût des téléspectateurs et haters du web, toujours prêts à flinguer l'émission. Cette saison, le show a néanmoins été épargné par les critiques. La dose d'actu saupoudrée en début d'émission a sans doute joué. "Avant, l'émission était dans une bulle qui ne se préoccupait plus de ce qui se passait ailleurs qu'à Cannes. On a fait un choix différent cette saison et on a pu traiter de nombreux sujets comme l'Ukraine, les intermittents du spectacle, les Européennes. Et j'ai le sentiment que nos téléspectateurs ont perçu que 'Le Grand Journal' faisait l'événement tous les soirs", estime Fabrice Pierrot, producteur éditorial.
Cette bonne quinzaine est aussi à mettre au crédit d'un Antoine de Caunes incontestablement plus à l'aise à Cannes qu'à Paris. "Il s'éclate comme un gamin et ne s'en cache pas, c'est tous les jours Noël pour lui, confirme le patron de la rédaction. Antoine s'est libéré d'un certain nombre de contraintes. Cette folie à Cannes, ça lui rappelle les grands moments de sa carrière". L'animateur, réalisateur, comédien, est aussi un grand amoureux du cinéma. En bon cinéphile, il a vu la plupart des films projetés pendant le festival avant de recevoir sur son plateau acteurs et réalisateurs.
Seule ombre au tableau, les audiences. Après une cérémonie d'ouverture en net recul, la tendance s'est confirmée les jours suivants. Depuis le 14 mai, la première partie de l'émission a rassemblé en moyenne 1 million de téléspectateurs (6% du public) et 1,03 million en seconde (4,9%). Un an plus tôt, Michel Denisot fédérait 200.000 téléspectateurs de plus de 19h10 à 20h (6,2% de PDA) et 300.000 en seconde partie (5,5%). "Le Grand Journal" est même passé au-dessous du million certains soirs. Sans surprise, les courbes se sont croisées avec "Touche pas à mon poste" de Cyril Hanouna, qui n'a pas manqué de s'en féliciter.
"Je n'ai pas d'explication à cette baisse, la concurrence est au même niveau que d'habitude, avoue Fabrice Pierrot. Je ne sais pas où sont partis ces téléspectateurs. C'est le seul point négatif". Les audiences du talk de Canal sont traditionnellement inférieures pendant Cannes, leur érosion a donc suivi celle observée depuis le début de la saison.
"On ne parle plus que des audiences aujourd'hui, c'est devenu la jauge de tous les journalistes médias. On ne regarde plus le contenu, c'est triste. C'est comme si les critiques ciné jugeaient les films au nombre d'entrées", se désole un des producteurs de la chaîne. Même si Canal+ s'en défend, l'audience du "Grand Journal" est un sujet sensible en raison des moyens considérables déployés pour cette quinzaine. "La concurrence est de plus en plus rude. Mais tant que 'Le Grand Journal' restera aussi statutaire qu'il l'est aujourd'hui, il ne sera pas en danger", estime un cadre de la chaîne.