Il n'est pas en compétition officielle, ni dans la sélection Un autre regard. Et pourtant, on parle plus de "Welcome to New York" que de la plupart des autres films projetés dans le cadre du Festival de Cannes, qui a débuté hier. Il faut dire que le film d'Abel Ferrara, qui retrace l'affaire DSK, fait couler énormément d'encre depuis des mois, entre les rumeurs de pressions et de menaces diverses et variées, le refus des chaînes de télévision de le co-financer, ou encore le départ d'Isabelle Adjani, remplacée dans le rôle d'Anne Sinclair par Jacqueline Bisset.
Très attendu, "Welcome to New York" ne sortira même pas au cinéma. Vincent Maraval et Brahim Chioua, ont en effet opté pour une distribution innovante en sortant le film directement en VOD dès samedi 17 mai. "C'est une façon de dire aux chaînes de télé : OK, vous n'avez pas voulu financer le film, on peut faire sans vous", ont-ils expliqué, alors qu'une projection de presse devrait être organisée demain soir.
Pour l'heure, seuls deux médias - tous deux américains - ont pu visionner le film d'Abel Ferrara. Et aussi bien Variety que le Hollywood Reporter ont été marqués par le long-métrage, soulignant avant tout la performance d'acteur de Gérard Depardieu, dont les propres soucis et dont la personnalité se fondent dans ceux du personnage qu'il incarne, dont le nom a été changé dans le film, comme celui de tous les protagonistes.
"Les mésaventures de DSK qui ont conduit à l'implosion de sa carrière sont présentées à travers le prisme choquant et unique du réalisateur dans Welcome to New York, choc puissant qui débute comme un mélodrame tiré des tabloïds et se transforme petit à petit en étude stressante sur l'addiction, le narcissisme et le privilège capitaliste", explique Scott Foundas pour Variety en introduction de sa critique, avant de mettre en avant la prestation de Gérard Depardieu.
"Le film permettra de rappeler le talent viscéral de l'acteur, dont la performance audieuse est indéniablement le point fort du film", note ainsi le magazine spécialisé. "Il est remarquable à plusieurs égards : il semble plus présent, plus investi dans ce rôle que dans les douzaines de films qu'il a tournés depuis Bellamy de Claude Chabrol en 2009", poursuit Variety, avant d'applaudir l'audace de l'acteur, prêt à "exposer son corps porcin, gonflé, sous l'oeil sans merci de la caméra". Variety ne tarit pas non plus d'éloge sur la performance de Jacqueline Bisset, qui "n'a pas à rougir" face à Depardieu, bien au contraire.
De son côté, le Hollywood Reporter se lance dans une critique plus descriptive de l'intrigue, connue de tous, et des scènes qu'Abel Ferrara a choisi de retranscrire. Mais, là encore, le ton est enthousiaste et intrigué. "Le film se transforme rapidement en un biopic où l'acteur et le personnage se fondent dans un seul et même corps, massif", explique ainsi le critique du magazine spécialisé, Jordan Mintzer. Il estime qu'Abel Ferrara était "parfaitement qualifié pour retranscrire sur grand écran l'insouciance et les instincts carnaux d'un tel personnage", et que Gérard Depardieu l'était tout autant pour leur donner vie.
S'il souligne quelques longueurs, le critique s'avoue "fasciné" par ce flou qui entoure le personnage et le comédien, en particulier quand le film traite de son assignation à résidence à New York. "A ce moment, le personnage ressemble de plus en plus à l'acteur, et inversement, créant un trouple intrigant entre Ferrara, Strauss-Kahn et Depardieu, ce dernier râlant et hochant la tête face à la caméra, comme si Welcome to New York parlait en fait de lui", note le critique.