C'est l'un des événements cinéma de la semaine. Samedi 17 mai sort "Welcome to New York", le film sur l'affaire DSK signé Abel Ferrara, avec Gérard Depardieu et Jacqueline Bisset dans des rôles rappelant Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair. Le film ne sortira que sur Internet, directement en VOD, puisqu'aucune chaîne de télévision n'a voulu investir dans ce film sulfureux.
A trois jours de l'ouverture du festival de Cannes, en marge duquel le film sera projeté bien qu'il ne soit pas dans la sélection officielle, le film bénéficie d'une forte promotion. Gérard Depardieu a fait cette semaine la Une de Télérama. Ce week-end, le JDD consacre une double page à Vincent Maraval, le patron de Wild Bunch qui a co-produit le film. Après le renoncement d'Isabelle Adjani, attribué à une mésentente entre l'actrice et le réalisateur, le producteur confirme avoir contacté Juliette Binoche, Kristin Scott Thomas, Béatrice Dalle avant que Jaqueline Bisset n'accepte. L'actrice britannique a touché 50.000 euros pour le tournage et Gérard Depardieu 100.000 euros, "le dixième de son salaire normal".
Rappelant que le réalisateur est américain et n'a pas l'intention de régler des comptes ("il n'avait jamais entendu parler d'Anne Sinclair"), Vincent Maraval estime que le film "ne défend aucune thèse". "Abel Ferrara a juste voulu raconter l'histoire d'un couple secoué par un tremblement de terre. Montrer les faiblesses d'un homme, c'est lui rendre son humanité. Ca peut parler à beaucoup d'entre nous. Abel s'est appuyé sur des faits réels pour créer une fiction", explique-t-il dans cette interview au JDD. Il ajoute que la scène du Sofitel s'appuie sur des "faits incontestables". "Certains peuvent y voir un acte inconvenant, d'autres un viol. Le scénario repose sur la libre interprétation de cette scène. Chaque spectateur se fera son idée", déclare le producteur, qui, conformément à sa réputation de provocateur, en profite pour régler quelques comptes.
Vincent Maraval confirme avoir subi de nombreuses pressions pour ne pas faire ce film et il estime que celles-ci perdurent. "Je viens d'apprendre qu'UGC essaie d'empêcher la sortie du film sur ses écrans en Belgique en faisant pression sur ses exploitants. Deux partenaires médias importants nous demandent de retirer leur logo sur l'affiche. Ça me sidère", lance-t-il avant de dénoncer une forme de censure.
"Je ne suis pas adepte de la théorie du complot. Mais là, les faits parlent pour moi et illustrent, à l'instar de ce que nous subissons depuis trois ans, les relations incestueuses qu'entretiennent dans ce pays les élites, les politiques, les médias. A tous les échelons on pratique l'autocensure, c'est pitoyable", ajoute-il en rappelant que Nanni Moretti a réussi à produire un film sur Berlusconi et Michael Moore sur George Bush.
"Aucune chaîne de télé française n'a voulu nous financer, alors que nous avions deux immenses stars internationales. On a proposé le scénario à Canal+ et à Orange, qui ont eu des réactions positives avant de refuser", rappelle-t-il. Le budget de 3 millions d'euros a été financé par Wild Bunch, la Ville de New York, et trois investisseurs privés. "Ce qui est vrai, c'est que tout le monde nous a déconseillé de tourner ce film, nos amis comme nos ennemis. Dan Franck (un ami de l'ex-couple), que j'ai croisé une fois dans ma vie, à qui on n'a jamais proposé d'intervenir sur le scénario en dépit de ce qui a été dit, m'a même menacé lors d'un dîner auquel assistaient une quinzaine de personnes. Je cite : 'Sache une chose, Anne Sinclair dépensera toute sa fortune à détruire ta vie'", s'agace Vincent Maraval.
Enfin le producteur de cinéma tacle le numéro spécial du magazine "Un jour un destin" consacré à Anne Sinclair. "C'est une aberration française qu'une journaliste puisse commander un prime time sur elle, avec ses amis qui disent du bien d'elle sur une chaîne de télévision publique. (...) Pourquoi ne lui a-t-on pas demandé : 'Qu'auriez-vous ressenti à la place de Nafissatou ?' On ne lui a pas posé les vraies questions", conclut-il.