"Tout le monde était au courant de son comportement", assure la journaliste. Après le cinéma avec l'affaire Weinstein et les séries avec les accusations autour de Kevin Spacey, les langues commencent à se délier dans l'univers de la télévision. Et plus particulièrement du journalisme. Selon le site "Buzzfeed", une plainte a été déposée lundi par une journaliste, Anne Saurat-Dubois, à l'encontre d'Eric Monier, l'actuel directeur de la rédaction de LCI. La journaliste l'accuse de harcèlement sexuel et harcèlement moral.
Les faits reprochés remontent à l'époque où Eric Monier était directeur de la rédaction de France 2. Selon Anne Saurat-Dubois, c'est parce qu'elle aurait refusé les multiples avances explicites de son responsable de l'époque, en particulier lors d'un déjeuner en 2012, que son parcours professionnel au sein de France 2 aurait pris fin. Eric Monier aurait même promis de faire de sa vie "un enfer" si elle persistait dans son refus.
"Buzzfeed" explique que si de tels faits ne sont dévoilés qu'aujourd'hui et encore en majorité de manière anonyme, c'est parce qu'Eric Monier est un homme puissant, qui appartient au "premier cercle" de Thierry Thuillier, nouveau patron de l'info de TF1 et ancien directeur de l'information de France 2 entre 2010 et 2015. Thierry Thuillier était donc le supérieur hiérarchique d'Eric Monier à cette période. Eric Monier avait été brutalement remercié de son poste à France 2 fin 2015. À l'époque, des problèmes relationnels et de management avec certains salariés avaient été évoqués.
Buzzfeed a récolté le témoignage de 13 autres femmes journalistes ayant collaboré avec Eric Monier à France 2. Toutes témoignent de manière anonyme par peur de représailles sur le plan professionnel. Les exemples de comportements et de propos déplacés d'Eric Monier seraient légion. Les déjeuners de travail avec lui étaient redoutés. "Tout le monde sait qu'il faut pas déjeuner seule avec lui", se serait vu répondre une jeune journaliste par ses collègues, après avoir relaté une mauvaise expérience. "Il m'a inspectée comme il l'aurait fait avec un poulet dans une boucherie", témoigne une autre, gênée par son regard insistant.
Selon Dominique Pradalié, une ex-déléguée syndicale de France Télévisions, la direction de France 2 avait été alertée du comportement de son salarié. "En dépit des rumeurs et des évidences, aucune des femmes n'a voulu pousser plus loin", déplore la déléguée. Une journaliste a dû imposer des limites. "J'ai instauré très vite mon refus. Je l'ai traité comme on traite un vieux lourd dans un mariage. Il ne me faisait pas peur", rapporte ainsi une certaine Mathilde. Sa collègue dévoile la stratégie qu'elle avait adoptée : "Il faut essayer de ne pas trop s'en approcher. Faut pas lui faire de grand sourire. Et surtout, ne lui laisse pas croire qu'une ouverture est possible".
Eric Monier a-t-il retenu la leçon de ses supposées erreurs passées ? Toujours est-il qu'il aurait, selon les témoignages recueillis dans sa nouvelle rédaction, un comportement tout à fait normal à LCI. Interrogé par "Buzzfeed" sur la plainte de la journaliste, le principal intéressé botte pour l'heure en touche. "Je connais la personne que vous évoquez, oui, en effet, mais je ne suis pas au courant de ce que vous me dites, du tout", a-t-il répondu à nos confrères, s'interrogeant sur "la réalité de cette plainte". Contacté par puremedias.com, le groupe TF1 n'était pas en mesure de nous répondre.
Mise à jour 18h50 : Dans un communiqué, le groupe TF1 indique avoir "pris connaissance qu'une plainte aurait été déposée pour harcèlement à l'encontre d'Éric Monier, Directeur de la Rédaction de LCI depuis 2016, pour des faits qui remonteraient à 2012 – 2013. Une instruction aurait été ouverte auprès du Procureur de la République". TF1 rappelle que le principal intéressé "bénéficie de la présomption d'innocence" et affirme qu'Eric Monier l'a informé "de son intention de porter plainte pour dénonciations calomnieuses". Mais le groupe précise tout de même que si "les faits reprochés étaient confirmés, (TF1) tirerait toutes les conséquences des suites judiciaires consécutives à cette affaire".