Dans "Blacklist", James Spader campe Raymond "Red" Reddington, l'un des héros les plus détestables et les plus fascinants du PAF, et pourtant, le public ne peut s'empêcher de souhaiter qu'il parvienne à ses fins. Récompensé du prix d'interprétation à Cannes en 1989 pour "Sexe, mensonges et vidéo", le comédien a rencontré puremedias.com à Londres pour évoquer la nouvelle série de TF1, qui rencontre un succès phénoménal outre-Atlantique.
L'acteur, aussi fascinant que son personnage, parle en détails de Red, du lien étrange qui unit cet anti-héros et Elizabeth Keen, ou encore de son implication (majeure) dans l'écriture de la série.
Propos recueillis par Charles Decant.
Le personnage de Red est très fort. On a pu lire que vous aviez insisté par exemple sur le fait qu'il porte des chapeaux... A quel point avez-vous participé à la création du personnage ?
Je n'insiste jamais sur rien. Je crois qu'il n'y a aucune raison d'arriver à une impasse. J'ai travaillé tout au long de ma carrière en étroite collaboration avec les scénaristes. Pour moi, ils sont à la source de tout. Ce qui m'intéresse le plus en tant qu'acteur, qu'il s'agisse du cinéma, du théâtre ou de la télévision, c'est de raconter des histoires et j'ai donc le plus grand respect pour les auteurs. Donc on n'en arrive jamais à une impasse. La discussion permet toujours de trouver un compromis qui satisfait tout le monde et élève le texte et le projet dans son ensemble.
C'est dans cette atmosphère que s'est passée la préparation de "Blacklist" ?
Absolument. Une bonne idée est une bonne idée jusqu'à ce qu'elle soit une mauvaise idée. Quand on lui met un autre éclairage et qu'on en discute, on s'aperçoit que c'est une mauvaise idée ! (Rires) Et une bonne idée aussi. Et souvent, trois très mauvaises idées donnent une excellente idée !
Comment décririez-vous le personnage de Red ?
Je pense que je ne le décrirais pas ! (Rires) Red est une énigme. Je pense qu'en fait, juste au moment où on pense l'avoir enfin cerné, on se rend compte qu'on ne le connaît pas du tout. Et ça requiert une construction très précise, et il faut être attentif pour rester fidèle à ce personnage. Mais ça sert beaucoup la série : confronté à une certaine situation, il va parfois faire tout le contraire de ce qu'on attendrait de lui. Quand il doit se protéger, il va parfois aller au plus près du danger, et quand il a une option facile et directe, il va parfois au contraire faire un énorme détour.
Vous connaissez le plan à long terme pour le personnage de Red ?
Nous avons eu de longues discussions dès le début, oui. Mais en télévision, il faut que ce genre de choses soient flexibles. Comme vous pouvez l'imaginer, il est très facile de se retrouver dos au mur, dans un coin et il faut trouver un moyen de grimper au mur pour s'en sortir. Mais Reddington fonctionne de la même façon. Il s'y retrouve d'ailleurs souvent volontairement, et doit ensuite trouver une échappatoire...
Le fait que vous ne sachiez pas combien de temps la série durera ne rend pas les choses plus faciles...
Absolument ! On ne sait pas si la série durera trois ans ou dix ans. Et on ne sait pas précisément comment raconter l'histoire en fonction de sa durée. Notre série est un peu spéciale en plus, puisqu'il y a l'affaire de la semaine et l'histoire au long cours qu'on veut raconter. Il faut sans cesse que la première dimension nourrisse la deuxième. C'est comme un oignon : il faut savoir combien de couches on doit éplucher, et à quelle vitesse. Ce serait dommage d'arriver au coeur de l'oignon deux ans trop tôt - ou un an trop tard ! Il faut donc garder le court terme et le long terme en tête, à chaque instant.
La relation entre Red et l'agent Keen est l'un des points forts de la série. Comment la concevez-vous ?
Red a des sentiments très forts pour Elizabeth Keen. Mais il n'hésite pas à la mettre dans des situations particulièrement risquées et compliquées, en ce qui concerne son bien-être et sa sécurité. Mais c'est parce qu'il part du principe qu'elle est capable de s'en sortir. Et il estime également qu'elle n'est pas si différente de lui. Elle est capable d'agir même quand les circonstances sont difficiles. Depuis leur rencontre, même s'il tient à la protéger, il l'a mise plus d'une fois en grand danger.
L'alchimie entre ces deux personnages est l'une des forces de la série. Comment s'est passée votre rencontre et y a-t-il eu la même alchimie entre vous sur le tournage ?
J'essaie de n'apporter avec moi sur le plateau que ce qui sert la série et les personnages, et j'essaie de ne pas apporter grand-chose de plus. Et elle fonctionne de la même façon. Du coup, et je ne sais pas si c'est intentionnel ou non, mais notre relation de travail n'est pas très différente de celle de Red et Elizabeth Keen. Il y a un des deux qui sait plus de choses que l'autre, mais celui qui sait moins est très motivé et prêt à tout.
Comment expliquez-vous que le public aime Red, qui est un personnage très sombre et violent ?
Je pense que le fait qu'il soit drôle aide beaucoup. Ca aide aussi qu'il paraisse fun. Il va souvent faire ce que d'autres auraient souhaité faire mais ne peuvent ou n'osent pas, ou dire ce que d'autres auraient rêvé de dire. Et puis, il surprend les gens, et ils aiment ça je crois. Et à côté de ça, il y a une sorte de décence un peu étrange chez lui. Ca ne l'empêche pas de faire des choses complètement indécentes parfois, certes. Et enfin, je pense qu'il apprécie vraiment, profondément la vie et tout ce qu'elle a à offrir. Il est curieux, il remarque des choses que d'autres ne voient pas. Ca rend une personne attachante je crois. Et ça le rend unique, aussi.
En termes d'écriture, ça doit être compliqué de le rendre à ce point méchant et sombre, tout en évitant qu'il devienne trop méchant pour qu'on s'attache à lui. Les discussions que vous avez eues avec les scénaristes sur ce point précis ont été longues ?
Oh, elles continuent ! Elles ne s'arrêteront jamais ! J'étais justement au téléphone avec les scénaristes il y a une heure. Je leur parle tous les jours. On est au téléphone, parfois pendant des heures. On parle des choses qui se profilent à moyen ou long terme, ils me parlent de ce qu'ils envisagent de faire, je leur donne mon avis. On avance ensemble.
Ca concerne exclusivement le personnage, ou la série dans son ensemble ?
Toute la série. Comme je le disais, on a deux aspects très différents de la série qui sont aussi très liés. Il faut voir comment l'affaire de la semaine impacte l'histoire des personnages, leur passé, leur présent et leur avenir.