Sa vie a basculé il y a deux ans. Dans une interview accordée au "Parisien" ce dimanche 24 novembre 2024, Alexandra Pizzagali, humoriste et chroniqueuse éphémère de "Télématin", revient sur les deux années tumultueuses qui ont suivi son passage controversé sur France 2. Entre bad buzz, descente aux enfers et renouveau en bord de mer, elle raconte comment elle a traversé cette période et comment elle est parvenue à remonter sur scène.
En septembre 2022, Alexandra Pizzagali semblait avoir le vent en poupe. Après un passage remarqué au Festival d’Avignon, elle enchaîne les succès : des représentations à la Scala, une chronique sur France Inter, et une carte blanche hebdomadaire dans "Télématin". Un début de carrière fulgurant qui tourne rapidement au cauchemar. Sa première chronique, où elle tente avec humour de "défendre" l’auteur de l’attentat de Nice, tourne mal. Un prompteur capricieux, une gestion technique défaillante : la prestation est laborieuse, et sa chronique est brutalement interrompue par la publicité. Puremédias vous propose de visionner la séquence dans la vidéo ci-dessus.
"Mais à ce moment, j’ai juste le sentiment de m’être un peu tapé la honte, je n’ai pas conscience de ce qui va se passer", confie-t-elle. Pourtant, dès le lendemain, la machine s’emballe. "Je commence à recevoir des messages hyper agressifs, par centaines : 'Va mourir ! Rends l’argent ! Aucun talent !' C’est très, très violent." Si la forme n'y était pas, c'est plutôt sur le fond qu'elle est attaquée. Le procès de l’attentat de Nice, qui a coûté la vie à 86 personnes le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais, vient de s’ouvrir. L’humoriste, à qui l’on accorde une carte blanche, décide de s’emparer de l’actualité. Mais son penchant pour l’humour noir, appliqué à un sujet aussi sensible que le terrorisme, provoque un choc. Lors de sa chronique, elle qualifie le terroriste de "Ricky Martin de la Côte d’Azur", avance que s’il frappait sa femme, "elle l’avait peut-être cherché", ou encore plaisante sur la zoophilie. Ces propos, bien qu’ironiques, suscitent l’indignation des téléspectateurs et des internautes. Les nuances de son humour au deuxième degré disparaissent dans un torrent d’insultes.
Rapidement, les portes se ferment. France Télévisions l’évince, tout comme France Inter. Sur les réseaux sociaux, les remarques acerbes sur son manque de talent la rongent : "C’était tellement rabâché que j’ai fini par y croire." Alexandra Pizzagali raconte alors comment cette accumulation de rejets a brisé son élan, plongeant sa carrière théâtrale dans une lente agonie. "Quand on me demande comment ça va, je fais blague sur blague, je ne me rends pas compte à quel point ça m’atteint."
"Deux jours après, tout le monde était passé à autre chose. Mais pas moi. Il m’aura fallu quelque 700 jours de plus"Alexandra Pizzagali
Les mois suivants, elle annule des dates, réduit ses activités et sombre dans une profonde détresse. "Deux jours après, tout le monde était passé à autre chose. Mais pas moi. Il m’aura fallu quelque 700 jours de plus." En Bretagne, entourée de sa famille, elle touche le fond. "Je ne voyais pas de perspectives heureuses, dans une semaine, un an, dix ans. Je me dis : 'Eurêka, j’ai trouvé'. Comme je crois à la réincarnation, je vais arrêter cette vie-là et passer à la suivante." Ce sont finalement l’amour de ses proches et la crainte de leur faire du mal qui l’empêchent de commettre l’irréparable.
L’humoriste amorce ensuite un lent chemin vers la reconstruction. En janvier 2023, elle quitte Paris et s’installe dans le Finistère, où elle apprend à "dézoomer" et se reconnecte à l'essentiel. "Ça fait un peu cucul, mais je me suis reconcentrée vraiment sur des choses qui comptent", explique-t-elle. Elle se ressource auprès de sa famille et prend le temps de réfléchir à ses envies profondes. Si ses rêves de chronique ont volé en éclats, son amour pour l’écriture et la scène reste intact. Aujourd’hui, elle prépare un second spectacle, "C’est dans le ventre, chapitre II", et développe une série au titre évocateur : "Infinie douceur des lendemains qui chialent".
Ce lundi 25 novembre, Alexandra Pizzagali montera sur les planches du théâtre de l’Atelier à Paris pour une ultime représentation de son spectacle. "Même si la salle n’est pas tout à fait remplie, cette date, je sens qu’elle sera jolie", dit-elle avec espoir. Un tournant symbolique qui marque l’amorce d’un redoux. De cette épreuve, Alexandra Pizzagali retient une chose : "Cette histoire m’a permis de me requestionner sur les désirs qu’on nous prête : non, je n’ai pas envie de faire des chroniques, mais d’écrire des histoires, et surtout les jouer." Un avenir qu’elle imagine désormais sous le signe de la créativité, loin des plateaux télé.