Une partie de la rédaction vent debout. Dans un communiqué de la Société des journalistes (SDJ) de "Challenges" mercredi en interne, consulté par "Libération", des membres de la rédaction ont fait part de leur malaise concernant la dernière Une du magazine économique. En kiosques depuis hier, cette Une affiche en énorme le mot "Danger", avec une photo de Jean-Luc Mélenchon, et une liste des risques supposés en cas de victoire de la Nupes aux élections législatives.
Hier, le chef de file de la France insoumise a réagi sur son compte Twitter à la Une du journal : "Tout en finesse et argumentation pour un débat démocratique sans agressivités. Une punition : 4,20 euros pour accéder à ce régal de l'esprit".
Cette première page reprend le modèle d'une ancienne Une, datée du 13 avril. Consacrée à Marine Le Pen, elle était également estampillée "Danger" et accompagnée cette fois de la liste suivante : "Déficit : +100 milliards. Europe disloquée. Institutions menacées. Xénophobie rallumée".
Dans son communiqué, la SDJ de "Challenges" a dénoncé un "passage en force" de sa direction. "Le 1er juin, un large consensus s'était pourtant exprimé au sein de la rédaction, y compris dans les rangs de la rédaction en chef, contre le choix de cette couverture. L'exacte similitude de ces deux couvertures porte à croire que l'extrême-droite et l'extrême-gauche sont des dangers de même nature", a écrit la Société des journalistes. Et d'ajouter : "Pour autant, la direction du journal a maintenu son projet. Le bureau de la SDJ condamne ce passage en force et ce choix éditorial".
Selon elle, cette Une "donne de 'Challenges' l'image d'un média partisan en reprenant les arguments de la majorité présidentielle" et "décrédibilise le travail d'une rédaction indépendante, soucieuse d'apporter de la raison dans le débat politique". "Ce n'est d'ailleurs absolument pas le fond des articles du dossier qui est en cause, mais bien la seule couverture", a conclu la SDJ.
A "Challenges", la Une est décidée par un trio composé du directeur du journal Claude Perdriel, du directeur de la publication Vincent Beaufils et du directeur de la rédaction Pierre-Henri de Menthon. Ce dernier, joint par "Libération", a confirmé avoir tranché en faveur de cette Une alors que plusieurs rédacteurs en chef s'y étaient opposés, tout en niant un "passage en force".
"Le 1er juin, lors de notre réunion sur l'actualité qui a lieu tous les mercredis matins, j'ai évoqué l'idée que nous avions eue de faire la même Une que sur Marine Le Pen. Le débat a eu lieu avec la rédaction. Moi, j'ai dit que j'étais favorable à cette idée, que j'estimais que Mélenchon et Le Pen étaient deux dangers", a raconté Pierre-Henri de Menthon. Et de poursuivre : "Il y avait aussi un coup marketing à faire en reproduisant cette Une. Tout le monde ne partageait pas mon avis. J'ai dit que je prenais note". Il a assuré que la décision a été prise en "toute transparence" et que seule une partie de la rédaction était contre : "Ce n'est pas la Société des journalistes qui décide des Unes de 'Challenges'".