Le patron de Franceinfo prend la plume. Dans une tribune, publiée dans "Le Monde" ce vendredi 4 août 2023, Jean-Philippe Baille donne sa vision du rôle des médias publics "face au défi démocratique que constituent les réseaux sociaux" et la désinformation qui les accompagne.
Dans une période où la défiance vis-à-vis des journalistes est reine et toutes les informations en circulation sont placées sur un pied d'égalité – "chaque citoyen est devenu un média grâce à son smartphone", observe Jean-Philippe Baille, "notre position (celle des médias publics, ndlr) est de plus en plus fragile, pour ne pas dire contestée", constate celui qui, avant de rejoindre Franceinfo, avait dirigé la rédaction de RTL.
Les médias publics ne peuvent, selon lui, l'ignorer et ont vocation à s'adapter. "Plus qu'être un média, nous devons, face au défi démocratique, devenir un médiateur pour réconcilier notre société, estime-t-il. Les clivages sont trop exacerbés, les tensions trop fortes, pour ne pas avoir conscience de notre responsabilité. Notre rôle était central. Il devient primordial", juge-t-il.
Il doit aussi se différencier de celui de "médias traditionnels", qui "s'engouffrent" dans (la) faille sociétale", selon laquelle "l'opinion et le buzz prennent le dessus sur l'information", fait-il remarquer à l'heure où CNews se définit, elle même, comme une chaîne d'opinion.
"Ce nouveau monde (celui des réseaux sociaux, ndlr) a oublié de prendre de la distance, de contextualiser et de confronter les faits pour y préférer un pseudo-réel. La manipulation est presque devenue la règle. L'excès est érigé en Graal pour faire audience", tacle-t-il. "Il est bon ici de rappeler qu'il n'y a qu'une information. Celle qui est juste et avérée. Celle qui est pluraliste. Celle qui tient compte du contexte, du contradictoire et de la mise en perspective".
Jean-Philippe Baille pense, au contraire, que "le 'médiateur' crée du lien, permet de faire commun, pour ne pas dire nation, et lutte contre toutes les formes de communautarismes et donc de divisions. Il est honnête et juste pour apaiser les tensions qui sont autour de lui. Il dénonce quand il le faut, pointe du doigt les difficultés et rétablit la vérité quand elle est écornée par les peurs ou les fantasmes".
Pour ce faire, le directeur de Franceinfo demande "les moyens d'aller sur le terrain pour constater, enquêter et vérifier les faits. Que (les médias publics) puissent se doter de toutes les expertises possibles pour analyser et décrypter les événements". Une façon pour Radio France, qui a accusé le coup comme France Télévisions, l'an passé, de la fin de la redevance, d'interpeller l'État sur son rôle à part dans un paysage médiatique bouleversé et la nécessité de le préserver. Autrement dit ne pas rogner sur son budget.