Cap sur les vacances pour "C politique". Ce soir à partir de 18h35, Karim Rissouli présentera le dernier numéro de la saison de son magazine dominical lancé en 2016. Alors que l'année politique a notamment été marquée par la crise des Gilets jaunes et les élections européennes, "C politique" a signé une belle performance du côté des audiences, en réunissant près de 770.000 fidèles en moyenne, soit 4,3% de l'ensemble du public. Karim Rissouli sera aussi ce soir pour la première fois aux commandes de la série documentaire de France 5 "C'était écrit", avec un premier numéro consacré à l'équipe de France de football masculine. puremedias.com a rencontré le journaliste afin de faire avec lui le bilan de cette saison riche en évènements, et d'évoquer ses autres projets pour la saison prochaine.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
puremedias.com : "C politique", ça continue la saison prochaine ?
Karim Rissouli : Oui, ça continue ! On repart normalement pour une saison 4, bien qu'il faille toujours rester prudent en télévision tant que nous ne sommes pas en septembre.
Cette saison politique a été particulièrement riche. Avec le recul, se résume-t-elle au mouvement des Gilets jaunes ?
Non, ça ne se résume pas uniquement aux Gilets jaunes. Mais c'est vrai que les Gilets jaunes ont occupé 70% de l'année politique. Comme tout le monde, on l'a pris en pleine tête au mois de novembre, même si je pense qu'on avait réussi à prendre le pouls du pays grâce à nos reporters sur le terrain.
L'autre enjeu politique de l'année aura été l'écologie, avec les mobilisations de la jeunesse pour le climat et le score des écolos aux élections européennes. En résumé, une année avec du jaune et du vert.
Les Gilets jaunes vous ont notamment permis de battre des records d'audience cette saison.
Oui, ils nous ont permis en novembre et décembre de passer à plusieurs reprises la barre symbolique du million de téléspectateurs. Après, ce que je retiens davantage, c'est qu'ils nous ont permis de nous faire connaître auprès de téléspectateurs qui ne nous connaissaient peut-être pas avant. On a une base de fidèles qui s'est étoffée à la faveur de cette crise.
"La crise des Gilets jaune nous a obligés à nous poser des questions que l'on ne se posait plus sur notre métier"
Y'a-t-il eu de vifs débats au sein de votre rédaction pour savoir comment traiter cet ovni politique qu'est le mouvement des Gilets jaunes ?
On n'a pas eu le même type de débat que les chaînes info où cela a été parfois très tendu. On s'est cependant posé la question toute les semaines sur la manière d'en parler, de traiter des violences en marge des manifestations du samedi par exemple. Globalement, je suis assez fier de la manière avec laquelle on les a traités. On a essayé de comprendre chaque semaine les ressorts de la crise, de savoir qui étaient ces invisibles que les politiques ne voyaient plus, que les médias ne voyaient plus. Je trouve que cela a été une crise salutaire pour les médias. Ca nous a obligés à nous poser des questions que l'on ne se posait plus sur notre métier.
Initialement, "C politique" voulait traiter de la politique sans les politiques. Ce mouvement des Gilets jaunes rejetant les politiques valide-t-il votre postulat de départ ?
Cela a validé l'idée que la politique appartient à tout le monde, et pas seulement au personnel politique. Quand je dis "tout le monde", je parle des intellectuels et des artistes que nous recevons dans l'émission, mais aussi les citoyens "ordinaires" qui se sont réappropriés la politique lors de cette crise. On n'a pas décidé de ne pas inviter des politiques parce que nous les rejetons. C'est juste que nous considérons que la politique était partout et nous en avions un peu marre des discours préfabriqués des responsables politiques.
Vous avez cependant reçu quelques politiques dans "C politique". Pourquoi ?
Très peu ! On s'est fixé une règle avec la chaîne qui était de ne pas avoir d'invité politique en majesté. L'invité fil rouge de l'émission n'a jamais été un homme politique français en activité par exemple. Nous avons eu des retraités ou des responsables étrangers. Quand on a reçu des politiques en activité, cela a toujours été dans la deuxième heure de l'émission, et avec des responsables venant sur des dossiers très précis ou avec des profils un peu différents comme Cédric Villani ou François Ruffin.
"Les hommes politiques sont très clairement en souffrance"
La politique est-elle en souffrance en France ?
Oui et non. Les hommes politiques sont très clairement en souffrance. Les gens ne les croient plus, et on a le même problème en tant que journaliste. Mais la politique va mieux d'une certaine manière. Quand je vois des gens qui se réapproprie la politique, qui veulent en refaire, que ce soit sur un rond-point ou ailleurs, c'est très positif, que je sois ou non d'accord avec eux. Quand je vois des hommes et des femmes qui redeviennent des citoyens, moi, ça me réjouit parce que j'adore la politique au sens large.
La politique à la télévision est-elle en souffrance ?
Non, plus depuis qu'il y a "C politique" (rires). Plus sérieusement, non. Sur le seul service public par exemple, je trouve sincèrement que l'offre est désormais très claire et complémentaire. Il y a "L'émission politique" sur France 2, émission institutionnelle et statutaire. Et il y a l'émission politique du sociétal sur France 5, avec "C politique".
Pourquoi êtes-vous placé parmi vos chroniqueurs sur le plateau ? Vous ne voulez pas d'animateur en majesté ?
C'est une idée de Renaud Le Van Kim, notre producteur, qui trouve que cela casse les codes des émissions de télévision. Ca renvoie quelque chose de différent, de moderne et en phase avec l'époque. Oui, je suis animateur de l'émission mais je suis avant tout journaliste, comme mes camarades autour de la table. Pour la deuxième heure, je reprends une place plus centrale, qui permet de montrer le passage de la partie "magazine" de l'émission à sa partie "talk".
"Luc Hermann a décidé de quitter 'C politique'"
Vous fixez-vous des limites dans le choix de vos invités fil rouge ?
Pour le coup, on a vraiment l'ambition de donner la parole à un maximum de sensibilités. On ne s'interdit rien. On est l'une des rares émissions à avoir par exemple invité aussi longuement un intellectuel comme Matthieu Bock-Côté, figure du conservatisme, voire de certains identitaires. C'est vrai en revanche qu'aujourd'hui on n'invite pas assez de femmes en invité fil rouge. Si je devais faire une auto-critique, ce serait celle-là : il faut qu'on féminise notre plateau.
La formule de "C politique" va-t-elle justement évoluer la saison prochaine ?
Nos chroniqueurs Camille Girerd, Thomas Snégaroff et Maxime Darquier vont rester. Luc Hermann a décidé de partir pour se consacrer à sa société de production, Premières lignes. On a fait trois ans ensemble et il n'a plus assez de temps pour mener les deux activités de front. On va donc le remplacer par une femme, que nous n'avons pas encore choisie. Ce ne sera a priori plus une chronique sur la com'. On va changer la thématique. On est encore en train d'y réfléchir. Il y a quelques angles morts que l'on pourrait davantage travailler, comme l'international. Ca pourrait être la bonne piste.
Voulez-vous plus généralement donner plus de place à l'international dans l'émission ?
Oui, clairement. On parle déjà pas mal des États-Unis mais on pourrait élargir davantage. L'autre évolution qu'on souhaiterait apporter, c'est d'ouvrir encore davantage au monde de la Culture. On voudrait davantage de réalisateurs, de comédiens, qui ont un propos sur la société. Quelqu'un comme Gilles Lellouche par exemple, je pense qu'il a sa place dans "C politique". Quand je regarde ses choix de rôle, quand je le vois dans "Pupille" (film réalisé par Jeanne Herry en 2018, ndlr), ça m'intéresse de discuter avec lui de son regard sur la société française. De la même manière, Juliette Binoche a toute sa place dans l'émission aussi.
Pensez-vous qu'ils accepteront de le faire ?
J'ai le sentiment qu'on est un peu à un point de bascule. On voit de plus en plus d'artistes se réengager, signer des pétitions et des tribunes. Peu m'importe de savoir pour qui ils votent. Mais par leur travail, ils ont un regard et un impact sur la société française.
"On réfléchit à des interviews que je pourrais faire pour Brut"
N'y a-t-il pas un risque de créer un entre-soi télévisuel autour de la politique ?
Cela serait vrai si on se contentait de cela. Mais encore une fois, sur les deux heures vingt d'émission, l'idée, c'est que ce soit un croisement d'intellectuels, de gens de la société civile, de citoyens qui se battent au quotidien pour telle ou telle cause. Si dans la même émission, il y a un philosophe ou un historien, une infirmière en grève depuis trois mois, Juliette Binoche et un journaliste, on a un plateau que je trouve complet et fidèle à ce qu'on veut faire. Plus généralement, on veut aussi davantage "événementialiser" "C politique" avec plus de spéciales. La saison prochaine, j'essayerai aussi de plus sortir du plateau pour des interviews par exemple. L'idée est de continuer à proposer de nouvelles écritures.
Avez-vous d'autres projets sur F5 la saison prochaine ?
Sur France 5, outre "C politique", j'assure désormais l'incarnation de "C'était écrit" que j'ai eu la chance de reprendre après le départ de Bruce Toussaint vers de nouvelles aventures. Il y a un numéro ce soir sur l'équipe de France de foot. Il y en aura un autre sur Nicolas Hulot et sa démission qui sera diffusé en septembre. D'autres numéros sont en discussion. On réfléchit aussi avec la chaîne à des primes autour de la politique. On en a eu un cette saison juste après les élections européennes. Il y a les élections municipales l'année prochaine, sujet dont on va essayer de s'emparer. On ne parle pas que de films politiques. J'ai aussi des projets avec Brut, dont la maison mère est la même que celle de "C politique", Together. J'ai très envie d'aller parler à des jeunes qui ne regardent pas forcément la politique à la télévision.
Vous incarneriez un programme pour Brut ?
On réfléchit à des interviews que je pourrais faire pour Brut. Pas forcément politique. Ca pourrait être des interviews de personnalités de l'économie comme des patrons de grand groupe, de la pop culture, qui ont, encore une fois, un regard sur la société