Des millions d'euros qui tombent du ciel ? Les salariés de "Libération" s'interrogeaient sur l'origine des 4 millions injectés dans le quotidien il y a quelques jours par Bruno Ledoux, propriétaire du journal. Mediapart vient de révéler l'identité du mystérieux investisseur. Il s'agit de Patrick Drahi, patron de Numéricable, récent vainqueur de l'opération de rachat de SFR.
Lors de la validation du plan de reprise du journal par le tribunal de commerce fin avril, il était clairement spécifié que l'argent frais (4 millions d'euros tout de suite et 14 millions plus tard) ne serait pas apporté par Bruno Leroux, mais par un investisseur extérieur. Le mystère demeurait sur son identité malgré les nombreuses rumeurs ces derniers jours. "Devant l'urgence de la situation, l'actionnaire de Numéricable aurait néanmoins très vite sorti son carnet de chèques, et consenti un prêt pour éviter la banqueroute du quotidien. Les discussions portant sur le reste de la somme promise par Ledoux sont encore en cours, et devraient aboutir rapidement, dans les deux prochaines semaines maximum", écrit Mediapart.
Pourquoi Patrick Drahi investirait-il autant d'argent dans un journal en proie à d'importantes difficultés financières depuis plusieurs mois ? Il ne serait pas le premier industriel à mettre son cash au service de la presse. Xavier Niel, patron de Free, a déjà racheté avec Mathieu Pigasse et Pierre Bergé le quotidien "Le Monde" et l'hebdomadaire "Le Nouvel Observateur". Avec "Libération" dans sa poche, Patrick Drahi, déjà propriétaire de petites chaînes de télévision, mettrait un deuxième pied remarqué dans le monde des médias. A la barbe de Xavier Niel justement, qui n'a jamais caché son souhait de racheter "Libé" en cas de dépôt de bilan.
Etre propriétaire d'un journal ou de chaînes de télévision ouvre aujourd'hui de nombreuses portes aux patrons d'entreprises. Patrick Drahi va en avoir besoin ces prochaines années, à mesure que son nouvel empire SFR/Numericable grandira. S'il apporte autant de cash, il pourrait devenir l'actionnaire majoritaire du journal. Selon Mediapart, Drahi cherche néanmoins des co-investisseurs et voudrait s'assurer "que des recrutements solides seront faits pour la direction du journal, tant pour la partie rédactionnelle que pour la gestion de l'entreprise".
L'arrivée de cet investisseur mystère a été fraîchement accueillie par les salariés du journal. "Pourquoi autant de cachoteries de la part de ces hommes d'affaires autour de Libération ? (...) Cette stratégie du cheval de Troie contrevient au principe de transparence dans le financement de la presse, auquel les salariés de Libération demeurent particulièrement attachés et sur lequel ils entendent rester vigilant", écrivait hier Libération.