C'était le 2 janvier 2001. Laurent Gerra faisait ses premiers pas sur RTL en imitant Jack Lang. "Ça y est, nous sommes rentrés dans le troisième millénaire et sans vaseline !", lançait-il. Le ton était donné. Plus de 16 ans et 2500 émissions plus tard, l'imitateur est toujours à l'antenne. RTL a célébré son humoriste ce matin au cours d'une émission spéciale d'une demi-heure, en plus de son rendez-vous habituel. A l'issue de ces trente minutes, puremedias.com a pu interroger à chaud l'homme aux 186 voix, à qui l'académicien Jean d'Ormesson a joliment déclaré un jour : "Vous n'êtes pas la voix de la France, vous êtes toutes les voix de la France".
Propos recueillis par Christophe Gazzano.
Comment vous sentez-vous après cette émission spéciale anniversaire ?
C'est très émouvant, j'ai reçu beaucoup de messages, tout le monde était là. Jean-Jacques (Peroni, avec qui il a écrit ses premiers textes sur RTL, ndlr) est venu, François Morel aussi, même s'il est habituellement sur France Inter... Le mélange des genres est dans la tradition de RTL. Il n'y a pas d'autre endroit où je voudrais être. J'ai une liberté incroyable, mes textes ne sont pas relus. RTL a réussi à fidéliser les auditeurs. Je me souviens d'une ancienne pub qui disait : "Les Français sont comme ça, RTL aussi". Et c'est vrai !
Selon les dernières audiences radio, vous êtes suivi tous les jours par près de deux millions d'auditeurs. À quoi attribuez-vous ce succès ?
J'ai toujours dit que la radio, ce n'était pas une question d'humour, mais une question d'humeur. Quand on entre dans le studio, ça s'entend. Il y a une vraie complicité avec mes partenaires. On travaille un peu à l'ancienne, on est des artisans. Je lis seulement deux fois le texte avant l'antenne. J'aime surprendre, il ne faut pas que ça sente le travail. Et puis, je n'ai jamais abandonné le public. Même avec la radio, j'ai continué la scène. C'est notre meilleure jauge.
"Je me suis fait plus d'amis que d'ennemis"
Quel est votre meilleur souvenir sur RTL ?
Je me souviens de la venue de Jacques Chirac. Il était en campagne (pour la présidentielle de 2002, ndlr). On était arrivés avec Jean-Jacques, il nous avait invités à prendre le café avec lui. C'était le président ! Jospin était venu la semaine suivante, il n'avait dit bonjour à personne. Avec Jean-Jacques, on s'est dit : "il va perdre...". On peut monter un cabinet de voyance !
Et un souvenir désagréable ?
Je n'en ai aucun. Je me suis fait plus d'amis que d'ennemis. Et je n'aurais jamais rencontré de gens aussi intéressants si je n'avais pas fait ce métier.
Comment la complicité avec votre co-animatrice, Mademoiselle Jade, est-elle née ?
Cela s'est fait tout seul, il y a 6 ou 7 ans, un matin, en direct. On n'avait jamais répété ensemble. Jade a toujours le sourire. On peut tout lui faire faire !
À plusieurs reprises, vous avez fait vos sketchs devant des femmes et des hommes politiques, en les imitant. Vous ressentez une pression particulière durant cet exercice ?
Ça nous fait rire d'être devant le pouvoir et de le brocarder. On a toujours fait attention à ne pas mettre mal à l'aise les politiques, ce n'était pas le but. Sarkozy, Hollande, Macron... ça a toujours été des bons clients.
"Je n'aime pas faire l'exercice avec les politiques, parce que c'est filmé"
Pour la spéciale d'aujourd'hui, vous étiez exceptionnellement filmé en direct, un exercice que vous refusez d'habitude. Pourquoi ?
La radio, c'est magique. Ça s'écoute. C'est l'imaginaire qui marche, on peut créer des trucs. Je n'aime pas faire l'exercice avec les politiques, parce que c'est filmé. Pour Marine Le Pen, je ne voulais pas qu'il y ait de réactions sur elle, j'avais demandé un plan large. Parce qu'après, il y a toujours des connards qui récupèrent les images en disant "ouais, elle a rigolé à ses trucs...". Elle a essayé de me déstabiliser en lisant ses fiches, mais on l'a fait. On se doit d'être non seulement apolitiques, mais aussi de ne pas délivrer de messages. On est là pour faire rigoler.
Vous serez en fin d'année en prime time sur France 2 dans une émission spéciale animée par Michel Drucker pour vos 50 ans...
Michel Drucker, c'est ma famille, mon papa de télévision. Moi, je suis de l'école Salvador, je ne fais pas beaucoup d'émissions. C'est lourd, c'est comme monter un spectacle. Maintenant, on vous demande de le faire en un temps réduit. Et puis je me méfie de la télé. Je ne vais pas dans les émissions des juges d'instruction, ça ne m'intéresse pas, je n'ai rien à me reprocher, donc je ne vais pas y aller. Mon métier, c'est d'être sur scène et de faire de la radio. En plus, à la télé, il faut se maquiller !
"'4 mariages pour 1 lune de miel' est d'un mauvais goût total"
Quelle est votre émission favorite ?
"4 mariages pour 1 lune de miel" (diffusé sur TF1, ndlr). C'est d'un mauvais goût total. J'adore le mauvais goût poussé à l'extrême. Ca me fascine. Comme je ne vais jamais aux mariages, je me dis "Ah, je comprends pourquoi je n'y vais pas". Je regarde aussi Arte, il y a de bons reportages. En ce moment, je regarde les films de Bertrand Tavernier sur le cinéma. Je suis cinéphile. Je n'ai pas beaucoup de chaînes parce que je deviendrais fou.
L'année dernière, vous aviez proposé une parodie des derniers voeux présidentiels de François Hollande , à la télévision, sur C8, mais également sur RTL. Êtes-vous prêt à récidiver cette année avec les premiers voeux d'Emmanuel Macron ?
Pourquoi pas. Mais ça n'avait pas eu le même impact que quand on l'avait fait pour Chirac. Ça avait eu un impact incroyable : il n'y avait que six chaînes. Il était quand même plus burlesque, on avait un personnage.
Jusqu'à quand êtes-vous lié contractuellement à RTL ?
Je n'ai pas de contrat, il n'y a que des poignées de main sympathiques. On se revoit généralement au mois de juin et puis on se dit "bon, on continue !". Ça se fait naturellement. C'est une grosse entreprise, mais c'est très humain. Je suis un peu triste quand même de quitter la mythique rue Bayard, mais il paraît qu'il faut évoluer... (RTL emménagera en début d'année prochaine dans de nouveaux locaux à Neuilly-sur-Seine, ndlr).
Avez-vous déjà été voir les futurs locaux ?
Pas du tout. Mais on espère qu'il y a un bon bistrot !