M, le magazine du Monde apporte aujourd'hui une lumière crue sur la fabrication de l'information par le politique. Dans son édition du week-end, le supplément du quotidien a en effet décidé de raconter dans le détail une réunion du président Nicolas Sarkozy avec plusieurs de ses conseillers avant une allocution présidentielle, le 27 février 2011. Le magazine a pour cela puisé dans les fameux "enregistrements Buisson" qui ont fait scandale en tombant aux mains de la presse en mars dernier.
Pour bien comprendre la situation, il faut se replacer dans le contexte. L'allocution en question doit permettre à Nicolas Sarkozy de réagir publiquement aux Printemps arabes mais aussi à annoncer les départs de Michèle Alliot-Marie et de Brice Hortefeux du gouvernement Fillon. Comme le raconte M, Nicolas Sarkozy voulait au départ faire un simple communiqué pour annoncer le remaniement puis accorder le lendemain une interview à l'Elysée à David Pujadas et Laurence Ferrari, présentatrice du JT de TF1 à l'époque. Un plan médias dont l'ont finalement dissuadé ses communicants jugeant "grotesques" les deux journalistes en question au vu des évènements internationaux qu'ils sont censés évoqués. David Pujadas et Laurence Ferrari ne seraient ainsi "pas à la hauteur de l'événement" et "tireront vers le bas" l'entretien en posant des questions politiciennes.
Notre consoeur Emeline Cazi décrit aussi les ficelles utilisées par les politiques pour mettre en avant les thèmes qu'ils souhaitent imposer dans le débat public grâce à la complicité des médias. Ainsi, selon le magazine, Patrick Buisson espère faire monter le thème de l'immigration "à coups de sondages glissés opportunément aux 'médiateux'", surnom donné aux journalistes.
On découvre ainsi dans le détail la bonne collaboration mise en place par l'équipe Sarkozy avec Etienne Mougeotte. L'ancien vice-président de TF1, à l'époque directeur des rédactions du "Figaro" (2007-2012), est ainsi appelé à un moment par Patrick Buisson pour lui "donner des choses en exclusivité". "M" raconte qu'aurapavant, Nicolas Sarkozy avait demandé à ce qu'on fournisse à l'avance le texte de son allocution à Jean-Pierre Raffarin, Jean-François Copé mais aussi à... Etienne Mougeotte. "Ça lui fera plaisir", affirme le chef de l'Etat dans les enregistrements.
L'enquête de M se termine par une mise en cause d'Etienne Mougeotte, accusé d'avoir suivi à la lettre, dans son éditorial publié au lendemain de l'allocution, les consignes passées par l'Elysée. "Au téléphone avec Etienne Mougeotte, Patrick Buisson avait lourdement insisté : 'On remplace les ministres parce qu'il y a une situation dans les pays du monde arabe extraordinairement troublée, on ne les remplace pas parce que, comme Michèle Alliot-Marie, ils ont été l'objet d'attaques de la part de la gauche.' Le patron du Figaro semble avoir compris", écrit M.
Le "nouveau et puissant flux d'immigration" qui "menace" l'Europe annonce des "jours difficiles", se retrouvent en effet en Une du quotidien conservateur le lendemain. "On pourrait en rajouter, mais le titre de son édito – 'Les 40es rugissants' – et la métaphore sur la tempête, filée d'un bout à l'autre, prouvent que le message est bien passé", dénonce ainsi notre consoeur de M.