Changement de statut pour Eric Zemmour. Alors qu'il était jusque-là considéré comme un simple éditorialiste, il vient de se voir adjoindre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel la qualité d'"acteur du débat politique national". Une évolution lourde de conséquences pour lui et ses employeurs.
Dans un communiqué publié hier soir, le régulateur annonce en effet que son temps de parole devra désormais être décompté. "Cette décision s'appliquera à compter du 9 septembre 2021", précise le CSA qui explique qu'"au regard des récents développements", Eric Zemmour doit désormais être regardé "tant par ses prises de position et ses actions, que par les commentaires auxquels elles donnent lieu, comme un acteur du débat politique national".
Cela fait plusieurs semaines que la possible candidature à la prochaine présidentielle d'Eric Zemmour questionne son statut et donc le décompte éventuel de son temps de parole dans les médias. En juin dernier, un proche conseiller d'Emmanuel Macron, Stéphane Séjourné, préconisait ainsi que les prises de parole des éditorialistes "les plus engagés" soient décomptées. Dans son viseur : l'intervenant quotidien de CNews. Interrogé dans la foulée par Europe 1, le président du CSA, Roch-Olivier Maistre, avait cependant balayé cette suggestion. "Rien dans la loi ne nous amène aujourd'hui et ne nous amènera à comptabiliser le temps de parole des éditorialistes, qui, pour beaucoup d'entre eux, sont des journalistes", avait-il déclaré.
Une affirmation aujourd'hui utilisée par Eric Zemmour pour dénoncer la décision du régulateur de l'audiovisuel le concernant. Dans un communiqué publié hier sur Twitter, le polémiste a ainsi fustigé une "censure" et une "intimidation". Citant son numéro de carte de presse, il a déploré la "partialité idéologique" du CSA et estimé qu'il portait atteinte à sa liberté d'expression.
Il faut dire que cette décision du régulateur vient percuter la stratégie d'ambiguïté déployée par l'essayiste ces derniers mois. Interrogé par Paul Larrouturou sur LCI en août pour savoir s'il n'était pas candidat "sans le dire" pour "garder le plus longtemps possible son émission sur CNews", le polémiste avait ainsi lancé, un sourire en coin : "Je vais vous prendre comme conseiller parce que vous êtes vraiment le plus intelligent de tous"...
Goûtant visiblement peu l'équivoque, le CSA a finalement estimé que la situation d'Eric Zemmour avait changé ces dernières semaines à la faveur de "récents développements" qu'il n'a pas souhaité détailler à puremedias.com. Aurait notamment pu être pris en compte le long entretien du polémiste à la chaîne Youtube "Livre noir", le 6 juin dernier, au cours duquel Eric Zemmour avait reconnu devoir "peut-être passer à l'action". L'essayiste avait par la suite systématiquement refusé de démentir dans les médias l'hypothèse de sa candidature à la présidentielle.
La création de l'association de financement "Les amis d'Eric Zemmour", promouvant sa potentielle course à l'Elysée, ainsi que celle du mouvement de jeunes partisans, "Génération Z", dont les campagnes d'affichage "Zemmour président" ont ponctué l'été, pourraient aussi avoir motivé le changement de perception du gendarme de l'audiovisuel.
Conscient de l'ambiguïté entretenue sciemment par son salarié, la direction du "Figaro" avait d'ailleurs préféré prendre les devants fin août en annonçant se priver de ses chroniques hebdomadaires le temps de la campagne de promotion de son prochain livre, "La France n'a pas dit son dernier mot", à l'occasion de laquelle Eric Zemmour dit vouloir partir "à la rencontre des Français".
Reste maintenant à savoir comment les chaînes vont s'organiser concrètement. CNews, dont le succès d'audience en access repose sur la personnalité d'Eric Zemmour, va devoir ajuster le tir dès ce soir. Contactée à ce sujet, la chaîne info assure que le polémiste sera bien présent sur le plateau de "Face à l'info" ce jeudi. Elle refuse en revanche de se prononcer sur la suite des évènements, qu'il s'agisse de la limitation ou de la compensation du temps de parole de son polémiste.
Paris Première, diffuseur de "Zemmour & Naulleau" chaque mercredi soir, préfère pour sa part se donner du temps alors que le retour à l'antenne du programme n'est attendu que le 29 septembre prochain. Lors de la conférence de presse de rentrée du groupe M6 mardi 7 septembre, la patronne de Paris Première, Catherine Schöfer, expliquait toutefois que seule une candidature officielle du polémiste ou son affiliation à un parti pourraient provoquer sa mise à l'écart de l'antenne. Elle avait cependant reconnu déjà réfléchir à d'éventuels remplaçants qu'elle comptait piocher parmi les intervenants réguliers de l'émission. Les deux chaînes peuvent aussi toujours contester la décision du CSA devant la justice, mais la procédure engagée ne devrait pas être suspensive pour autant.
En attendant, la parole d'Eric Zemmour devra donc être considérée comme celle d'une personnalité "Divers droite" dûment comptabilisée. Selon les règles de pluralisme dont le CSA se porte garant, les médias devront veiller à lui accorder un "temps d'intervention équitable au regard des éléments de sa représentativité". En l'absence de scores à des élections précédentes ou d'élus sous sa bannière, la représentativité d'Eric Zemmour devrait être principalement évaluée selon les "sondages d'opinion". Dans ces derniers, Eric Zemmour est pour l'instant crédité d'environ 7% des intentions de vote au premier tour.
Outre ses employeurs réguliers, les chaînes qui s'apprêtaient à le recevoir dans les jours à venir pour la promotion de son nouveau livre vont elles aussi devoir s'adapter à cette nouvelle donne. Ce sera le cas de Laurent Ruquier et Léa Salamé dès ce samedi dans " On est en direct" sur France 2. Idem pour Pascal Praud sur CNews lundi prochain et Jean-Jacques Bourdin deux jours plus tard sur BFMTV. Nul doute qu'Eric Zemmour profitera de ces tribunes pour redire tout le bien qu'il pense de la décision du CSA. A moins qu'il ne se résolve à sortir de l'ambiguïté ?