Aux Etats-Unis, la guerre des acteurs fait rage et alimente les colonnes de la presse people. Mais en France, c'est un tout autre combat que se livrent les comédiens... Ou plutôt, leurs voix françaises. Car depuis quelques temps, les syndicats d'acteurs tirent la sonnette d'alarme quant aux délocalisations des voix. Comme le rapporte Libération, de plus en plus de studios préfèrent faire leurs doublages en Belgique plutôt qu'en France.
Cela a notamment été le cas pour "Desperate Housewives". La série qui s'est terminée en mai dernier aux Etats-Unis à l'issue de sa huitième saison a été doublée en France et en Belgique. Les personnages principaux, présents depuis 2004 dans la série, ont ainsi retrouvé leurs voix traditionnelles, doublées dans l'Hexagone tandis que les personnages secondaires, moins importants, ont trouvé leur voix de l'autre côté de la frontière.
La raison est simple : les salaires versés aux acteurs qui prêtent leurs voix aux personnages y sont 40% inférieurs à la rémunération française. "Imaginez que j'ai doublé deux saisons du même dessin animé, et mon cachet est passé de 500 à 2.000 euros pour une journée : la première fois, j'ai été payé au forfait, et la seconde, à la ligne. Ce jour-là, je me suis dit qu'on allait se le reprendre dans la gueule" confie une comédienne à Libération.
Mais la situation touche principalement les séries à petit budget ainsi que les telenovelas et les mangas. "Tous suivent des logiques économiques, pourquoi iraient-ils s'emmerder à payer plus cher ce qu'ils peuvent faire à un moindre coût en Belgique, avec une très bonne qualité ?" explique au quotidien le gérant d'une société de doublage. Pour lutter contre ce fléau qui s'étend de plus en plus, des solutions - comme une grille tarifaire - ont été proposées mais jugées "inadaptées à la réalité actuelle".
La grille proposée proposait en effet le même budget pour une série à gros budget que pour un programme diffusé de manière confidentielle. Deux syndicats ont alors proposé de baisser les salaires de 30%, une proposition refusée. "Il faudrait 40 ou 45% pour pouvoir rivaliser avec la Belgique et ça, les comédiens ne l'accepteront jamais. Et quand bien même ils l'accepteraient, cela ne veut pas dire qu'à prix égal, les distributeurs reviendraient" analyse Patrick Couty, directeur de Libra Films.
Sa crainte est de voir la situation empirer. "Aujourd'hui, ce sont les petits rôles qui sont concernés (par les délocalisations), demain ce seront les moyens et après-demain, les gros rôles, car les Belges vont s'adapter" craint-il. Mais la situation n'est pas récente. Libération rapporte qu'en 1994 déjà, des comédiens avaient fait grève pour dénoncer cette délocalisation des doublages.