Edito. On ne parlera pas ici du fond, largement commenté ce matin par les éditorialistes. Mais de la forme, de la mise en scène prévue par TF1 et France 2 pour ce débat hautement inflammable de l'entre-deux-tours de la présidentielle. On a assisté, mercredi soir, au naufrage d'un dispositif, immuable depuis 1974, une fois encore minutieusement préparé par les deux chaînes, les candidats, et le CSA. Tous avaient défini un cadre ultra-strict, des plans de coupe à la température sur le plateau. C'était bien la peine, quand on voit le résultat offert aux téléspectateurs. Dès les premières secondes, Marine Le Pen a donné le ton et l'ambiance : ce sera un duel, un face-à-face, un corps à corps. Sans modérateur, sans journalistes, transformés illico en éléments décoratifs du plateau.
Deux maîtres d'école sans autorité, occupés à faire taire deux élèves perturbateurs qui n'avaient rien à faire du canevas, des questions, des thématiques. Mais où étaient donc passés les deux journalistes, Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakubyszyn ? Leur absence a crevé l'écran. Happés par l'agressivité d'une Marine Le Pen incontrôlable et d'un Emmanuel Macron incapable d'entendre les injonctions, ils ont été réduits, pendant 2h30, à faire un point sur le temps de parole, pourtant affiché en très gros caractères sur le décor. Il faut compter le nombre de moments où les candidats ont répondu aux questions posées, le buste tourné dans leur direction. Jamais leur nom n'a été prononcé par les deux candidats ! Ostensiblement, Marine Le Pen a choisi de les ignorer. Une ultime provocation aux médias qu'elle combat depuis le début de cette campagne. Ce mépris nous aura au moins offert quelques moues magiques de Nathalie Saint-Cricq, qui ont fait le bonheur des réseaux sociaux.
Est-ce que David Pujadas et Gilles Bouleau auraient été de meilleurs arbitres ? Rien n'est moins sûr, même si l'un d'eux a l'expérience de ce genre de débat. Une Ruth Elkrief ou une Léa Salamé auraient-elles eu le cran d'interrompre, de contredire, de fact-checker, de réorienter les thématiques qui ont été déroulées par les candidats au mépris du conducteur de l'émission ? Peut-être. A 11, le débat sur les chaînes info a été mieux mené et organisé. On imagine la panique dans l'oreillette de ces deux-là, sans doute pétrifiés et conscients de rater le prime de leur vie considéré, à tort, comme un graal journalistique.