Apparues sur les sites internet en 2018 avec l'entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), les pop-up, fenêtres et bannières destinées à obtenir le consentement des visiteurs sont devenues de plus en plus insistantes (et complexes) au fil des années... Au point que le sujet est devenu un vrai enjeu d'expérience utilisateur pour les médias, alors que ces données s'avèrent incontournables pour leur modèle économique.
En fixant un cadre européen pour la collecte et l'usage des données personnelles des internautes, le RGPD devait simplifier les choses en poussant à une harmonisation des pratiques, pour une meilleure protection des consommateurs... Mais 6 ans après l'entrée en vigueur du texte, le constat est sans appel : la situation s'est largement complexifiée. À chaque nouvelle visite sur un site, ou presque, les internautes doivent valider des conditions générales, approuver la collecte de cookies, l'utilisation de technologies de traçage et le partage de données avec des tiers.
Du côté des éditeurs de sites, la situation est souvent tout aussi complexe que pour les internautes. Certes, le texte a fixé de grands principes applicables sur tout le web européen, mais il a aussi laissé des marges d'interprétations, notamment autour de notions comme le caractère "libre, spécifique, éclairé et univoque" du consentement au traitement des données personnelles, ou encore le "motif d'intérêt légitime" qui permet à un éditeur de s'affranchir de la collecte d'un consentement explicite, à certaines conditions.
En particulier, les médias "bénéficient d'une tolérance qui leur donne la possibilité de mettre en place des pay walls' : ceux-ci permettent de laisser le choix entre l'acceptation des cookies ou un abonnement payant", comme le précise Guilhem Bodin, partner et expert média de l'agence Converteo. Conséquence : "les internautes paient rarement pour ne pas avoir des cookies, donc les taux de consentement des médias sont très élevés par rapport aux autres sites. Et quand ils n'ont pas obtenu de consentement, c'est que l'individu est reparti du site."
Il faut dire que la collecte de ces données personnelles est particulièrement cruciale pour les médias : celles-ci servent (entre autres) à assurer le suivi des audiences et à maximiser les revenus publicitaires. "Une publicité display [une bannière, par exemple] affichée à un visiteur qui a accepté les cookies est vendue beaucoup plus cher que si elle est montrée à des utilisateurs n'ayant pas accepté les cookies", rappelle ainsi Marion Wyss, ancienne directrice du numérique du groupe Challenges et cofondatrice de la solution Poool.
Autre particularité : en raison d'un modèle économique principalement lié à la publicité, les sites médias se trouvent connectés à une multitude d'intermédiaires - plateformes, prestataires technologiques, adtech, etc. - qui permettent de maximiser les revenus de chaque publicité diffusée.
Jusqu'à récemment, les médias pouvaient utiliser l'argument de l'intérêt légitime - la publicité étant centrale dans leur modèle économique - pour procéder à la collecte des données personnelles de leurs visiteurs, et, surtout, pour partager ces données avec des centaines de prestataires externes. Une pratique notamment dénoncée par l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir dans une enquête publiée début 2024.
Dès février 2022, l'Autorité de Protection des Données (APD) belge condamnait ces partages de données et invitait l'IAB Europe - l'organisation qui représente les intérêts des acteurs de la publicité en ligne - à proposer aux médias des règles davantage conformes au RGPD. Celles-ci sont synthétisées dans le nouveau "Transparency and Consent Framework" (TCF).
Parmi les principaux changements de cette version 2.2 du TCF, "le consentement pour du partage de données à des fins marketing ne peut plus être pré-coché," explique Guilhem Bodin. "L'éditeur doit aussi indiquer dès le premier écran le nombre de partenaires avec qui les données sont partagées - ce qui, de fait, les pousse à réduire le nombre de prestataires avec qui les médias travaillent." Un premier pas vers davantage de simplification ?