Jean-Christophe Cambadélis écrit à Nicolas Sarkozy. Dans une lettre publiée aujourd'hui sur le site du Parti socialiste, le patron du PS interpelle son adversaire politique au sujet de l'invitation de Marine Le Pen jeudi dans "Des paroles et des actes" (DPDA) sur France 2. Il demande au président du parti Les Républicains (LR) qu'ils "saisissent ensemble le CSA pour protester contre la cinquième invitation" de la présidente du Front national dans l'émission politique.
Pour justifier cette initiative, Jean-Christophe Cambadélis évoque la possible victoire aux élections régionales de Marine Le Pen dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, une nouvelle région où elle sera notamment confrontée à Xavier Bertrand (LR) et à Pierre de Saintignon (PS). Selon le Premier secrétaire du Parti socialiste, la participation à "DPDA" de la leader du FN introduirait "une distorsion dans l'équité médiatique" en lui offrant une exposition médiatique dont les autres candidats à la région seront privés.
"Il n'est pas admissible que le service public fasse plus de deux heures de publicité pour Madame Le Pen au détriment des partis républicains représentés à l'Assemblée nationale", tonne le patron du PS à la fin de son courrier, affirmant "qu'il faut porter un coup d'arrêt à la fascination, à la promotion morbide de l'extrême droite dans le pays".
Si elle est spectaculaire, l'initiative de Jean-Christophe Cambadélis a cependant peu de chances d'avoir des conséquences concrètes. En temps d'élection, les chaînes de télévision ont en effet l'obligation de respecter l'équité médiatique entre les candidats à partir de six semaines avant le début du scrutin. Dans le cas des régionales dont le premier tour aura lieu le 6 décembre prochain, ce délai ne s'ouvrira à la fin du week-end prochain, soit après l'émission de jeudi soir.
Avec cette lettre, Jean-Christophe Cambadélis se range en tout cas aux arguments déjà avancés par Xavier Bertrand dans une lettre envoyée la semaine dernière à Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions. "De toute évidence, si près du premier tour des élections régionales, vous faites le choix d'offrir à Mme Le Pen une très large audience (...) sans donner à ses concurrents la même exposition. Il s'agit d'une rupture inacceptable des engagements de France Télévisions", avait dénoncé le maire de Saint-Quentin dans sa missive.
Dans un communiqué de réaction, le FN avait pour sa part raillé le "numéro de pleurniche" de Xavier Bertrand et souligné que le responsable LR était la quatrième personnalité politique la plus invitée dans les matinales et émissions politiques nationales avec 4h35 d'antenne cumulées, soit plus que Marine Le Pen et ses 4h20. L'équipe du FN reprenait ainsi à son compte un chiffre fourni lundi 12 octobre par "Le Petit Journal" (31e minute) dont le classement ne prend toutefois pas en compte les différences d'audience des émissions.
De leur côté, David Pujadas et la rédaction de "DPDA" avaient tenu à se défendre de cette mise en accusation dans une tribune publiée le 14 octobre dans L'Obs. Ils avaient notamment mis en garde contre le "trompe l'oeil de la comptabilité" concernant le nombre d'invitations de Madame Le Pen dans l'émission. "Le Front National ne bénéficie d'aucun avantage de présence à DPDA", avaient-ils précisé. "Les temps de parole sont strictement encadrés par le CSA. Ces trois dernières années, celui du FN est de 12% du total soit le bas de la fourchette des obligations", avaient-ils souligné.
Et l'équipe d'ajouter : "Il se trouve que ce parti n'a qu'un leader à l'envergure nationale suffisante pour le représenter dans une telle émission, là où le Parti Socialiste ou Les Républicains partagent leur temps de parole en plusieurs voix". Avant de conclure : "Rappelons tout de même que sur 35 émissions, Marine Le Pen n'a été présente que 4 fois en tant qu'invitée principale. La dernière fois remonte à 18 mois".
Mise à jour 17h25 : Le CSA publie cet après-midi un communiqué faisant écho à la polémique autour de "Des paroles et des actes". Dans un court texte rappelant que le début de la période électorale aura lieu le 26 octobre prochain, le gendarme de l'audiovisuel préconise malgré tout que "dès à présent (...), quand des personnalités fortement impliquées dans la compétition électorale sont invitées à prendre la parole sur les antennes, faisant valoir directement ou indirectement une candidature, la possibilité d'une expression contradictoire devrait être rapidement offerte aux concurrents". Et d'ajouter : "Il importe en effet que ne soit pas créés des déséquilibres particuliers préjudiciables au principe d'équité à quelques jours" du début de la période électorale.