Chaque semaine, retrouvez "Médias le mag, l'interview", en partenariat avec France 5. Julien Bellver, co-rédacteur en chef de puremedias.com et chroniqueur dans "Médias le mag" le dimanche à 12h35 interroge une personnalité des médias toutes les semaines. Pour ce 33e numéro, Julien Bellver reçoit Nicolas Demorand, à la tête du 18/20 de France Inter.
En moins de deux ans, "Un jour dans le monde" et "Le téléphone sonne" sont redevenues les deux émissions les plus écoutées du début de soirée. C'était l'objectif de la direction ?
Non, l'objectif était d'installer "Un jour dans le monde", une émission de contre-programmation absolue puisqu'on ne parle jamais de la France. Cette année, l'idée était de reconstruire une tranche du soir, un 18/20 qui existe sur tous les radios et qui n'avait jamais existé sur Inter.
Fédérer autant avec des sujets internationaux, c'est un exploit non ?
Il y a un appétit, une curiosité pour ce qui se passe ailleurs chez les auditeurs. Il faut avoir le courage d'avoir une vraie politique d'offre, on peut parler du Yémen, de l'Afrique, de tous les conflits internationaux.
Entre 18h et 20h, vous êtes même devant RTL et Marc-Olivier Fogiel... Mais il n'y a pas de guerre entre vous, vous vous saluez régulièrement sur Twitter. C'est rare dans ce milieu...
J'ai un peu travaillé avec lui à Europe 1, il y a une amitié et une confraternité. Je l'ai félicité à la précédente vague, cette fois c'était mon tour... C'est plutôt sympa même s'il y a une concurrence évidente.
"Le téléphone sonne", vous l'avez repris depuis septembre dernier. Ce sont évidemment les auditeurs qui ont la parole. C'est le meilleur moyen pour casser la langue de bois quand les Français sont de plus en plus hostiles aux politiques et aux journalistes ?
Bien sûr ! Je ne voulais pas lutter contre le concept de l'émission, des gens qui appellent et s'expriment. Toutes les émissions commencent par un auditeur. On a sur certains sujets des blocs de réalité qui nous surgissent, nous éclatent au visage. Les formats classiques de la radio ne nous auraient pas permis de les capter, c'est un bon baromètre de l'opinion. Pendant l'entre-deux tours des régionales, on a fait une émission sur l'abstention qui a été un raz-de-marrée d'appels, on a continué le lendemain et le surlendemain.
Qui choisit les intervenants, vous ou il y a un filtre avant ?
Le standard a le nombre d'appels brut, il y a parfois des questions hors sujet. En régie, il y a quelque chose de semi-raffiné et moi sur mon écran, j'ai une soixantaine de questions qui peuvent passer à l'antenne. Je suis très frappé de voir que le plus souvent, quand je sors du studio, j'ai 50, 60, 90 auditeurs calés, on pourrait faire une heure de plus...
A la télévision aussi, on fait appeler aux citoyens. Surtout quand il s'agit d'interroger le président de la République... Vous avez été convaincu par le dispositif ce soir-là ?
J'ai trouvé "les Français" très bons, un vrai contact rugueux, il n'y avait pas que l'interview journalistique. Après, essayer de réduire la France à trois ou quatre personnes, est un exercice bizarre, je préfère au "Téléphone sonne" la pluralité des points de vue, on l'a fait avec François Hollande, on a eu un nombre d'appels délirant.
Et par la "princesse sexy et virevoltante" aussi ? Vous voyez de qui je parle ? Ce sont des propos rapportés et compilés de François Hollande et Michel Field à propos de Léa Salamé... Le sexisme a encore de beaux jours devant lui...
Je trouve ça dégueulasse. Léa Salamé, elle a fait le job ! Elle a posé des questions qu'on ne pose pas en général... Quand elle dit, "la déchance de nationalité restera comme la tache morale", c'est une bonne question d'interroger sur la moralité d'une politique. Quand elle dit "vous plaisantez ?" à propos de Merkel et des migrants, elle a eu raison. Sur le fond comme sur la forme, elle a fait un vrai putain de travail de journaliste.
Comment expliquez-vous que l'audience ait été aussi mauvaise ?
Je ne sais pas, le moment n'est peut-être pas le bon... On est encore loin de la présidentielle, les enjeux ne sont pas encore cristallisés, dans six ou huit mois les émissions politiques marcheront.
Notre image médias de la semaine, c'est la Une de Télé Obs. Patrick Cohen, "le boss" de France Inter. C'est le boss du matin et vous du soir ?
Il est le boss incontesté, il a mis la matinale de France Inter à un haut niveau, la première marche du podium. Et il n'invite pas que des politiques, il l'a ouverte aux intellectuels, économistes, musiciens, acteurs etc. Cette matinale apporte quelque chose de très puissant dans le débat public.
Patrick Cohen fait aussi de la télévision, chaque soir dans "C à vous". Et vous, on vous revoit quand à la télévision ?
Je ne sais pas... J'ai arrêté de faire de la télé au moment où j'ai commencé à diriger "Libé". J'ai fait de la télé après en tant que chroniqueur sur Canal, avec un vrai bonheur, parler d'un livre en trois minutes.
Vous êtes candidat aux nouvelles émissions politiques en préparation ?
Non... On m'a dit que mon nom circulait dans des dossiers de prod mais je ne fais pas de la télévision l'alpha et l'omega de mon bonheur.
Un rôle de polémiste chez Laurent Ruquier, cela pourrait vous plaire ?
Cela m'a été proposé plusieurs fois, quand j'étais matinalier d'Inter mais c'était compliqué pour des questions d'enregistrement. Aussi quand j'étais patron de Libé mais je ne pouvais pas geler une journée par semaine...
Et demain, s'il vient vous chercher ?
Ca me ferait marrer oui, surtout pour le côté interview politique. J'en ai fait beaucoup, mais ce qu'a fait Léa face à François Hollande démontre qu'il y a encore des formes de journalisme politiques à inventer.