L'homosexualité d'un personnage public doit-elle être révélée par les médias sans son accord ? C'est la question posée aujourd'hui après la publication par Closer de photos montrant Florian Philippot avec son supposé compagnon.
Venue d'outre-Atlantique, cette pratique dite de l'outing a longtemps été bannie dans les médias français. Comme l'avait déjà souligné Les Inrocks en 2012, il a ainsi fallu attendre la fin des années 1990 pour observer une première évocation de l'outing. En 1999, Act Up avait ainsi menacé de révéler l'homosexualité de Renaud Donnedieu de Vabres, accusé d'avoir participé à des manifestations contre le PACS.
L'affaire avait rapidement provoqué l'indignation de la presse qui avait évoqué une "délation" voire même un "terrorisme communautaire". Devant le tollé général et les menaces de poursuites judiciaires, Act Up avait préféré renoncer. Finalement, c'est le journaliste Guy Birenbaum qui avait "outé" Renaud Donnedieu de Vabres dans un ouvrage paru en 2003.
En octobre 2000, c'était au tour de Jean-Luc Romero d'être "outé" dans les colonnes d'un journal gratuit gay aujourd'hui disparu. Attaqués en justice par le responsable politique, le journaliste et le mandataire liquidateur de la société qui publiait le journal avaient été condamnés à payer solidairement 3.000 euros de dommages et intérêts au responsable politique.
Dans son arrêt, la Cour d'appel de Paris avait posé en 2004 les bases d'une première jurisprudence sur le sujet, estimant que le journaliste n'avait pas à "faire état de l'homosexualité de Jean-Luc Romero sans son consentement", cette information relevant de la vie privée.
Cette jurisprudence protectrice pour les responsables politiques n'avait toutefois pas empêché les affaires d'outing de se multiplier. En 2011, le secrétaire national de l'UMP, David-Xavier Weiss, avait ainsi attaqué en justice Le Canard Enchaîné, acccusé d'avoir révélé son homosexualité au détour d'un article sur Roger Karoutchi. "Mes parents n'étaient pas au courant et j'ai dû les prévenir avant la publication du journal mardi soir, dans la précipitation. Je n'avais pas du tout envie que ça se passe comme ça. Les conséquences personnelles sont lourdes et ont compliqué ma vie intime" expliquait-il à l'époque au site gay Yagg.
En juin 2013, c'est Stéphane Bern qui avait mis les pieds dans le plat sur le plateau de "Salut les terriens !" sur Canal+. En plein débat sur le mariage homosexuel, l'animateur de France 2 avait lancé à Geoffroy Didier présent à ses côtés : "Geoffroy n'assume pas sa sexualité ! Tout le monde sait qu'il est homo, mais il dit qu'il est hétéro !". Enregistrée, la séquence avait été maintenue au montage par Thierry Ardisson. Interrogé quelques plus jours plus tard, Stéphane Bern avait nié tout outing, expliquant qu'il s'agissait d'une "boutade". Geoffroy Didier avait pour sa part nié être homosexuel.
En décembre 2013, nouveau cas d'outing avec la révélation dans le livre Le Front national des villes & le Front national des champs de l'homosexualité de Steeve Briois (à l'époque candidat à la mairie d'Hénin-Beaumont) mais aussi de Bruno Bilde, conseiller régional FN du Pas-de-Calais. Les deux responsables politiques avaient immediatement attaqué en justice l'auteur de l'ouvrage.
Le 19 décembre 2013, la Cour d'appel de Paris n'avait donné gain de cause qu'à Bruno Bilde. Concernant Steeve Briois, la justice avait en effet considéré que les révélations sur la vie sexuelle du bras droit de Marine Le Pen se justifiaient en raison de son rôle politique "de premier plan". "L'évocation de l'homosexualité de Steeve Briois (...) est de nature à apporter une contribution à un débat d'intérêt général", avait estimé le tribunal, établissant ainsi une nouvelle jurisprudence dans les cas d'outing dans les médias. Cette décision de justice a en tout cas ouvert une brèche dans laquelle Closer s'est engouffré aujourd'hui. Et ce n'est peut-être pas fini...
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