Les patrons des chaînes de télé privées peuvent se frotter les mains. Lors d'une rencontre avec la presse organisée afin de dévoiler les grandes lignes de sa réforme de l'audiovisuel*, Franck Riester a confirmé hier son intention d'assouplir grandement la législation en matière de publicité télé. Concrètement, le ministère de la Culture va donner satisfaction à la plupart des revendications en la matière des patrons de TF1, M6 et consorts.
Dans la droite ligne du rapport Bergé, la rue de Valois va ainsi autoriser par décret "la publicité segmentée et géolocalisée" à la télévision. Il s'agissait là d'une des principales demandes formulées par Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost dans une lettre ouverte envoyée au ministre de la Culture en octobre dernier. Dès janvier 2020, le téléspectateur ne verra ainsi plus la même publicité selon qu'il habite à Roubaix ou à Marseille par exemple. Pour préserver la presse et les radios locales dont c'est le coeur du modèle économique, les nouvelles publicités géolocalisées ne pourront cependant pas citer l'adresse des entreprises dont elles font la réclame. Ces nouvelles pubs seront également limitées à 2 minutes d'heure d'antenne quotidienne en moyenne, et à 6 minutes maximum par tour de cadran.
Attendue "début 2020" devant l'Assemblée nationale, la réforme de Franck Riester prévoit aussi de permettre aux chaînes privées de proposer de la publicité pour des films sortant en salles, une pratique jusque-là réservée aux autres médias (presse, web, radio...). Pour éviter que des spots vantant les mérites de blockbusters américains n'envahissent trop les écrans de télé français, le ministère de la Culture veut instaurer deux quotas imposant que ces pubs concernent pour 50% des oeuvres européennes et d'art et d'essai. Testée pendant 18 mois, cette ouverture de la publicité télé au secteur du cinéma était une autre ancienne doléance de TF1 et M6, qui n'ont cependant pas obtenu pour l'instant celles, intégrales, de la grande distribution** et de l'édition.
La Une et la Six peuvent néanmoins compter sur la prochaine mise en oeuvre d'une autre série de mesures qui leur seront favorables. Le gouvernement s'apprête ainsi à leur offrir la possibilité de programmer un troisième écran publicitaire lors de la diffusion des films et téléfilms de plus de 1h30, officiellement pour "favoriser la diffusion d'oeuvres plus longues". La rue de Valois compte aussi autoriser la diffusion par les chaînes privées de spots pour le télé-achat, ainsi que la publicité sur écran partagé (écran coupé en deux avec une partie réservée à la pub) lors des retransmissions d'évènements sportifs. Enfin, le gouvernement veut supprimer dès janvier 2020 la règle selon laquelle 20 minutes au moins doivent séparer deux coupures pub. Autant de mesures qui satisferont sans doute les patrons des chaînes privées, peut-être moins le téléspectateur.
* Franck Riester n'a pas souhaité évoquer hier le sort réservé par sa réforme au service public, de peur que ses annonces sur ce sujet sensible n'"absorbent toute l'attention" des journalistes.
** Depuis 2007, la publicité télé pour la grande distribution est partiellement autorisée, hors opérations commerciales de promotion.